C’est le roman de Franck Bouysse : Né d’aucune femme
qui a obtenu le Prix Audiolib 2020
Un prix partagé avec la lectrice Cachou Kirch et le lecteur Simon Duprez et le travail du studio d’enregistrement 5/5
C’est le roman de Franck Bouysse : Né d’aucune femme
qui a obtenu le Prix Audiolib 2020
Un prix partagé avec la lectrice Cachou Kirch et le lecteur Simon Duprez et le travail du studio d’enregistrement 5/5
pour l’un des 5 finalistes du Prix Audiolib 2020
choisis par le jury de blogueurs
Rappel de mon classement :
(1) Miroir de nos peines – Pierre Lemaitre
(3) L’homme qui savait la langue des serpents – Andrus Kiviräkh
(5) Dans la forêt – Jean Hegland
(6) Le Bal des folles –Victoria Mas
(9) Né d’aucune femme – Franck Bouysse
Vous êtes invités à choisir votre favori
et à voter pour celui que vous préférez !
du 15 juin au 21 août 2020
Voilà la sélection des 5 finalistes du Prix Audiolib 2020
choisis par le jury de blogueurs
(les finalistes sont affichés sans ordre, ils ne sont pas classés)
Une sélection que j’ai beaucoup aimé en général, j’ai le 1, 3 et 5 dans les finalistes !
Rappel de mon classement :
(1) Miroir de nos peines – Pierre Lemaitre
(3) L’homme qui savait la langue des serpents – Andrus Kiviräkh
(5) Dans la forêt – Jean Hegland
(6) Le Bal des folles –Victoria Mas
(9) Né d’aucune femme – Franck Bouysse
Vous êtes invités à choisir votre favori
et à voter pour lui !
(du 15 juin au 21 août 2020)
Après l’écoute des 10 livres audio sélectionnés depuis mi-février,
il est l’heure de donner mon classement :
(1) Miroir de nos peines – Pierre Lemaitre
(3) L’homme qui savait la langue des serpents – Andrus Kiviräkh
(4) La femme révélée – Gaëlle Nohant
(5) Dans la forêt – Jean Hegland
(6) Le Bal des folles –Victoria Mas
(8) Ici n’est plus ici – Tommy Orange
(9) Né d’aucune femme – Franck Bouysse
(10) Vie de Gérard Fulmard – Jean Echenoz
Audiolib – mars 2011 – 12h38 – Lu par Anne Alvaro
traduit de l’anglais (États-Unis) par Hortense Chabrier et Sylviane Rué
Titre original : Beloved, 1987
Quatrième de couverture :
« Le 124 était habité de malveillance. Imprégné de la malédiction d’un bébé… »
À Bluestone Road, près de Cincinnati, vers 1870, les meubles volent, la lumière allume au sol des flaques de sang, des gâteaux sortent du four marqués de l’empreinte d’une petite main de bébé. Dix-huit ans après son acte de violence et d’amour maternel, Sethe l’ancienne esclave et les siens sont encore hantés par la petite fille de deux ans qu’elle a égorgée. Jusqu’au jour où une inconnue, Beloved, arrivée mystérieusement au 124, donne enfin à cette mère hors-la-loi la possibilité d’exorciser son passé. Parce que pour ceux qui ont tout perdu, la rédemption ne vient pas du souvenir, mais de l’oubli.
Ce roman aux résonances de tragédie grecque, au style d’une flamboyante beauté lyrique, a reçu en 1988 le prix Pulitzer, et a figuré pendant des mois en tête des listes de best-sellers en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
Auteure : Toni Morrison est née en 1931 à Lorain (Ohio) dans une famille ouvrière de quatre enfants. Après des études de lettres et une thèse sur le thème du suicide dans l’œuvre de William Faulkner et de Virginia Woolf, elle fait une carrière de professeur aux universités de Texas Southern, Howard et Princeton à partir de 1989. Après avoir travaillé comme éditrice chez Random House, elle obtient en 1988 le prix Pulitzer avec Beloved. C’est en 1993 que le prix Nobel de littérature lui est décerné.
Lecteur : Anne Alvaro est une actrice française de théâtre et de cinéma. Elle a joué notamment dans Le Goût des autres d’Agnès Jaoui, La chose publique de Mathieu Amalric, Le Scaphandre et le papillon ou encore Le Bruit des glaçons de Bertrand Blier. Elle remporte à deux reprises, le César de la meilleure actrice dans un second rôle.
