Flammarion – mai 2023 – 512 pages
Quatrième de couverture :
– Le dolmen dont tu m’as parlé, Johan, il est bien sur la route du petit pont ?
– À deux kilomètres après le petit pont, ne te trompe pas. Sur ta gauche, tu ne peux pas le manquer. Il est splendide, toutes ses pierres sont encore debout.
– Ça date de quand, un dolmen ?
– Environ quatre mille ans.
– Donc des pierres pénétrées par les siècles. C’est parfait pour moi.
– Mais parfait pour quoi ?
– Et cela servait à quoi, ces dolmens ? demanda Adamsberg sans répondre.
– Ce sont des monuments funéraires. Des tombes, si tu préfères, faites de pierres dressées recouvertes par de grandes dalles. J’espère que cela ne te gêne pas.
– En rien. C’est là que je vais aller m’allonger, en hauteur sur la dalle, sous le soleil.
– Et qu’est-ce que tu vas foutre là-dessus ?
– Je ne sais pas, Johan.
Auteure : Fred Vargas est née en 1957. Médiéviste et titulaire d’un doctorat d’Histoire, elle est chercheur en Histoire et Archéologie au CNRS. La quasi-totalité de son œuvre – les « rompols » comme elle appelle ses textes policiers – est publiée aux Éditions Viviane Hamy. Primés à plusieurs reprises, adaptés au cinéma – Pars vite et reviens tard – et à la télévision, traduits dans plus de 40 langues, ses livres sont des best-sellers en France comme en Allemagne et en Italie.
Mon avis : (lu en mai 2023)
Quelle plaisir de retrouver le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg et son équipe pour une nouvelle enquête, la douzième ! L’attention d’Adamsberg est attirée par un meurtre survenu dans un village breton, Louviec (nom fictif), juste à côté de Combourg et de son château, en Ille-et-Vilaine. Lors d’une récente enquête, il s’était bien entendu avec le commissaire Matthieu, un homme d’action rationnel. Tout semble désigner Josselin, descendant de François-René de Chateaubriand, comme le principal suspect : l’arme du crime est son couteau, les derniers mots de la victime… Mais Jean-Baptiste Adamsberg n’y croit pas et comme d’habitude il va s’attacher à de petits détails comme des piqûres de puces…
Le titre « Sous la dalle » fait référence au dolmen sur laquelle Jean Baptiste Adamsberg vient s’allonger pour se ressourcer afin de mettre de l’ordre dans ses idées et faire remonter toutes les petites bulles qui circulent dans la vase de son cerveau.
L’intrigue sinueuse nous réserve de multiples fausses pistes, quelques personnages hauts en couleurs comme Josselin de Chateaubriand, qui cultive sa ressemblance avec son illustre ancêtre à la demande du maire afin d’appâter les touristes, Jonathan le propriétaire de L’Auberge des Deux Écus, le fantôme boiteux qui hante le château de Combourg et vient tourmenter les villageois, la nuit, en cognant sa jambe de bois sur les pavés… Et parmi l’équipe d’Adamsberg venu prêter main forte au commissaire Matthieu, Violette Retancourt nous réserve quelques moments de bravoures. A cette sombre histoire de vengeance, Fred Vargas y ajoute quelques éléments folkloriques et de vieilles croyances bretonnes.
J’ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture palpitante.
Extrait : (début du livre)
Le gardien du commissariat du 13e arrondissement de Paris, Gardon, pointilleux jusqu’à la maniaquerie, était à son poste à sept heures trente pile, la tête penchée vers le ventilateur de son bureau pour sécher ses cheveux, selon son habitude, ce qui lui permit d’apercevoir de loin le commissaire Adamsberg approcher à pas très lents, portant sur ses avant-bras un objet non identifié, les paumes tournées vers le ciel, avec autant de précautions que s’il tenait un vase de cristal. Gardon – nom tant approprié à sa fonction qu’il lui avait valu force blagues avant qu’on ne s’en lasse –, n’était pas réputé pour sa vivacité d’esprit mais accomplissait sa mission avec un zèle presque excessif. Mission qui consistait à repérer toute étrangeté en approche, si minime fût-elle, et à en protéger le commissariat. Et pour cette tâche, il excellait, tant par son coup d’œil exercé par des années de service que par la vitesse inattendue de ses réflexes. N’entrait pas qui voulait dans ce saint des saints qu’était la Brigade criminelle, et il fallait que la patte fût plus blanche que neige pour que ce cerbère des lieux – qui était tout sauf impressionnant – acceptât de lever la grille de protection qui fermait l’entrée. Mais nul n’aurait critiqué l’obsession soupçonneuse de Gardon qui avait plus d’une fois décelé les renflements à peine visibles d’armes enfouies sous des vêtements ou douté d’allures trop onctueuses pour lui paraître naturelles et stoppé net les velléités des agresseurs. Le plus souvent, il s’était agi de libérer un prisonnier en détention provisoire, mais parfois de crever la peau d’Adamsberg, ni plus ni moins, et ces alertes devenaient plus nombreuses. Deux tentatives en vingt-cinq mois. Au fil des années et des réussites du commissaire dans les enquêtes les plus tortueuses, sa réputation s’était affermie en même temps que les menaces contre sa vie.
Danger dont Adamsberg ne se souciait en rien, persistant de sorte à venir à pied depuis chez lui jusqu’à la Brigade, tant il était habité par sa nonchalance innée, semblant souvent toucher à de la négligence, voire de l’indifférence, particularité de sa nature qui, si blindés que fussent ses équipiers, les désorientait ou parfois les exaspérait, tout en laissant nombre de ses succès inexpliqués. Succès fréquemment obtenus via des méthodes opaques, si tant est qu’on puisse parler de « méthode » dans le cas d’Adamsberg, et par des chemins détournés où peu parvenaient à le suivre. Au long de ces ramifications inintelligibles de ses enquêtes, qui semblaient parfois tourner le dos à l’objectif, force était pourtant de l’accompagner sans toujours comprendre. Quand ses adjoints – et particulièrement le premier d’entre eux, le commandant Danglard – lui reprochaient cette brume dans laquelle il les laissait se débattre, il écartait les bras en un geste d’impuissance, car il n’était pas rare qu’il ne puisse s’expliquer sa propre démarche à lui-même. Adamsberg suivait son propre vent.
Déjà lu du même auteur :
Ceux qui vont mourir te saluent L’Homme aux cercles bleus
Debout les morts Un peu plus loin sur la droite
Sans feu ni lieu L’Homme à l’envers
Pars vite et reviens tard Sous les vents de Neptune
Dans les bois éternels Un lieu incertain
Les Quatre fleuves (BD) L’Armée furieuse
Temps glaciaires Quand sort la recluse (papier)
Quand sort la recluse (audio)
(2) Bâtiment