Jules César – Anne-Dauphine Julliand

71TlwGJJSNL Les Arènes – octobre 2019 – 368 pages

Quatrième de couverture :
Jules-César a presque 7 ans. Il aime sa mère, son frère, sa vie au Sénégal et le baby-foot. Mais son quotidien est compliqué car ses reins ne fonctionnent plus. Seule une greffe pourrait le sauver.
Augustin est fier de sa réussite professionnelle et de sa famille. Tout serait parfait s’il n’y avait ce fils malade, dans lequel il ne se reconnaît pas. Or, il est le seul à pouvoir lui donner un rein. Par devoir et par amour pour sa femme, il accepte de l’emmener en France.
Chapitre après chapitre, alternant les points de vue de Jules-César et d’Augustin, Anne-Dauphine Julliand dévoile l’entrelacs délicat d’une relation entre un père et son fils. Chacun des deux doit vaincre ses peurs et repousser les limites du courage.

Auteur : Anne-Dauphine Julliand est journaliste et vit à Paris.

Mon avis : (lu en juillet 2020)
Jules-César est un petit garçon de six ans et demi qui vit à Ziguinchor au Sénégal avec ses parents, son frère Simon et sa famille. Ce n’est pas un petit garçon comme les autres : ses reins ne fonctionnent plus et malgré les dialyses hebdomadaires, sa seule chance de retrouver une vie normale, c’est une greffe ! Augustin, son père, est donneur compatible, et pourrait le sauver ! Mais l’opération n’est pas possible au Sénégal et donc pour sauver son enfant, Augustin partira avec Jules-César en France… Le visa touristique de 9 jours qu’ils ont obtenu ne sera pas suffisant pour avoir tous les soins nécessaires… Augustin va se retrouver sans papiers en règle…
Ils seront hébergés chez Tata Rosie à Gentilly, veuve, elle vit seule et travaillant comme aide à la personne.
Cette histoire est avant tout celle d’un père et d’un fils. Loin de sa femme sur le point d’accoucher, déraciné, Augustin va devoir affronter ses peurs, ses doutes, ses angoisses et se battre pour la survie de Jules-César. Derrière une attitude rude et distante, il cache tout l’amour et la générosité qu’il a vis à vis de son fils si courageux.
Autour de tous les deux gravitent une galerie de personnages importants pendant ce séjour parisien : Monsieur Jeanjean, le voisin grincheux de tata Rosie qui va se laisser attendrir par l’énergie positive, la force et l’optimisme du petit garçon, Souleymane le copain de dialyse, Valérie Vallée l’assistante sociale et Nolwenn, l’institutrice hypocondriaque, que Jules-César va finir par réussir à apprivoiser…
Une lecture poignante, pleine d’humanité, de solidarité, d’amitié, de partages et d’amour qui m’a fait passer des larmes au rire. Une vraie leçon de bonheur et de tendresse !

Extrait : (début du livre)
L’enfant ne joue pas. Il regarde seulement. Accroupi sur son ombre, le corps tendu et les mains jointes, il fixe le ballon. « Allez, Simon, allez ! » Dans une supplication muette, il encourage son frère qui s’apprête à tirer un penalty.
La pluie n’est pas encore tombée en cette fin de matinée. Les toits de tôle semblent vibrer sous la chaleur. Dans la rue principale de Ziguinchor, les femmes sortent les poêles et les casseroles et préparent, en éventant le feu, le riz et les pastels frits qu’elles vendront pour le déjeuner. Les enfants du quartier se tiennent à l’écart, au bout d’une impasse, pour jouer au foot. Le sol en terre rouge est grevé de cailloux et de racines, mais ici au moins personne ne vient les déranger. Seules les chèvres s’aventurent là parfois. Il suffit de faire des moulinets avec les bras pour qu’elles s’écartent en bêlant.
Simon et ses copains portent les couleurs du Casa Sports de Ziguinchor. Les autres en face, avec leur tee-shirt du Dakar SC, mènent au score, d’un but. Le penalty de Simon pourrait ramener les équipes à égalité. Juste avant de frapper, il suspend son geste :
« Pause, je vais boire.
– Ça se fait pas ! C’est de la tactique », crient les autres.
Simon n’écoute pas, il rejoint son petit frère sur le bord du terrain et saisit le bidon tiède.
L’enfant lève un regard envieux vers l’eau qui dégouline sur le menton de Simon. Il passe sa langue sur ses lèvres sèches. Il ne doit pas boire, il le sait. Il chasse d’un revers de main un moustique qui l’agace, remonte ses lunettes épaisses et plisse les yeux pour mieux voir quand Simon se positionne devant le point de penalty. À l’instant où son frère frappe le ballon, bruit mat et geste sûr, des cris retentissent au bout de l’impasse. Leur mère accourt, en gesticulant, comme possédée.
« Jules-César, Jules-César, viens ! Vite, rentre à la maison ! Jules-César, tu pars ! Tu pars à Paris ! »
Suzanne attrape l’enfant par la main et le relève. Le stress raidit ses gestes, précipite ses pas.
Sur le chemin de la maison, elle parle à haute voix, pour avertir ceux qu’elle connaît et les autres aussi. « Il part. Ça y est, il part. Le petit va en France. » Chacun peut entendre dans ses mots son angoisse et sa joie. Son ventre lourd de six mois de vie roule à la cadence de ses pas. Elle appelle Amina devant son étal de fruits et tata Albertine qui discute avec d’autres femmes assises sur leur natte décolorée. Toutes deux lui emboîtent le pas.
Simon ferme la marche, en traînant un peu, le ballon sous le bras.