Mon avis : (écouté et lu en mai 2020)
États-Unis, près de Cincinnati, dans les années 1870, c’est l’histoire de Sethe, ancienne esclave. Dix-huit ans plus tôt, par amour pour sa fille et pour éviter qu’elle devienne une esclave, Sete a tué son enfant. Depuis Sete vit avec sa culpabilité, et le fantôme de sa fille qui la suit partout… Sete vit maintenant seule avec sa fille Denver, dans la maison grise et blanche de Bluestone Road à côté d’un fleuve qui, autrefois, symbolisait pour les esclaves le début de leur liberté. Un beau jour arrive chez elles, une jeune inconnue Beloved qui va bouleverser Sete…
L’histoire que nous raconte Toni Morrison est inspirée d’une histoire vraie et aborde des sujets chers à l’auteur, la condition des esclaves, de leur affranchissement et de leur après la liberté retrouvée.
Difficile pour moi, de faire un billet sur ce livre, j’en attendais sans doute trop et j’ai eu du mal d’abord à écouter car je n’ai pas aimé la lectrice, je trouve que assez souvent le son sature et c’est très déplaisant à l’oreille… Je n’ai donc pas écouté le livre en entier, mais pris une version papier pour le terminer. Malgré cela, le rendez-vous est en partie raté car j’ai également eu du mal à suivre la chronologie, les perpétuels flash-back me perdant…
Extrait : (début du livre)
Le 124 était habité de malveillance. Imprégné de la malédiction d’un bébé. Les femmes de la maison le savaient, et les enfants aussi. Pendant des années, chacun s’accommoda à sa manière de cette méchanceté ; puis, à partir de 1873, il n’y eut plus que Sethe et sa fille Denver à en être victimes. La grand-mère, Baby Suggs, était morte, et les fils, Howard et Buglar s’étaient enfuis à l’âge de treize ans, l’un, le jour où un simple regard sur un miroir le fit voler en éclats (ce fut le signal pour Buglar) ; l’autre, le jour où l’empreinte de deux petites mains apparut sur le gâteau (cela décida Howard). Aucun des deux garçons n’attendit d’en voir davantage : plus de chaudronnée de pois chiches renversée toute fumante sur le plancher ; plus de biscuits secs écrasés et émiettés en ligne contre la porte. Non, ils n’attendirent pas non plus l’une des périodes de répit : ces semaines, voire ces mois, où tout était calme. Chacun d’eux s’enfuit dans l’instant, au moment même où la maison commit l’ultime outrage dont il leur sembla impossible d’être les témoins passifs une seconde fois. En l’espace de deux mois, en plein hiver, ils abandonnèrent leur grand-mère Baby Suggs, Sethe, leur mère, et leur petite sœur Denver, les laissant se débrouiller seules dans la maison grise et blanche de Bluestone Road. En ce temps-là, il n’y avait pas de numéro, parce que Cincinnati ne s’étendait pas aussi loin. En fait, l’Ohio n’était devenu un Etat que depuis soixante-dix ans quand un frère, puis l’autre, fourrèrent leur chapeau d’un capiton de coton, ramassèrent leurs chaussures et partirent sur la pointe des pieds pour échapper à la hargne virulente dont la maison les poursuivait.
Baby Suggs ne leva même pas la tête. Elle les entendit s’en aller de son lit de malade, mais son état ne fut pour rien à son absence de réaction. Ce qui l’étonna, c’est que ses petits-fils aient mis si longtemps à se rendre compte que les maisons n’étaient pas toutes comme celle de Bluestone Road. Suspendue entre malignité de l’existence et méchanceté des morts, Baby Suggs ne parvenait plus à s’intéresser de savoir si elle allait laisser sa vie mourir ou mûrir encore un peu, et moins encore aux terreurs de deux gamins fugueurs. Son passé avait été semblable à son présent – intolérable –, et comme elle n’ignorait pas que la mort était tout sauf l’oubli, elle utilisait le peu d’énergie qui lui restait pour méditer sur les couleurs.
(5) Amour
Audiolib – 9h45 – Lu par Claudia Poulsen
Grasset – janvier 2020 – 384 pages
Quatrième de couverture :
Paris, 1950. Eliza Donneley se cache sous un nom d’emprunt dans un hôtel miteux.
Elle a abandonné brusquement une vie dorée à Chicago, un mari fortuné et un enfant chéri, n’emportant que son Rolleiflex et la photo de son petit garçon. Pourquoi la jeune femme s’est-elle enfuie ? Seule dans une ville inconnue, Eliza, devenue Violet, doit se réinventer.
