Michel Lafon – octobre 2017 – 413 pages
Quatrième de couverture :
Fuyant un régime sanguinaire et un pays en guerre, Adam a envoyé sa femme Nora et sa fille Maya à six mille kilomètres de là, dans un endroit où elles devraient l’attendre en sécurité. Il les rejoindra bientôt, et ils organiseront leur avenir.
Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu’il découvre, en revanche, c’est un monde entre deux mondes pour damnés de la Terre entre deux vies. Dans cet univers sans loi, aucune police n’ose mettre les pieds.
Un assassin va profiter de cette situation.
Dès le premier crime, Adam décide d’intervenir. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est flic, et que face à l’espoir qui s’amenuise de revoir un jour Nora et Maya, cette enquête est le seul moyen pour lui de ne pas devenir fou.
Bastien est un policier français. Il connaît cette zone de non-droit et les terreurs qu’elle engendre. Mais lorsque Adam, ce flic étranger, lui demande son aide, le temps est venu pour lui d’ouvrir les yeux sur la réalité et de faire un choix, quitte à se mettre en danger.
Auteur : Engagé dans l’humanitaire pendant la guerre en ex-Yougoslavie, puis lieutenant à la section Enquête et Recherche de la police judiciaire du 93 depuis dix-huit ans, Olivier Norek est l’auteur de trois romans largement salués par la critique et traduits dans plusieurs pays, ainsi que le lauréat de nombreux prix littéraires. Après Code 93, Territoires et Surtensions, il nous invite dans un monde Entre deux mondes que nul ne peut imaginer, où se rencontrent deux inspecteurs que tout semble opposer et qui devront unir leurs forces pour sauver un enfant.
Mon avis : (lu en mai 2018)
Je voulais depuis quelques temps découvrir l’auteur de roman policier Olivier Norek. Après l’avoir vu à la Grande Librairie à l’automne dernier, mon envie s’est confirmée pour lire son dernier livre qui n’est pas vraiment un roman policier… C’est un livre » coup de poing » où il y a une réflexion sur notre société, de l’émotion, du suspens.
Avant d’écrire ce livre, Olivier Norek est parti à Calais pendant 3 semaines, le jour il s’installait dans la jungle et sans poser de questions, il observait, il écoutait les histoires des migrants qui voulaient se confier. La nuit, il était en observateur aux côtés des policiers qui doivent gérer l’ingérable. L’Etat leur demande de ne pas arrêter les migrants pour éviter qu’ils entrent dans le système judiciaire français, mais aussi de pas les aider. Tous les soirs, les policiers sont en action pour empêcher les migrants d’approcher les camions qui veulent traverser la Manche. Ils protègent le port et défendent les intérêts économiques de la région.
L’auteur a également rencontré les habitants de Calais. C’est une ville sinistrée, les habitants sont partagés, certains aident les migrants, d’autres les combattent. La présence de la jungle bouleverse toute l’économie de la ville, l’immobilier a fortement baissé, les touristes ont désertés, les commerces ferment…
Le premier chapitre est déjà un choc, nous sommes au beau milieu de la Méditerranée sur une embarcation avec « deux cent soixante-treize migrants. Âges, sexes, provenances, couleurs confondus. Ballottés, trempés, frigorifiés, terrorisés » et l’une des enfants tousse, menaçant le convoi d’être repéré…
Ensuite, le lecteur découvre Calais et sa « Jungle », le dernier jour du démantèlement.
Puis le lecteur va découvrir les personnages : Adam, policier à Damas en Syrie, se sent menacé. Il décide de faire partir du pays, sa femme Nora et sa fille de 5 ans, Maya, il organise leur départ vers la France et leur donne rendez-vous à Calais.
Bastien, est policier français, il vient d’arriver à Calais pour se rapprocher de la famille de sa femme. Il découvre une police sans moyens, avec des hommes et femmes fatigués, usés, obligés de rester en poste car les mutations sont interdites.
