Girl – Edna O’Brien

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Audiolib – mars 2020 – 5h52 – Lu par Claire Cahen

Sabine Wespieser – septembre 2019 – 250 pages

traduit de l’anglais (Irlande) par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat

Titre original : Girl, 2019

Prix Femina spécial 2019 pour l’ensemble de son œuvre

Quatrième de couverture :
Le nouveau roman d’Edna O’Brien laisse pantois. S’inspirant de l’histoire des lycéennes enlevées par Boko Haram en 2014, l’auteure irlandaise se glisse dans la peau d’une adolescente nigériane. Depuis l’irruption d’hommes en armes dans l’enceinte de l’école, on vit avec elle, comme en apnée, le rapt, la traversée de la jungle en camion, l’arrivée dans le camp, les mauvais traitements, et son mariage forcé à un djihadiste – avec pour corollaires le désarroi, la faim, la solitude et la terreur.
Le plus difficile commence pourtant quand la protagoniste de ce monologue halluciné parvient à s’évader, avec l’enfant qu’elle a eue en captivité. Celle qui, à sa toute petite fille, fera un soir dans la forêt un aveu déchirant – « Je ne suis pas assez grande pour être ta mère » – finira bien, après des jours de marche, par retrouver les siens. Et comprendre que rien ne sera jamais plus comme avant : dans leur regard, elle est devenue une « femme du bush », coupable d’avoir souillé le sang de la communauté.

Auteure : Née dans l’Ouest de l’Irlande en 1930, Edna O’Brien vit à Londres. Publiée dans le monde entier, son oeuvre lui a valu en 2018 le prix PEN America/Nabokov. Puis en 2019, elle reçoit également le Prix Femina spécial et le David Cohen Prize for literature pour l’ensemble de son œuvre.

Lecteur : Claire Cahen est comédienne, pour le théâtre et le cinéma. Après une licence d’études théâtrales, elle intègre l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre. Elle travaille ensuite avec de nombreux metteurs en scène et joue dans des films de Hassan Ben Jelloun, Selma Bargach, Philippe Sisbane ou encore Emmanuel Bourdieu. Elle co-réalise deux courts-métrages, Frontières et Yasmina. Elle a reçu le prix Plume de Paon 2019 pour sa lecture de Sotah, chez Yodéa éditions.

Mon avis : (écouté en mars 2020)
Dans ce roman, l’auteure irlandaise s’est inspirée de la terrible histoire des lycéennes de Chibok (Nigeria) enlevées par Boko Haram en 2014.
Maryam, lycéenne nigériane, a été emmenée loin de son village, dans un camp djihadiste, elle subit de mauvais traitements, devient une esclave sexuelle puis elle est mariée à un combattant de l’organisation et va tomber enceinte.

Après plusieurs années de captivité, Maryam parvient à s’enfuir et après un long périple avec de nombreuses embûches à rentrez dans son village. Les retrouvailles ne sont pas celles qu’elle imaginait. Avec son retour, Myriam est devenue une suspecte. Ne s’est-elle pas radicalisée ? Parce qu’elle s’est évadée, ne va-t-elle pas attirer des représailles sur le village ? Et sa fille… c’est un enfant de honte.
Maryam est un personnage fictif que l’auteure a su rendre si réelle et si vraie. Avec ce livre, Edna O’Brien donne la parole à cette lycéenne qui raconte son calvaire indicible et éprouvant, sans chercher aucunement à épargner le lecteur…
La version audio est agréable à écouter, le ton posé et lent du lecteur nous aide à être attentif à tous les détails et à nous imprégner du texte.
Une lecture coup de poing, très documentée et magnifiquement écrit.