Vingt ans plus tard, au printemps 1968, Violet peut enfin revenir à Chicago. Elle retrouve une ville chauffée à blanc par le mouvement des droits civiques, l’opposition à la guerre du Vietnam et l’assassinat de Martin Luther King. Partie à la recherche de son fils, elle est entraînée au plus près des émeutes qui font rage au cœur de la cité.
Auteure : Née à Paris en 1973, Gaëlle Nohant vit aujourd’hui à Lyon. La Femme révélée est son quatrième roman après Légende d’un dormeur éveillé (prix des Libraires 2018), La Part des flammes (prix France bleu/Page des Libraires, 2015 et prix du Livre de Poche, 2016), et L’Ancre des rêves (prix Encre Marine, 2007). Elle est également l’autrice d’un document sur le rugby et d’un recueil de nouvelles, L’Homme dérouté
Lectrice : Claudia Poulsen donne sa voix pour l’amour des livres, de l’écriture et des auteurs, mais aussi pour la publicité et le doublage. Elle joue au théâtre, travaille pour la télévision et l’opéra. Elle est également autrice, réalisatrice et interprète de ses propres chroniques.
Mon avis : (écouté en avril 2020)
Paris en 1950, Eliza Bergman est devenue . Elle a tout quitté, même Tim, son fils de huit ans, pourtant Beaucoup de secrets et d’interrogations autour de Violet/Eliza, Dix-huit plus tard, Violet/Eliza pourra enfin rentrer à Chicago avec l’espoir de revoir enfin son fils. Après tant d’années, comment va-t-il accueillir cette mère qui l’a abandonné ? 1968, Martin Luther King a été assassiné, le mouvement des droits civiques et les opposants à la guerre du Vietnam sont dans les rues. Violet/Eliza participera à ses émeutes qui embrasent la ville.
de liberté et peu à peu le lecteur va comprendre la raison de cette fuite et pourquoi une mère peut partir en abandonnant son enfant. L’histoire est captivante et le lecteur découvre Un livre très agréable à écouter que j’ai beaucoup aimé.
Extrait : (début du livre)
Au réveil, elle a oublié l’enchaînement des événements qui l’ont conduite dans cet hôtel miteux où elle s’efforce de se rendre invisible. Un bruit incongru la tire du sommeil, ou une odeur inexplicable. Elle se tourne sous le drap rêche, se cogne contre un mur. Que fait-il là, ce mur ? Elle ouvre les paupières, acclimatant sa vue à la pénombre, striée par les tranches de jour qui entrent par les vieilles persiennes. Le papier peint défraîchi la frappe comme une anomalie, réveille sa mémoire. Remontent tous les détails de sa fuite, le temps étiré, suspendu, précipité dans les battements du sang. Les veilles enroulée dans son imperméable, ses pieds brisés par les longues stations dans les escarpins, cette application à fuir les regards, donner le change, paraître savoir où elle allait.
Eliza Bergman, née trente et un ans plus tôt par une nuit de chaos, s’est évanouie dans les brumes du lac Michigan, qui escamotent les cadavres et les charognes. Tout ce qu’il est préférable de cacher.
Elle a longtemps différé sa fuite, tergiversé, dressant des arguments objectifs et des peurs irrationnelles contre son instinct. Elle a attendu de n’avoir plus le choix pour s’armer de courage, descendre dans les soubassements de la ville, affronter ceux qui pouvaient l’aider. Le genre d’amis qu’on préfère ne pas cultiver, qui font payer cher leurs services et ne vous laissent jamais quitte. Elle le savait déjà, à l’instant où le petit voyou italien lui a tendu le passeport au-dessus du comptoir d’un bistrot borgne. Elle l’a ouvert et étudié en silence, frappée par la ressemblance physique.
Déjà lu de la même auteure :
Audiolib – Lu par Dominique Pinon
Minuit – janvier 2020 – 235 pages
Quatrième de couverture :
La carrière de Gérard Fulmard n’a pas assez retenu l’attention du public. Peut-être était-il temps qu’on en dresse les grandes lignes. Après des expériences diverses et peu couronnées de succès, Fulmard s’est retrouvé enrôlé au titre d’homme de main dans un parti politique mineur où s’aiguisent, comme partout, les complots et les passions. Autant dire qu’il a mis les pieds dans un drame. Et croire, comme il l’a fait, qu’il est tombé là par hasard, c’est oublier que le hasard est souvent l’ignorance des causes.
Auteur : Jean Echenoz est né à Orange en 1947. Il a obtenu le prix Médicis en 1983 pour Cherokee et le prix Goncourt en 1999 pour Je m’en vais. Toute son œuvre est publiée aux Editions de Minuit. Pour Audiolib, il a déjà lu Courir, Des éclairs, 14 et Ravel. Il a reçu en 2018 le prix SCAM Marguerite Yourcenar pour l’ensemble de son œuvre.