Petit bac 2020a
(5) Personnage célèbre

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Frère d’âme – David Diop

logo prix audiolib 2019

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Audiolib – mars 2019 – 3h43 – Lu par Babacar M’baye Fall

Seuil – août 2018 – 176 pages

Quatrième de couverture :
Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne.

Auteur : Né à Paris en 1966, David Diop a grandi au Sénégal. Il est actuellement maître de conférences en littérature à l’université de Pau.
Frère d’âme a été finaliste de tous les grands prix littéraires de l’automne 2018, et a remporté le Prix Goncourt des Lycéens.

Lecteur : Artiste interprète (cinéma, radio, théâtre, télévision), Babacar M’baye Fall est né en 1976 au Sénégal. Arrivé en France en 2000, il s’est formé à l’École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier. Au théâtre, il a interprété de nombreux personnages du répertoire classique et moderne dans des pièces comme OthelloLe Maure CruelLe Conte d’HiverLes NègresFin de PartieDerniers Remords avant l’Oubli, etc.

Mon avis : (écouté en mars 2019)
Voilà le livre parfait pour être écouté plutôt que lu sur du papier. C’est un roman court, avec des chapitres courts qui donnent un rythme soutenu à l’histoire. Avec le style oral d’une complainte lancinante et poétique africaine parfaitement interprété par Babacar M’baye Fall, le lecteur de ce livre audio.
Nous sommes pendant la Première Guerre mondiale, Mademba Diop et Alfa Ndiaye sont deux amis « plus que frères » engagés comme tirailleurs sénégalais. Mademba, mortellement blessé, est dans les bras d’Alfa, et par trois fois, il supplie son ami de l’achever. Alfa est incapable de le faire et sa culpabilité d’avoir laissé souffrir son « ami plus que frère » va lui faire perdre la raison. Il se met alors à tuer, comme « un sauvage », l’ennemi aux yeux bleus, puis ramène dans les tranchées, en trophée, une des mains de ses victimes…
Dans la deuxième partie du livre, Alfa a été envoyé à « l’Arrière du Front » et il nous raconte son enfance dans son petit village du Sénégal, les liens indéfectibles qui le lient avec Mademba et comment et pourquoi ils ont décidé tous les deux de partir pour la France.
Cette histoire dénonce l’horreur et la cruauté de la guerre et des hommes en donnant la parole à ces oubliés de l’Histoire, exploités par les colons, envoyés en première ligne.
La voix d’Alfa, tirailleur sénégalais, prend possession du lecteur et continuera de le hanter longtemps.

Extrait : (début du livre)
– … je sais, j’ai compris, je n’aurais pas dû. Moi, Alfa Ndiaye, fils du très vieil homme, j’ai compris, je n’aurais pas dû. Par la vérité de Dieu, maintenant je sais. Mes pensées n’appartiennent qu’à moi, je peux penser ce que je veux. Mais je ne parlerai pas. Tous ceux à qui j’aurais pu dire mes pensées secrètes, tous mes frères d’armes qui seront repartis défigurés, estropiés, éventrés, tels que Dieu aura honte de les voir arriver dans son Paradis ou le Diable se réjouira de les accueillir dans son Enfer, n’auront pas su qui je suis vraiment. Les survivants n’en sauront rien, mon vieux père n’en saura rien et ma mère, si elle est toujours de ce monde, ne devinera pas. Le poids de la honte ne s’ajoutera pas à celui de ma mort. Ils ne s’imagineront pas ce que j’ai pensé, ce que j’ai fait, jusqu’où la guerre m’a conduit. Par la vérité de Dieu, l’honneur de la famille sera sauf, l’honneur de façade.
Je sais, j’ai compris, je n’aurais pas dû. Dans le monde d’avant, je n’aurais pas osé, mais dans le monde d’aujourd’hui, par la vérité de Dieu, je me suis permis l’impensable. Aucune voix ne s’est élevée dans ma tête pour me l’interdire : les voix de mes ancêtres, celles de mes parents se sont tues quand j’ai pensé faire ce que j’ai fini par faire. Je sais maintenant, je te jure que j’ai tout compris quand j’ai pensé que je pouvais tout penser. C’est venu comme ça, sans s’annoncer, ça m’est tombé sur la tête brutalement comme un gros grain de guerre du ciel métallique, le jour où Mademba Diop est mort.
Ah ! Mademba Diop, mon plus que frère, a mis trop de temps à mourir. Ça a été très, très difficile, ça n’en finissait pas, du matin aux aurores, au soir, les tripes à l’air, le dedans dehors, comme un mouton dépecé par le boucher rituel après son sacrifice. Lui, Mademba, n’était pas encore mort qu’il avait déjà le dedans du corps dehors. Pendant que les autres s’étaient réfugiés dans les plaies béantes de la terre qu’on appelle les tranchées, moi je suis resté près de Mademba, allongé contre lui, ma main droite dans sa main gauche, à regarder le ciel bleu froid sillonné de métal. Trois fois il m’a demandé de l’achever, trois fois j’ai refusé. C’était avant, avant de m’autoriser à tout penser. Si j’avais été alors tel que je suis devenu aujourd’hui, je l’aurais tué la première fois qu’il me l’a demandé, sa tête tournée vers moi, sa main gauche dans ma main droite.