Extrait : (début du livre)
J’ÉTAIS UNE FILLE AUTREFOIS, c’est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeaux. Mes entrailles, un bourbier. Emmenée en trombe à travers cette forêt que j’ai vue, cette première nuit d’effroi, quand mes amies et moi avons été arrachées à l’école.
Le pan pan soudain des coups de feu dans notre dortoir, et les hommes au visage couvert, regard furieux, disant qu’ils sont les soldats venus nous protéger, qu’il y a une insurrection en ville. Nous avons peur, mais nous les croyons. Des filles hébétées sortent du lit, d’autres arrivent de la véranda où elles dormaient parce que c’était une nuit chaude et moite.
Sitôt entendu Allahu akbar, Allahu akbar, nous avons su. Ils avaient volé les uniformes de nos soldats pour passer la sécurité. Ils nous ont bombardées de questions – Où est l’école des garçons, Où garde-t-on le ciment, Où sont les dépôts. Quand on a dit qu’on ne savait pas, ils sont devenus fous. Puis d’autres ont débarqué, ils n’arrivaient à trouver ni pièces détachées ni essence dans les appentis et le ton est monté.
Pas question pour eux de retourner les mains vides, sans quoi leur commandant serait furieux. Puis, au milieu des cris, l’un d’eux a dit dans un large sourire, « les filles, ça le fera », et nous avons entendu l’ordre d’aller chercher d’autres camions. Une fille a sorti son portable pour appeler sa mère, mais on le lui a aussitôt saisi. Elle s’est mise à pleurer, d’autres se sont mises à pleurer, suppliant qu’on les laisse rentrer à la maison. L’une s’est agenouillée : « Monsieur, monsieur », ce qui l’a mis en rage, et il a commencé à nous injurier et à nous narguer, nous traitant de tous les noms, de putes et de traînées, qu’on devrait être mariées et qu’on le serait bientôt.
On nous a séparées par groupes de vingt, et il a fallu attendre, bredouillantes, accrochées les unes aux autres, puis l’ordre a été donné d’évacuer le dortoir, sur-le-champ, de tout laisser derrière.
Le chauffeur du premier camion à franchir le portail de l’école avait une arme braquée sur la tête, et il a traversé la petite ville comme un dingue. Il n’y aurait personne pour dire avoir vu passer un camion, à cette heure indue, avec tout plein de filles.
On s’est bientôt retrouvées dans un village à la frontière, débouchant sur une jungle épaisse. Ils ont dit au chauffeur de descendre et, quelques minutes après qu’ils l’ont emmené, on a entendu des tirs nourris.

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Irlande

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(5) Son
chanson des Beatles présente sur l’album Rubber Soul sorti le

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Toute une vie et un soir – Anne Griffin

91Im00rUmEL Delcourt littérature – avril 2019 – 272 pages

traduit de l’anglais (Irlande) par Claire Desserrey

Titre original : When All Is Said, 2019

Quatrième de couverture :
Dans une bourgade du comté de Meath, Maurice Hannigan, un vieux fermier, s’installe au bar du Rainsford House Hotel. Il est seul, comme toujours – sauf que, ce soir, rien n’est pareil : Maurice, à sa manière, est enfin prêt à raconter son histoire. Il est là pour se souvenir – de tout ce qu’il a été et de tout ce qu’il ne sera plus. Au fil de la soirée, il veut porter cinq toasts aux cinq personnes qui ont le plus compté pour lui. Il lève son verre à son grand frère Tony, à l’innocente Noreen, sa belle-soeur un peu timbrée, à la petite Molly, son premier enfant trop tôt disparu, au talent de son fils journaliste qui mène sa vie aux États-Unis, et enfin à la modestie de Sadie, sa femme tant aimée, partie deux ans plus tôt. Au fil de ces hommages, c’est toute une vie qui se révèle dans sa vérité franche et poignante…
Un roman plein de pudeur et de grâce qui contient toute l’âme de l’Irlande.

Auteur : Récompensée par le John McGahern Award, Anne Griffin a publié ses nouvelles dans The Irish Times et The Stinging Fly. Elle a été libraire à Dublin et Londres, et travaille pour plusieurs associations caritatives. Née à Dublin, elle vit aujourd’hui à Mulingar. Son premier roman, Toute une vie et un soir, paraît dans sept pays en 2019.

Mon avis : (lu en août 2019)
Maurice Hannigan est âgé de 84 ans. Veuf inconsolable depuis deux ans, il est venu ce soir s’accouder au bar du Rainsford House Hotel pour commander cinq verres et porter cinq toasts aux cinq personnes les plus importantes de sa longue vie : son frère aîné, sa femme, sa belle-sœur, ses deux enfants.
Cinq occasions pour raconter toute une vie en un soir, la vie irlandaise de ce fils de fermier qui commença les pieds dans la boue des étables et devint un riche propriétaire. Une vie simple où le courage et le travail étaient l’essentiel, une vie remplie de joie, de bonheur, mais également d’austérité et de malheur. 
Dans ces histoires entrelacées, le lecteur découvre l’âme d’un homme et de son pays, c’est toute l’Irlande rurale qui se dévoile. Un personnage sympathique, plein d’humour et qui révèle peu à peu toute sa sensibilité et son authenticité.
Un premier roman magnifique, captivant, émouvant, plein de pudeur et d’humanité.