Lecteur : Ancien élève du Cours Simon, Dominique Pinon a débuté au cinéma avec Jean-Jacques Beineix. Il rencontre Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro et c’est Delicatessen, La Cité des enfants perdus, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain… Il poursuit une carrière hors normes, à l’écran comme à la scène, de Shakespeare, Beckett à Labiche. Grand lecteur, Dominique Pinon a enregistré pour Audiolib, entre autres, Le Hobbit, Prix Lire dans le Noir 2013 et L’extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, Prix Audiolib 2014, Héloïse, ouille ! et La Fontaine, une école buissonnière.
Mon avis : (écouté en avril 2020)
Jean Echenoz est un auteur dont j’apprécie les livres que j’ai eu l’occasion de lire. Mais pour celui-ci, j’ai été très déçue. L’auteur s’empare du genre polar, d’une manière très personnelle.
Le livre s’ouvre sur la chute fracassante d’un fragment de satellite soviétique obsolète sur un centre commercial voisin de la rue Erlanger, Paris XVIème où vit seul le narrateur et anti-héros Gérard Fulmard. Ce dernier est un ancien steward, licencié pour faute et qui a l’obligation d’aller chez un psychiatre deux fois par mois.
Bien décidé à prendre sa vie en main, Gérard Fulmard voit l’opportunité de devenir détective privé et accepte comme premier client un parti politique pas très net. Débutant, maladroit, il est souvent manipulé à son insu et ses résultats seront bien maigres…
L’intrigue est des plus farfelues, les différents personnages sont hauts en couleur comme par exemple les frères Apollodore et Ermosthène Nguyen, deux gardes du corps amateurs de jeu de go…
La rue Erlanger est également un véritable personnage, lors de digressions nombreuses, l’auteur évoque plusieurs évènements qui ont eu lieu dans cette rue. Cependant, Jean Echenoz a préféré ne pas faire référence au dernier évènement tragique datant du 5 février 2019 : le terrible incendie volontaire du 17 bis qui fit dix morts.
C’est très bien écrit, riche en vocabulaire mais l’histoire n’a vraiment ni queue, ni tête et je me suis vite ennuyée. Seule chose amusante pour moi, le lieu où se passe l’intrigue est mon quartier d’enfance et que je pouvais visualiser les lieux.
Pour la version audio, la voix posée et expressive de l’acteur Dominique Pinon est toujours très agréable à écouter.
Extrait : (début du livre)
J’en étais là de mes réflexions quand la catastrophe s’est produite.
Je sais bien qu’on en a déjà beaucoup parlé, qu’elle a fait éclore de nombreux témoignages, donné lieu à toute sorte de commentaires et d’analyses, que son ampleur et sa singularité l’ont érigée en classique des faits divers de notre temps. Je sais qu’il est inutile et peut-être lassant de revenir sur cette affaire mais je me dois de mentionner l’un de ses contrecoups car il me touche de près, même s’il n’en est qu’une conséquence mineure.
Propulsé à une vitesse de trente mètres par seconde, un boulon géant – format de sèche-cheveux ou de fer à repasser – est entré en force par la fenêtre d’un appartement, au cinquième étage d’un immeuble de standing, désagrégeant ses vitres en ébréchant son embrasure et, en bout de course, son point d’impact a été le propriétaire de cet appartement, un nommé Robert D’Ortho dont le boulon a ravagé la région sternale et provoqué la mort subite.
D’autres boulons s’en sont tenus à des dommages matériels, l’un défonçant une antenne parabolique, l’autre éventrant le portail d’une résidence située face à l’entrée du centre commercial. Épars, on en trouverait encore pas mal, plus tard, de ces boulons, au fil des investigations menées par des agents porteurs de combinaisons blanches, cagoulés et gantés. Mais ce ne seraient là qu’effets secondaires, épiphénomènes du désastre majeur qui vient de frapper la grande surface elle-même.
L’état de cet hypermarché, de fait, est désespérant. Depuis les débris de sa toiture effondrée s’élève une brume de poussière lourde qu’ajourent les hésitantes flammèches d’un incendie naissant. Dentelé, crénelé, ce qui reste de ses murs porteurs laisse voir à nu leur poutraison métallique griffue, deux d’entre eux se penchent l’un vers l’autre en rupture d’équilibre au-dessus de la zone de choc. La verrerie de ses façades, d’ordinaire constellée d’annonces promotionnelles, offres aguicheuses et slogans arrogants, se retrouve zébrée de pied en cap et disloquée aux angles. Dressés devant l’accueil, trois lampadaires se sont affaissés en s’embrassant, entortillant leurs têtes d’où pendillent les ampoules à vapeur de sodium, disjointes de leur douille. Quelques voitures, sur le parking attenant, ont été renversées sous la puissance du souffle, d’autres bossuées par des heurts de matières et, sous leurs essuie-glaces en parenthèses tordues, l’ensemble des pare-brise fait à présent défaut.