Les cancres de Rousseau – Insa Sané

Lu en partenariat avec Babelio et Sarbacane

51JeH-xd2dL._SX312_BO1,204,203,200_ Sarbacane – octobre 2017 – 400 pages

Quatrième de couverture :
C’est l’année ou jamais pour Djiraël. Il est en terminale et il a la chance de se retrouver dans la même classe que ses potes de toujours : Armand, Sacha, Rania, Doumam et Jazz. En plus, le prof principal, c est Monsieur Fèvre le seul prof à s’intéresser à eux…
Il ne manque au bonheur de Djiraël qu un baiser de Tatiana, qu’il convoite depuis la Seconde.
En tout cas, Djiraël a décidé que cette année serait inoubliable. Aussi, quitte à se mettre l’administration à dos, il fera en sorte que l’éclate passe avant le baccalauréat. Le bonheur ne se conjugue pas au futur… Sauf que Monsieur Fèvre va avoir besoin d’aide. Et qu’il faudra donc, pour Djiraël, faire le choix entre sa quête d’amour, son intérêt personnel, les promesses faites à ses amis, et la nécessité d’agir selon son devoir.
Parfois, on a décidé d’un truc et finalement on fait tout l’inverse.

Auteur : Né à Dakar en 1974, vivant à Sarcelles et à Saint-Denis, Insa Sané est auteur, slameur, chanteur et comédien. Sa « Comédie Urbaine » l’a imposé comme un auteur phare de la collection Exprim , capable de marier rythmique hip-hop et poésie lyrique.
Insa Sané est aussi une bête de scène, un activiste du livre constamment lancé par monts et par vaux pour présenter son univers aux jeunes et aux professionnels toujours en faisant du bruit !
Il produit des ateliers d’écriture stimulants et a sillonné les salons de la France entière, mais aussi les librairies, les bibliothèques, les collèges et lycées, les maisons d’arrêt…

Mon avis : (lu en décembre 2017)
Sarcelles, en 1994, cette année sera exceptionnelle pour Djiraël, car il entre en Terminale et il se retrouve dans la même classe que tous ses copains : Sacha, Jazz, Rania, Armand, Doumam et avec leur professeur préféré comme prof principal : Monsieur Fèvre, le seul qui s’intéresse d’abord aux élèves avant de s’intéresser à leurs résultats !
Djiraël est un élève intelligent, mais il en fait le strict minimum. Il a du cœur et il promet à ces potes une année inoubliable.
Sous prétexte que Djiraël fréquente la bande des cancres du lycée Rousseau, il ne serait pas légitime qu’il devienne le délégué des délégué… Grâce à sa tchatche, lors de la campagne, il va faire un beau discours en ne faisant pas de promesse irréalisable, mais en parlant avec son cœur et il réussira l’impossible en se faisant élire contre tous les pronostics…
Lors de cette dernière année qu’ils vont passer tous ensemble, Djiraël va devoir prouver qu’il est devenu un garçon responsable, il organisera avec la bande une grande fête pour le lycée, mais pas seulement…
Le lecteur pourrait être gêné par le langage assez cru et le style parlé du livre, mais les nombreux personnages sont si attachants qu’on oublie le vocabulaire parfois fleuri…

Merci Babelio et les éditions Sarbacane pour cette très belle découverte.

Extrait :
– Putain, Djiraël… t’as foutu que de la merde !
Sacha, comme une grande tornade blonde en colère, tirait la tronche. On venait de perdre un 2 contre 2 : seul face au panier, j’avais loupé les deux points de la victoire en même temps que le double pas le plus facile de l’histoire des playgrounds.
– Ca arrive même aux meilleurs, j’ai répondu, philosophe.
– Sérieux, Djiraël ?! C’était un shoot de gonzesse.
Y avait pas plus mauvaise perdante que Sacha. N’empêche, je n’ai pas apprécié son attaque sur le contenu de mon caleçon :
– Hé ! Mes pecs sont p’têt plus gros que tes seins, mais ça fait pas de moi une meuf.
Sacha était faite tout en muscles et elle culminait à plus de 1m80. Un tank, silhouette Canderel : petits seins, grosses fesses.
– Ah, c’est ça en fait ! ? T’était trop concentré sur mes nichons. 

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