Adam a réussi à arriver à Calais où il pense retrouver sa femme et sa fille. Mais elles ne sont pas là. Il va découvrir la réalité de la jungle, le plus grand bidonville d’Europe, une ville dans la ville, avec ses quartiers en fonction des ethnies, ses commerces, sa loi du plus fort, sa violence… Une nuit, Adam intervient pour le sauver un enfant qui est en train de se faire agresser par plusieurs hommes. Comment dénoncer les coupable ? Comment ne pas devenir un cible à abattre ? Adam va chercher du soutien auprès de Bastien. Or pour la police, il est impossible d’enquêter dans un camp de réfugiés.
On ne peut pas être insensible ce qui se passe à Calais, pour les migrants, pour les policiers et pour les habitants de Calais qui sont tous dans des situations humainement difficiles.
Cette histoire bouleversante et passionnante invite le lecteur à réfléchir.
Après cette première lecture coup cœur d’Olivier Norek, j’ai très envie de poursuivre ma découverte de l’auteur avec ses romans policiers…
Extrait : (début du livre)
Quelque part en mer Méditerranée.
La main sur la poignée d’accélération, il profita du bruit du vieux moteur pour y cacher sa phrase sans créer d’incident ou de panique.
– Jette-la par-dessus bord.
– Maintenant ?
– On s’en débarrassera plus facilement au milieu de la mer que sur une aire de parking. Elle tousse depuis le départ. Pas question de se faire repérer une fois qu’on les aura collés dans les camions en Italie.
Dans l’embarcation, deux cent soixante-treize migrants. Âges, sexes, provenances, couleurs confondus. Ballottés, trempés, frigorifiés, terrorisés.
– Je crois pas que je peux y arriver. Fais-le, toi.
Un soupir d’agacement. Pas plus. L’autre abandonna la barre pour se diriger, résolu, vers la femme qui se cachait au fond. Il bouscula les passagers sans considération. À son approche, la femme resserra son étreinte sur le corps qu’elle protégeait entre ses bras, posa fermement la main sur la petite bouche froide, pria pour qu’elle cesse de tousser. Apeurée, l’enfant laissa échapper son lapin violet en peluche élimée que l’homme écrasa sous le poids de son pied sans même le remarquer. Il s’adressa à la mère.
– Ta petite. Tu dois la jeter.
Camp de migrants de Calais. Octobre 2016.
Dernier jour du démantèlement de la « Jungle ».
Insatiables, les pelleteuses dévoraient les cabanes et les tentes, les réduisant à l’état de débris pour en faire, un peu plus loin, des montagnes de plastiques, de tissus et de vêtements qui seraient anéantis par le feu lorsque le vent se serait calmé.
Il ne restait plus rien sur cette lande de ce que l’espoir y avait construit.
La pelle mécanique releva sa mâchoire et s’apprêta à traverser ce no man’s land de destructions. Le moteur s’emballa, l’engin cahota sur le sol irrégulier durci par le froid puis fit ligne droite vers sa prochaine cible, une vieille cabane en palettes de bois et au toit de carton. Une des dernières.
Quelques années auparavant, une déchetterie et un cimetière se partageaient l’endroit. Puis l’État y parqua les migrants aux rêves d’Angleterre. Ce matin, la déchetterie avait repris forme.
Mais lorsque les dents puissantes de la pelle mécanique s’enfoncèrent dans la terre, c’est le cimetière qui ressuscita.
Comme il y avait trois bras visibles, à moitié déterrés par la pelleteuse, les ouvriers en déduisirent qu’il y avait au moins deux corps, là, dans ce trou, à la périphérie immédiate du camp. Dont celui d’un enfant, assurément, vu la taille d’un des bras. D’un coup de talkie, le chef d’équipe fut averti.
Dissimulée à une vingtaine de mètres de là, une ombre longea l’orée des premiers arbres qui entouraient la Jungle, sans jamais perdre de vue le manège des engins. De leur côté, les ouvriers se placèrent en couronne autour de la scène, bêtement hypnotisés par l’horreur.
L’un d’eux leva les yeux et vit une silhouette sortir des bois. Guenilles, cheveux longs et poisseux, peau noire, marron ou tout simplement sale. Et une machette, tachetée de rouille, tenue par la poignée le long de la jambe. L’homme s’approcha doucement, fixant chacun comme une menace, faisant taper la lame contre sa cuisse alors qu’il avançait. Il n’y eut personne d’assez valeureux pour se mettre en travers de son chemin et ils firent tous plusieurs pas en arrière.
Lieu (5)