Déjà lu du même auteur :
Audiolib – mars 2020 – 5h52 – Lu par Claire Cahen
Sabine Wespieser – septembre 2019 – 250 pages
traduit de l’anglais (Irlande) par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat
Titre original : Girl, 2019
Prix Femina spécial 2019 pour l’ensemble de son œuvre
Quatrième de couverture :
Le nouveau roman d’Edna O’Brien laisse pantois. S’inspirant de l’histoire des lycéennes enlevées par Boko Haram en 2014, l’auteure irlandaise se glisse dans la peau d’une adolescente nigériane. Depuis l’irruption d’hommes en armes dans l’enceinte de l’école, on vit avec elle, comme en apnée, le rapt, la traversée de la jungle en camion, l’arrivée dans le camp, les mauvais traitements, et son mariage forcé à un djihadiste – avec pour corollaires le désarroi, la faim, la solitude et la terreur.
Le plus difficile commence pourtant quand la protagoniste de ce monologue halluciné parvient à s’évader, avec l’enfant qu’elle a eue en captivité. Celle qui, à sa toute petite fille, fera un soir dans la forêt un aveu déchirant – « Je ne suis pas assez grande pour être ta mère » – finira bien, après des jours de marche, par retrouver les siens. Et comprendre que rien ne sera jamais plus comme avant : dans leur regard, elle est devenue une « femme du bush », coupable d’avoir souillé le sang de la communauté.
Auteure : Née dans l’Ouest de l’Irlande en 1930, Edna O’Brien vit à Londres. Publiée dans le monde entier, son oeuvre lui a valu en 2018 le prix PEN America/Nabokov. Puis en 2019, elle reçoit également le Prix Femina spécial et le David Cohen Prize for literature pour l’ensemble de son œuvre.
Lecteur : Claire Cahen est comédienne, pour le théâtre et le cinéma. Après une licence d’études théâtrales, elle intègre l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre. Elle travaille ensuite avec de nombreux metteurs en scène et joue dans des films de Hassan Ben Jelloun, Selma Bargach, Philippe Sisbane ou encore Emmanuel Bourdieu. Elle co-réalise deux courts-métrages, Frontières et Yasmina. Elle a reçu le prix Plume de Paon 2019 pour sa lecture de Sotah, chez Yodéa éditions.
Mon avis : (écouté en mars 2020)
Dans ce roman, l’auteure irlandaise s’est inspirée de la terrible histoire des lycéennes de Chibok (Nigeria) enlevées par Boko Haram en 2014.
Maryam, lycéenne nigériane, a été emmenée loin de son village, dans un camp djihadiste, elle subit de mauvais traitements, devient une esclave sexuelle puis elle est mariée à un combattant de l’organisation et va tomber enceinte.
Après plusieurs années de captivité, Maryam parvient à s’enfuir et après un long périple avec de nombreuses embûches à rentrez dans son village. Les retrouvailles ne sont pas celles qu’elle imaginait. Avec son retour, Myriam est devenue une suspecte. Ne s’est-elle pas radicalisée ? Parce qu’elle s’est évadée, ne va-t-elle pas attirer des représailles sur le village ? Et sa fille… c’est un enfant de honte.
Maryam est un personnage fictif que l’auteure a su rendre si réelle et si vraie. Avec ce livre, Edna O’Brien donne la parole à cette lycéenne qui raconte son calvaire indicible et éprouvant, sans chercher aucunement à épargner le lecteur…
La version audio est agréable à écouter, le ton posé et lent du lecteur nous aide à être attentif à tous les détails et à nous imprégner du texte.
Une lecture coup de poing, très documentée et magnifiquement écrit.
Extrait : (début du livre)
J’ÉTAIS UNE FILLE AUTREFOIS, c’est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeaux. Mes entrailles, un bourbier. Emmenée en trombe à travers cette forêt que j’ai vue, cette première nuit d’effroi, quand mes amies et moi avons été arrachées à l’école.
