Husbands – Rebecca Lighieri

Lu en partenariat avec Folio

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Folio – octobre 2018 – 448 pages

P.O.L – avril 2013 – 448 pages

Quatrième de couverture :
Trois hommes au bord de la crise de nerfs se rencontrent à Marseille. Laurent, agent immobilier cynique et séducteur, n’ose pas annoncer son licenciement à son épouse, et encore moins à sa belle-famille bourgeoise. Farouk, père de famille et professeur dévoué, voit son monde voler en éclats après une découverte macabre dans son congélateur. Reynald, producteur de musique vieillissant, redoute de perdre sa femme, dont il gère la carrière et le corps avec un soin paranoïaque. Sur un forum échangiste, les trois maris se lient. Dans le déballage des humiliations et des fantasmes de ces mâles blessés, quelque chose se libère. Et l’irréparable se produit…

Auteur : Rebecca Lighieri est écrivain. Elle a reçu le Prix Littéraire de la ville d’Arcachon en 2017 pour son livre Les Garçons de l’été. Rebecca Lighieri écrit aussi sous le nom d’Emmanuelle Bayamack-Tam

Mon avis : (lu en décembre 2018)
Voilà un roman policier surprenant et très original qui met en scène trois hommes, trois maris.
Il y a Farouk, père de famille amoureux de sa femme comme au premier jour mais qui découvre sa trahison. Puis Laurent, enfant des cités, qui a épousé Delphine issue d’une famille bourgeoise et qui vit au-dessus de ses moyens depuis qu’il a été licencié et qu’il n’a pas osé le dire à sa famille. Enfin, le vieux beau Reynal, quinquagénaire, consacre sa vie à la réussite de Lauriane, sa trop jeune et trop voluptueuse épouse qui est sur le point de le quitter…
Tous les trois traversent une crise au sein de leur couple et c’est par intermédiaire d’un forum internet qu’ils vont se rencontrer, d’abord virtuellement puis dans la vraie vie.
Une rencontre qui va déraper… sinon cela ne serait pas un thriller…
Au début j’ai trouvé ma lecture dérangeante car il était question de candaulisme (je vous laisse aller voir la définition de ce mot), mais peu à peu je me suis attachée aux différents personnages et lorsque tout bascule, le suspens est à son comble. L’intrigue est vraiment bien construite…
Merci Folio pour ce thriller surprenant.

Extrait : (début du livre)
Farouk 
11 mai

Mes mains tremblent, mon coeur cogne, une main aussi immatérielle qu’implacable enserre ma nuque. Je ne sais pas comment je trouve la force de monter au premier et de m’asseoir devant l’ordinateur, mais j’ai cette force. Je dois absolument me soustraire à la rumeur paisible du rez-de-chaussée, à tous ces bruits familiers et rassurants : la radio en sourdine dans la chambre de Lila, les voix de Farès et Chloé dans la cuisine, les miaulements insistants du chat, la porte du frigo, ouverte puis refermée. Je me sens brusquement indigne de tout ce bonheur domestique. Indigne alors même que je suis la victime et non l’auteur de la trahison. Mais voilà, on ne se refait pas, on ne passe pas trente-huit ans à éprouver un sentiment d’illégitimité et d’imposture sans que ça laisse des traces.
Je me connecte, machinalement. Mes doigts effleurent les touches sans idée préconçue. Je cherche l’apaisement, l’échappatoire, l’arrêt de la souffrance, l’amnésie momentanée – car je sais bien que je ne pourrai jamais oublier. Je pourrais tout aussi bien prendre une douche, enfiler des baskets et sortir courir, ou boire jusqu’au coma éthylique, mais finalement, je cherche refuge dans ma routine : ouvrir ma boîte e-mail où aucun message intéressant ne m’attend, naviguer de site en site, la page du Monde, le site de Darty…
Car il n’y a pas si longtemps, j’étais un homme normal, un père de famille qui envisageait l’achat d’une nouvelle plaque de cuisson pour remplacer nos brûleurs traditionnels, que Chloé trouvait dépassés, peu pratiques, encrassés, impossibles à nettoyer. Chloé, mon amour, ma jeunesse… Chloé, mon beau souci… Chloé, tu vois, quand je te parle, ce sont les mots des autres qui me viennent à l’esprit, les mots les plus beaux, ceux des poètes. Chloé, comment as-tu pu me faire ça ?
Je finis par taper «maris». Je ne sais pas ce que j’espère exactement. Tomber sur mes frères, peut-être, sur une communauté d’hommes se définissant d’abord et avant tout par leur statut d’époux, par leur appartenance, voire leur allégeance à une femme, l’engagement total de tout leur être dans cette grande affaire : le mariage. Les larmes brouillent ma vue tandis que je fais défiler les sites. Suis-je ridicule d’avoir cru que mon union avec Chloé était d’une autre nature que le mariage des autres, ces petits arrangements aussi pitoyables que provisoires ? Suis-je ridicule d’avoir cherché à rendre ma femme heureuse, d’avoir employé toute mon énergie et tous mes efforts à lui rendre la vie plus douce et plus facile ? Suis-je ridicule de l’avoir aimée aussi éperdument et aussi exclusivement ?

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