Le bruit du monde – mars 2022 – 146 pages
traduit du néerlandais (Pays-Bas) par
Titre original : Wat wij zagen, 2021
Quatrième de couverture :
Une plongée saisissante dans le quotidien des modérateurs de contenu, les nettoyeurs du web. Hanna Bervoets y analyse l’état de confusion entre réalité et virtuel dans lequel nous vivons.
Kailegh a appartenu à la cohorte de modérateurs de contenu chargés de veiller sur les images et les textes qui circulent sur le web. Sur un ton froid et désabusé, la jeune femme répond par courrier interposé à l’avocat qui lui a proposé de participer à une action collective contre la plateforme Internet qui l’employait. En dépit de la somme de vidéos barbares et de commentaires haineux qui lui a été infligée le temps de ce travail précaire, elle refuse de se joindre à ses anciens collègues, mais souhaite raconter ce qui l’a personnellement traumatisée sur les lieux de ce travail. Commence alors le récit du quotidien éreintant de ces nettoyeurs du web, de l’indifférence avec laquelle ils se protègent jusqu’aux cauchemars qui les hantent. Le jour où apparaît la séduisante Sigrid, venue travailler avec eux, Kailegh semble perdre ses moyens.
Que peut devenir une relation entre deux êtres au sein d’un univers où l’intimité est quotidiennement malmenée ? Telle est la question que pose Hannah Bervoets avec acuité, le temps d’un récit à la tension irrésistible.
Auteure : Hanna Bervoets, née en 1984 à Amsterdam, a été récompensée en 2021 pour l’ensemble de son œuvre par le Frans Kellendonk Prize, le prix littéraire le plus prestigieux des Pays-Bas. L’autrice a exploré de nombreuses formes littéraires, du roman à l’essai, en passant par le scénario. C’est le monde reçu en partage et construit par sa génération qu’Hanna Bervoets décrit depuis Amsterdam, ville où elle habite avec sa compagne. Les choses que nous avons vues est son premier roman traduit en français.
Mon avis : (lu en août 2023)
J’ai emprunté ce livre à la bibliothèque d’abord pour la nationalité de l’autrice, néerlandaise, pour mon Challenge Voisins Voisines et ensuite pour le sujet concernant la modération des contenus des réseaux sociaux.
Kayleigh ne travaille plus pour Hexa, société chargée de vérifier le contenu des diffusions sur les réseaux sociaux. Meurtrie, par ce travail elle décide de raconter son expérience.
La société Hexa est présentée de façon très cynique, où tout n’est que rendement et performance. Les règles en vigueur sur les réseaux sociaux ne sont pas toujours cohérentes… Les différents critères sont suffisamment flous pour que l’angle de prise de vue ou l’ordre des mots dans une phrases engendre ou non la censure. Impossible de s’épanouir au milieu de cet univers de violence, personne ne sort indemne d’un tel travail, il en résulte du stress, des troubles cognitifs, des cauchemars…
L’intrigue de ce roman évoque également la vie privée chaotique de Kayleigh et cela n’apporte rien à l’histoire mais perd plutôt le lecteur.
Le livre est assez court, moins de 150 pages, malgré tout j’ai eu du mal à le lire… En effet, les descriptions des contenus à modérer sont violentes et très dérangeantes. C’est cependant intéressant de découvrir l’envers du décor des sites internet et leurs côtés obscurs.
Extrait : (début du livre)
Qu’est-ce que tu as vu, au juste ?
C’est fou comme on me pose encore souvent cette question, alors que j’ai quitté Hexa depuis déjà seize mois. Les gens persistent à essayer de me tirer les vers du nez, et quand ma réponse ne les satisfait pas – trop vague, pas assez choquante -, ils retentent leur chance en changeant un peu la formulation : « Mais quelle est la pire chose que tu aies vue ? » insiste Gregory, mon nouveau collègue au musée.
« Comment c’était, exactement ? » – celle-là vient de ma tante Meredith, que je ne croisais plus depuis des années, sauf aux anniversaires de la mort de maman, et qui a soudain pris l’habitude de m’appeler chaque premier dimanche du mois pour me demander comment je vais et, ah oui, qu’est-ce que j’ai vu, au juste. « Choisissez une vidéo, une image ou un texte en particulier, qui vous a vraiment remuée » – tiens, la docteure Ana s’y met aussi : « Dites-moi ce que vous avez ressenti et pensé sur le moment ? Vous n’avez qu’à faire défiler la scène dans votre tête, comme un film, c’est ça, un film dans lequel vous êtes assise, en train de regarder cette vidéo dérangeante », et la médecin brandit une espèce de barre balayée par un point lumineux.
Vous aussi, vous faites de même, monsieur Stitic. Vous me téléphonez presque tous les jours. « Pouvez-vous me rappeler, madame Kayleigh ? » – savez-vous seulement que Kayleigh est mon prénom ?
Non, n’est-ce pas ? Ce sont mes anciens collègues qui vous ont transmis mes coordonnées, bien sûr, et ils ne connaissent pas mon nom de famille, alors vous dites : « A propos, madame Kayleigh, qu’est-ce que vous avez vu, au juste ? »