Le pan pan soudain des coups de feu dans notre dortoir, et les hommes au visage couvert, regard furieux, disant qu’ils sont les soldats venus nous protéger, qu’il y a une insurrection en ville. Nous avons peur, mais nous les croyons. Des filles hébétées sortent du lit, d’autres arrivent de la véranda où elles dormaient parce que c’était une nuit chaude et moite.
Sitôt entendu Allahu akbar, Allahu akbar, nous avons su. Ils avaient volé les uniformes de nos soldats pour passer la sécurité. Ils nous ont bombardées de questions – Où est l’école des garçons, Où garde-t-on le ciment, Où sont les dépôts. Quand on a dit qu’on ne savait pas, ils sont devenus fous. Puis d’autres ont débarqué, ils n’arrivaient à trouver ni pièces détachées ni essence dans les appentis et le ton est monté.
Pas question pour eux de retourner les mains vides, sans quoi leur commandant serait furieux. Puis, au milieu des cris, l’un d’eux a dit dans un large sourire, « les filles, ça le fera », et nous avons entendu l’ordre d’aller chercher d’autres camions. Une fille a sorti son portable pour appeler sa mère, mais on le lui a aussitôt saisi. Elle s’est mise à pleurer, d’autres se sont mises à pleurer, suppliant qu’on les laisse rentrer à la maison. L’une s’est agenouillée : « Monsieur, monsieur », ce qui l’a mis en rage, et il a commencé à nous injurier et à nous narguer, nous traitant de tous les noms, de putes et de traînées, qu’on devrait être mariées et qu’on le serait bientôt.
On nous a séparées par groupes de vingt, et il a fallu attendre, bredouillantes, accrochées les unes aux autres, puis l’ordre a été donné d’évacuer le dortoir, sur-le-champ, de tout laisser derrière.
Le chauffeur du premier camion à franchir le portail de l’école avait une arme braquée sur la tête, et il a traversé la petite ville comme un dingue. Il n’y aurait personne pour dire avoir vu passer un camion, à cette heure indue, avec tout plein de filles.
On s’est bientôt retrouvées dans un village à la frontière, débouchant sur une jungle épaisse. Ils ont dit au chauffeur de descendre et, quelques minutes après qu’ils l’ont emmené, on a entendu des tirs nourris.
(5) Son
chanson des Beatles présente sur l’album Rubber Soul sorti le
Audiolib – novembre 2019 – 8h44 – Lu par Sylvain Agaësse, Benjamin Jungers, Audrey Sourdive
Albin Michel – 21 août 2019 – 352 pages
traduit de l’américain par Stéphane Roques
Titre original : There there, 2018
Quatrième de couverture :
« Être Indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout ou nulle part. »
À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d’une histoire douloureuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d’une culture que l’Amérique a bien failli engloutir. À l’occasion d’un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux.
Débordant de rage et de poésie, ce premier roman impose une nouvelle voix saisissante, véritable révélation littéraire aux États-Unis, où il a été consacré « Meilleur roman de l’année » par l’ensemble de la presse américaine. Finaliste du prix Pulitzer et du National Book Award, il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses dont le PEN/Hemingway Award.
Auteur : Né en 1982, Tommy Orange a grandi à Oakland, en Californie, mais ses racines sont en Oklahoma. Il appartient à la tribu des Cheyennes du Sud. Diplômé de l’Institute of American Indian Arts, où il a eu comme professeurs Sherman Alexie et Joseph Boyden, il a fait sensation sur la scène littéraire américaine avec ce premier roman.
Lecteurs : Comédien et metteur en scène de théâtre, Sylvain Agaësse double de nombreux comédiens étrangers pour les versions françaises de films et séries. Il écrit également scénarios, pièces de théâtre et chansons qu’il compose et interprète.
Benjamin Jungers, pensionnaire de la Comédie-Française de 2007 à 2015, y rencontre de nombreux metteurs en scène et y monte deux monologues écrits par lui-même, ainsi qu’une courte pièce de Marivaux. Il a notamment tourné avec Claire Devers et Gérard Jourd’hui pour la télévision, et dans Cessez-le-feu avec Emmanuel Courcol pour le cinéma.
Audrey Sourdive commence le théâtre à 5 ans. Depuis elle interprète de grands rôles classiques comme Elvire ou Lady MacBeth et s’intéresse aussi au théâtre contemporain ainsi qu’au théâtre pour enfants. Elle a mis en scène Ninon, une pièce sur le handicap, et le Circuit Ordinaire de Jean-Claude Carrière. Elle est également comédienne de doublage (Millenium, Grey’s Anatomy, Spiderman…).
Mon avis : (lu en mars 2020)
Voilà un roman sur l’identité amérindienne.
