Les Joies éphémères de Perry Darling
(titre de la Première édition française)
Gallmeister – mars 2023 – 656 pages
Éditions des Deux Terres – mai 2012 – 656 pages
J’ai Lu – avril 2015 – 608 pages
traduit de l’américain par Sabine Porte
Titre original : The Widower’s Tale, 2010
Quatrième de couverture :
Percy Darling coule une retraite paisible dans la campagne de Nouvelle-Angleterre. Veuf depuis longtemps, il n’est vraiment proche que de son petit-fils Robert et vit en reclus. Aussi faut-il vraiment que sa fille récemment divorcée ait besoin de son aide pour qu’il accepte de laisser une école primaire s’installer dans sa grange. Percy n’est pas ravi de voir sa routine changer, mais se laisse aussi aller à une certaine curiosité. Et s’ouvrir à nouveau sur le monde extérieur lui réserve des surprises : Sarah, mère adoptive d’un petit garçon de l’école, Ira, instituteur enthousiaste, ou Celestino, jardinier guatémaltèque au profil étonnant, entrent dans sa vie de manière inattendue, faisant prendre à son existence un cours nouveau.
Auteur : Julia Glass naît le 23 mars 1956 à Boston, dans l’État du Massachusetts. Diplômée en 1978 de l’université de Yale, elle est aujourd’hui, en parallèle de son activité d’écrivain, journaliste indépendante et éditrice.
En 2002, elle obtient le National Book Award avec son premier roman Three Junes (Jours de juin); son ouvrage est publié dans plus de quinze pays. Suivront six autres livres, qui sont tous des best-sellers du New York Times. Elle obtient également trois Chicago Tribune’s Nelson Algren Awards pour ses nouvelles ainsi que le Tobias Wolff Award et la médaille de la Pirate’s Alley Faulkner Society pour la nouvelle Collies, première partie de Jours de juin.
Elle vit à Marblehead, dans l’État du Massachussetts, avec son compagnon, le photographe Dennis Cowley, et leurs deux enfants. Qualifiée d' »alchimiste des mots », elle s’est indéniablement fait une place parmi les grands noms de la littérature américaine.
Mon avis : (lu en mai 2023)
A Matlock, ville résidentielle aisée proche de Boston, Perceval Darling, 70 ans, savoure sa vie tranquille de retraité entre lecture, course à pied et baignade dans l’étang près de sa vieille grange. Il est veuf depuis longtemps et il a élevé seul ses deux filles : Clover et Trudy. Sa fille aînée, Clover, est revenue vivre chez lui, excentrique et fragile, elle est divorcée et ses enfants vivent à New-York avec leur père. Trudy, la cadette, est une cancérologue brillante et respectée, avec Douglas, son mari, ils ont un fils unique, Robert, étudiant en médecine, très proche de son grand-père.
La routine de Percy Darling va être bouleversée, lorsqu’il accepte d’héberger dans sa grange, une école maternelle où Clover va pouvoir travailler. Il va alors faire la connaissance d’Ira, instituteur et homosexuel, c’est un homme blessé par les préjugés, de Sarah et Rico, son fils adoptif, élève de l’école maternelle sans oublier Celestino, clandestin guatémaltèque et jardinier de sa voisine.
Au début, ce roman semble raconter la vie sans histoire d’une famille américaine au sein d’une communauté d’une ville résidentielle de la Nouvelle-Angleterre mais à travers ses nombreux personnages l’auteure aborde des thématiques très actuelles comme la famille, le couple, l’amour à tout âge, l’écologie, le militantisme et ses dérives, l’immigration et l’intégration des étrangers, l’homosexualité, la maladie et le système de santé américain…
Un livre qui décrit avec beaucoup de bienveillance une petite communauté américaine attachante.
Extrait : (début du livre)
« Merci, c’est gentil. Je me mets en condition avant de mourir. »
Tels sont les premiers mots que j’ai prononcés en ce dernier jeudi du mois d’août de l’été dernier : c’était un jeudi, je m’en souviens, car c’est le jour où j’ai découvert dans l’hebdomadaire local la première de ce que je devais, non sans légèreté, baptiser « les croisades » ; le dernier du mois, j’en ai également la certitude, car le soir même, Fées & Follets devait ouvrir ses portes flambant neuves d’un splendide violet – autrefois celles de ma chère grange – pour laisser entrer une nouvelle fournée de petits bambins parfaits accompagnés de leurs parents privilégiés sur leur trente et un.
J’attaquais la dernière ligne droite de mon parcours du jour sous les rayons du soleil qui était enfin parvenu à se hisser au-dessus des arbres, lorsqu’un jeune qui habite à huit cents mètres de chez moi a levé le pouce en me lançant d’une voix traînante : « Faut pas se rouiller, mec ! » J’aurais pu passer outre cette insolence, s’il avait été occupé à tailler une haie ou allait chercher le journal, mais il était simplement là à se prélasser – en fumant une cigarette – sur la pelouse méticuleusement désherbée de ses parents. Il avait un pantalon déchiré dix fois trop long et le sourire d’un barman qui semble insinuer que vous avez un peu forcé sur la bouteille.
Je me suis arrêté en courant sur place pour achever ma remarque. « Voyez-vous, jeune homme, l’ai-je informé en parvenant encore à maîtriser mon souffle pantelant, je tiens de source sûre que mourir est une tâche difficile, qui exige de la diligence, de l’endurance et de la détermination. Qualités dont j’ai bien l’intention de me pourvoir en abondance d’ici à l’instant de vérité. »
Et je ne mentais pas : trois mois auparavant, lors du barbecue que ma fille avait organisé pour le Memorial Day, j’avais surpris une de ses collègues qui confiait à une autre dans des accents dignes d’Hippocrate : « Les infirmières des services de maternité racontent à longueur de temps qu’il est difficile de naître, que c’est loin d’être passif. Elles expliquent à toutes ces mères New Age que les bébés naissent épuisés par le travail qu’ils ont accompli, qu’ils ont dû lutter de toutes leurs forces pour voir le jour. Et si tu veux mon avis, mourir, c’est pareil. C’est tout aussi laborieux. La dernière ligne droite est un véritable marathon. J’ai vu des patients tout faire pour mourir, sans y arriver. Encore autre chose qu’ils n’ont pas pris la peine de nous dire à la fac. » (Ça fait froid dans le dos, cette idée de lutter de toutes ses forces pour voir les ténèbres. Mais je dois dire que j’aimais bien l’image de tous ces bébés peinant sans relâche au péril de leur vie pour réussir à passer, tels des travailleurs perçant des tunnels au temps de la Rome antique.)