Extrait : (début du livre)
   C’est moi ou leurs tabourets sont plus bas ? Peut-être que je me ratatine. À 84 ans, ce sont des choses qui arrivent. Ça et les poils dans les oreilles.
   Quelle heure il est aux États-Unis, fiston ? 1 heure, 2 heures de l’après-midi ? Tu dois être collé à cet ordinateur dans ton bureau climatisé, en train de taper sur ton clavier. Ou bien chez toi, sur la galerie, dans le fauteuil relax dont l’accoudoir est cassé, à lire l’article que tu viens d’écrire dans ce journal pour lequel tu travailles… C’est quoi, déjà, son nom ? Bon sang, impossible de le retrouver. Je t’imagine, le front plissé, essayant de te concentrer pendant qu’Adam et Caitríona font les fous pour que tu les remarques.
   Ici, c’est calme plat. Pas un pékin en vue. Il n’y a que moi, qui marmonne dans ma barbe et qui tambourine sur le bar, pressé de boire ma première gorgée. Si je réussis à me la faire servir… Est-ce que je t’ai raconté, Kevin, que mon père tambourinait comme un as ? Sur la table, mon épaule, n’importe quelle surface où il pouvait poser l’index, pour enfoncer ses arguments et obtenir l’attention qu’il méritait. Le mien, d’index, tout déformé, n’a pas autant de talent, apparemment. Il attire l’attention de personne. Encore faudrait-il qu’il y ait quelqu’un à attirer, à part la fille de la réception. Elle sait parfaitement que je suis là, mais elle s’arrange pour pas me voir. On pourrait mourir de soif, ici.
   Faut dire qu’ils sont débordés par les préparatifs de la remise des prix du Comité sportif. Ah, ils ont réussi leur coup, ceux de Rainsford, en raflant l’organisation de la soirée à Duncashel et ses deux hôtels. Ça, c’est Emily, la patronne – je devrais plutôt dire la propriétaire. Cette femme est capable de faire du gringue à n’importe qui pour vanter les charmes de son établissement. Bien qu’en ce qui me concerne, depuis le temps, on peut pas dire que j’en ai beaucoup profité.
   Il n’empêche, je suis assis ici et j’ai mes raisons, fiston. J’ai mes raisons.

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Mon traître – Pierre Alary et Sorj Chalandon

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Quatrième de couverture :
« Comment fait-on après, lorsqu’on est traître, pour effleurer la peau des autres ?
Celle de ta femme, de ton fils, de tes camarades, des vieilles dames qui t’applaudissent sous la pluie quand tu honores la République irlandaise…
On fait comment pour embrasser la joue d’un trahi ? »

Auteurs : Pierre Alary est né en 1970. En 1991, il intègre la prestigieuse école graphique des Gobelins à Paris. Il y reçoit un enseignement principalement tourné vers l’animation puis il est embauché aux studios Disney de Montreuil. Il y passera dix ans comme animateur sur TarzanKuzcole Bossu de notre Dame, et divers courts-métrages avant de se consacrer essentiellement à la bande dessinée. En 2001, paraît le premier tome de la série Les Échaudeurs des Ténèbres. L’aventure BD continue avec la série  Belladone scénarisée par Ange.  Suivront 3 tomes de Sinbad avec Arleston, puis l’adaptation de Moby Dick avec Olivier Jouvray. En 2013, commence la série Silas Corey scénarisée par Fabien Nury. En 2018, Mon Traître, adapté du roman de Sorj Chalandon.
Après trente-quatre ans à Libération, Sorj Chalandon est aujourd’hui journaliste au Canard enchaîné. Ancien grand reporter, prix Albert-Londres (1988), il est aussi l’auteur de sept romans, tous parus chez Grasset. Le Petit Bonzi (2005), Une promesse (2006 – prix Médicis), Mon traître (2008), La Légende de nos pères (2009), Retour à Killybegs (2011 – Grand Prix du roman de l’Académie française), Le Quatrième Mur (2013 – prix Goncourt des lycéens) et Profession du père (2015).

Mon avis : (lu en mai 2018)
Pierre Alary adapte avec beaucoup de talent le récit autobiographique de Sorj Chalandon. Antoine, luthier parisien passionné par l’Irlande, découvre en 1977, Belfast et la situation de l’Irlande du Nord et le combat mené par l’IRA. Il va se lier d’amitié avec des soldats de l’armée républicaine et surtout avec le charismatique Tyrone Meehan, responsable de l’IRA, vétéran de tous les combats contre la puissance britannique.  » Mon traître « , comme l’appelle Antoine, car cet homme a été, pendant vingt-cinq ans, un agent agissant pour le compte des Anglais. Il a trahi ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis…
La bande dessinée a été construite avec le récit d’Antoine qui raconte sa rencontre avec la cause irlandaise, il ira jusqu’à devenir un point de contact à Paris, entrecoupé par des pages du compte-rendu d’interrogatoire de Tyrone Meehan, tapées à la machine.
Cette histoire poignante s’inspire de la vraie amitié qui a uni le journaliste français Sorj Chalandon à Denis Donaldson membre à la fois du Sinn Fein et de l’IRA. 
Le récit est fort, plein d’émotion, plein d’humanité, de douleur et de rage.
Une belle adaptation captivante !

Extrait : (cliquer sur les planches pour les agrandir)

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