« Nous sommes des Indiens et des Indigènes américains, Indiens-Américains et Indiens natifs d’Amérique du Nord, Autochtones Indiens des Premières Nations et Indiens tellement indiens que soit on pense chaque jour à cet état de fait, soit on n’y pense jamais. »
Tommy Orange, descendant Cheyenne, nous raconte à travers le destin de douze personnages résidant à Oakland. Ils sont tous Autochtones, ce sont des femmes, des hommes, des enfants, des jeunes, des plus âgés… Ils ont tous des vies cabossées et ils sont dans l’attente du grand Pow Wow qui se prépare… Sont-ils là par tradition ? Pour le folklore ? ou… Pour la plupart, ils ont toujours vécu en ville.
Dans l’ordre d’apparition comme narrateur, nous avons :
Tony Loneman, 21 ans, il est atteint du syndrome d’alcoolisation fœtale.
Dene Oxendene, membre des tribus cheyenne et arapaho, il a pour projet de collecter des témoignages d’Indiens d’Oakland, le Pow Wow est la bonne occasion.
Opale Victoria s’occupe de la fille et des petits-enfants de sa sœur Jacquie.
Edwin Black est un no life obèse, sa mère est blanche, son père cheyenne, il est embauché comme stagiaire pour préparer le pow-wow
Bill Davis est le beau-père d’Edwin.
Jacquie Red Feather est la sœur d’Opale.
Orvil Red Feather est le petit-fils aîné de Jacquie.
Calvin Johnson, Octavio Gomez, Daniel Gonzalez préparent un braquage.
Le Pow-Wow est organisé par Blue, abandonnée à la naissance, est en quête de ses racines.
Thomas Frank est un colosse indien, joueur de tambour qui a des problèmes d’alcool.
Cette lecture est très intéressante mais parfois un peu brouillonne, la version audio n’est peut-être la mieux adaptée pour suivre les interactions entre les douze narrateurs et personnages. J’ai été obligée de prendre des notes au fur et à mesure de mon écoute et d’emprunter la version papier à la Bibliothèque pour rédiger ce billet…
La lecture à trois lecteurs différents (une femme et deux hommes) est une aide à l’écoute pour différencier le passage d’un personnage à l’autre.
Extrait : (début du livre)
Il y avait une tête d’Indien, la tête d’un Indien, le dessin de la tête d’un Indien aux longs cheveux parée d’une coiffe de plumes d’aigle, dessinée par un artiste anonyme en 1939 et diffusée jusqu’à la fin des années soixante-dix sur tous les écrans de télé américains une fois les programmes terminés. Cela s’appelait la Mire à tête d’Indien. Si on laissait la télé allumée, on entendait le son d’une fréquence de 440 hertz – celle servant à accorder les instruments – et on voyait cet Indien, entouré de cercles pareils à ceux de la lunette de visée d’un fusil. Il y avait ce qui ressemblait à une cible au centre de l’écran, et des chiffres comme autant de coordonnées. La tête de l’Indien était juste au-dessus de la cible, comme s’il suffisait de hocher le menton en signe d’approbation pour l’avoir dans sa ligne de visée. Ce n’était qu’une mire.
En 1621, peu après une cession de terres, les colons anglais invitèrent Massasoit, chef des Wampanoags, à un banquet. Massasoit arriva avec quatre-vingt-dix de ses guerriers. C’est en mémoire de ce repas que nous partageons toujours le dîner de Thanksgiving en novembre. Pour le célébrer en tant que nation. Mais ce repas-là n’était pas un repas d’action de grâce. C’était un repas scellant une cession de terres. Deux ans plus tard, il y en eut un autre, identique, pour symboliser une amitié éternelle. Deux cents Indiens furent décimés ce soir-là par un poison inconnu.
Audiolib – septembre 2019 – 9h09 – Lu par Cachou Kirsch et Simon Duprez
La Manufacture de livres – janvier 2019 – 334 pages
Quatrième de couverture :
Dans le secret du confessionnal, on confie au père Gabriel une mission. Récupérer à l’asile voisin, sous la jupe d’une femme dont il doit bénir le corps, de mystérieux cahiers. C’est ainsi que sortent de l’ombre les carnets de la jeune Rose, ceux dans lesquels elle a conté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin.
Auteur : Franck Bouysse, né en 1965 à Brive-la-Gaillarde, a été enseignant en biologie et se lance dans l’écriture en 2004. Ses romans Grossir le ciel en 2014, puis Plateau en 2016 et Glaise en 2017 rencontrent un large succès public et remportent de nombreux prix littéraires. Son roman Né d’aucune femme achève d’imposer Franck Bouysse comme un auteur français de premier plan. Il partage aujourd’hui sa vie entre Limoges et un hameau en Corrèze.
