La vraie vie – Adeline Dieudonné

71p2FeHYtpL L’Iconoclaste – août 2018 – 265 pages

Quatrième de couverture :
Le Démo est un lotissement comme les autres. Ou presque. Les pavillons s alignent comme  des pierres tombales. Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents. Et  celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. Un prédateur en puissance. La mère, est transparente,  amibe craintive, soumise à ses humeurs.
Avec son frère, Gilles, elle tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse en attendant la petite musique qui annoncera l arrivée du marchand de glace. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Et rien ne sera plus jamais comme avant.

Auteur : Adeline Dieudonné est une femme de lettres belge. En 2018, elle publie un premier roman remarqué, « La vraie vie », qui remporte le Prix Première Plume 2018, le Prix du roman Fnac 2018 et le prestigieux prix Victor Rossel 2018.
Elle habite à Bruxelles.

Mon avis : (lu en décembre 2018)
Ce roman commence comme un conte étrange, poétique parce que la narratrice est une petite fille et cruel car la famille est toxique… Puis cela devient un thriller psychologique terrifiant.
La fillette et son petit frère sont unis par une complicité sans faille. C’est essentiel, car ils ne peuvent trouver aucune aide dans leur famille, le père étant violent, obsédé par la chasse et la mère quasi inexistante face à la tyrannie de son mari. 
Lorsque l’histoire commence, l’héroïne est âgée de 10 ans et son petit frère a 6 ans. Ils sont tous les deux témoins d’un accident violent et le choc transforme le petit frère qui perd sa voix, son sourire et son insouciance. La fillette va alors tout tenter pour retrouver le sourire de ce petit frère qu’elle aime tant.
L’héroïne se réfugie dans les sciences pour essayer de retrouver « La vraie vie », celle d’avant le drame.
Ce premier roman d’Adeline Dieudonné est un coup de poing en plein cœur. 
Un livre qu’on ne peut pas lâcher et que l’on lit d’une traite. C’est bouleversant, haletant, passionnant et terrible à la fois. 

Extrait : (début du livre)
À la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres.
Des daguets, des sangliers, des cerfs. Et puis des têtes d’antilopes, de toutes les sortes et de toutes les tailles, springboks, impalas, gnous, oryx, kobus… Quelques zèbres amputés du corps. Sur une estrade, un lion entier, les crocs serrés autour du cou d’une petite gazelle.
Et dans un coin, il y avait la hyène.
Tout empaillée qu’elle était, elle vivait, j’en étais certaine, et elle se délectait de l’effroi qu’elle provoquait dans chaque regard qui rencontrait le sien. Aux murs, dans des cadres, mon père posait, fier, son fusil à la main, sur des animaux morts. Il avait toujours la même pose, un pied sur la bête, un poing sur la hanche et l’autre main qui brandissait l’arme en signe de victoire, ce qui le faisait davantage ressembler à un milicien rebelle shooté à l’adrénaline du génocide qu’à un père de famille.
La pièce maîtresse de sa collection, sa plus grande fierté, c’était une défense d’éléphant. Un soir, je l’avais entendu raconter à ma mère que ce qui avait été le plus difficile, ça n’avait pas été de tuer l’éléphant. Non. Tuer la bête était aussi simple que d’abattre une vache dans un couloir de métro. La vraie difficulté avait consisté à entrer en contact avec les braconniers et à échapper à la surveillance des gardes-chasse. Et puis prélever les défenses sur la carcasse encore chaude. C’était une sacrée boucherie. Tout ça lui avait coûté une petite fortune. Je crois que c’est pour ça qu’il était si fier de son trophée. C’était tellement cher de tuer un éléphant qu’il avait dû partager les frais avec un autre type. Ils étaient repartis chacun avec une défense.
Moi, j’aimais bien caresser l’ivoire. C’était doux et grand. Mais je devais le faire en cachette de mon père. Il nous interdisait d’entrer dans la chambre des cadavres.

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