Lecteurs : Comédienne et musicienne bruxelloise, sociologue de formation, Cachou Kirsch jongle depuis 2003, avec un plaisir non dissimulé, entre grosses productions théâtrales et « petits » projets passionnants, entre la vivacité du jeune public et les studios d’enregistrement.
Après avoir étudié à l’École Nationale Supérieur d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg, Simon Duprez débute sa carrière de comédien sur les planches. Il rencontre Isabelle Pousseur en 2000 pour la création de Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès et la retrouvera en 2006 pour Electre au Théâtre National de Bruxelles. Depuis, il poursuit sa carrière en Belgique en collaborant avec Rémi Pons, Judith Ribardière, Guillemette Laurent ou encore Sarah Siré.
Mon avis : (réécouté en partie en mars 2020)
Mon premier avis sur ce livre était mitigé, car j’ai trouvé cette histoire très sombre, violente, cruelle et même perverse. J’ai vite été mal à l’aise par ce trop plein de scènes dérangeantes et insupportables. M’y replonger a été difficile… J’ai retardé le moment et finalement j’y suis allée sans envie, par honnêteté vis à vis du Prix Audiolib 2020.
Le père Gabriel est appelé pour bénir le corps d’une femme décédée à l’asile voisin.
Il a pour mission de récupérer les cahiers où cette femme a raconté sa terrible vie.
Elle s’appelait Rose, aînée de quatre filles d’un couple de paysans pauvres.
A 14 ans, elle est vendue par son père au maître des Forges.
C’est ainsi que commence ce roman chorale où chaque personnage nous livre son point de vue : le père Gabriel, Rose, Onésime, son père, Elle, sa mère, Edmond, le palefrenier, et l’Enfant. Tous brossent le portrait bouleversant de Rose, une jeune femme réduite au rôle d’esclave.
Je reconnais être admirative devant la force et la résistance de Rose face à tant de souffrances et d’horreurs.
Je reconnais que le style de l’auteur est juste et ciselé, que l’intrigue est bien mené, que les voix des deux lecteurs sont agréables à écouter
Mais tout cela ne suffit pas, mon avis n’a pas changé : trop c’est trop, ici tout est trop violent, trop noir.
Extrait : (début du livre)
Il se trouvait quelque part plus loin que les aiguilles de ma montre.
Cela n’a pas encore eu lieu. Il ne sait rien du trouble. Ce sont des odeurs de printemps suspendues dans l’air frais du matin, des odeurs d’abord, toujours, des odeurs maculées de couleurs, en dégradé de vert, en anarchie florale confinant à l’explosion. Puis il y a les sons, les bruits, les cris, qui expriment, divulguent, agitent, déglinguent. Il y a du bleu dans le ciel et des ombres au sol, qui étirent la forêt et étendent l’horizon. Et ce n’est pas grand-chose, parce qu’il y a aussi tout ce qui ne peut se nommer, s’exprimer, sans risquer de laisser en route la substance d’une émotion, la grâce d’un sentiment. Les mots ne sont rien face à cela ils sont des habits de tous les jours, qui s’endimanchent parfois, afin de masquer la géographie profonde et intime des peaux ; les mots, une invention des hommes pour mesurer le monde.
À l’époque, je m’attendais à plus rien dans ma vie.
Taire les mots. Laisser venir. Il ne resterait alors rien que la peau nue, les odeurs, les couleurs, les bruits et les silences.
Ça faisait longtemps que je me racontais plus d’histoires.
Les histoires qu’on raconte, celles qu’on se raconte. Les histoires sont des maisons aux murs de papier, et le loup rôde.
J’avais renoncé à partir… Pour aller où, d’abord ?
Les retours ne sont jamais sereins, toujours nourris des causes du départ. Que l’on s’en aille ou que l’on revienne, de gré ou bien de force, on est lourd des deux.
Le soleil était en train de chasser la gelée blanche.
Le soleil-monstre suinte, duplique les formes qu’il frappe en traître, traçant les contours de grandes cathédrales d’ombre sans matière. C’est la saison qui veut ça.
Je le voyais pas. Comment j’aurais pu deviner ?
Il connaît cet endroit autrement qu’en souvenir. Quelque chose parle dans sa chair, une langue qu’il ne comprend pas encore.
Comment j’aurais pu imaginer qui il était ?
Il est grand temps que les ombres passent aux aveux.
Déjà lu du même auteur :
Né d’aucune femme – Franck Bouysse (1ère lecture)