Buchet Chastel – août 2022 – 176 pages
Quatrième de couverture :
Gaspar est un artiste reconnu et sollicité. Pourtant, en ce début de printemps, il ne rêve que de quitter Paris et s’installer Campo de’Fiori, à Rome. Là, à une terrasse de café, devant un jeu d’échecs, il joue contre des amateurs de passage et savoure la beauté des jours. Un matin, une femme s’installe à sa table pour une partie. Elle s’avère être une adversaire redoutable et gagne très vite. Elle s’appelle Marya, vient de Hongrie. L’histoire entre eux naît sur l’échiquier, avant de se déployer ailleurs, singulière et douce. Partie italienne, nouveau roman d’Antoine Choplin, ne défend aucune cause, ne prend aucun parti, excepté celui de la puissance de la Mémoire.
Auteur : Antoine Choplin est l’auteur de Radeau, du Héron de Guernica, de Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar et de La Nuit tombée (prix France Télévisions 2012).
Mon avis : (lu en octobre 2022)
Gaspar est un artiste parisien reconnu. Sous le prétexte de préparer une conférence, il s’est enfui à Rome avec son échiquier. N’ayant pas cœur à travailler, il flâne dans les rues de la ville puis s’installe avec son jeu d’échecs à la terrasse d’un café-restaurant situé sur la place du A l’ombre d’une statue de Giordano Bruno, dominicain savant et philosophe, brûlé comme hérétique en 1600 sur cette même place, Gaspar joue des parties avec ceux qui veulent. Un jour, Marya est œnologue, elle parle avec beaucoup de poésie du vin. Et comme Gaspar, nous découvrons la terrible histoire du grand-père de Marya qui est à l’origine de son talent pour les échecs.
L’écriture d’Antoine Choplin est à simple, juste, sans un mot de trop.
Il est question d’art, d’échecs, de la mémoire et d’amour.
Je ne connais pas Rome, mais à la lecture il m’a semblé accompagner Marya et Gaspar dans leurs promenades dans les ruelles de la ville…
Extrait :
Sur l’échiquier finement marqueté, les pièces projettent leurs ombres élégantes. Avec nonchalance, l’index de l’homme qui s’est assis en face de moi glisse un instant sur le plateau pour épouser les contours de deux ou trois d’entre elles. Et puis, après un regard vers moi, il pousse son pion en e4.
Le soleil vient de se hisser au-dessus des toits vermillon du Campo de’Fiori. En moins de deux, il a jeté sur la place son sortilège printanier, comme une poudre.
Il fait bon.
Alentour, installés sous de vastes parasols, les marchands ambulants ont commencé à élever la voix pour attirer les passants ou seulement plaisanter entre eux.
Je suis attablé sur la terrasse du restaurant Virgilio, avec mon jeu d’échecs et l’aval du patron, un petit gars tout rond aux cheveux noirs et gominés, qui a hésité un instant avant de trouver l’idée plutôt amusante. Je n’aurais qu’à me plier, le cas échéant, aux nécessités du service, voilà tout.
Mon téléphone vibre dans ma poche. C’est Amandine, elle doit vouloir prendre de mes nouvelles, est-ce que j’ai fait bon voyage, est-ce que l’hôtel – celui qu’elle a réservé pour moi depuis Paris – est correct, comment est la météo à Rome. J’ignore son appel.
Ça fait quelques jours que j’aspire à cet instant-là. Libre et tranquille, sous le ciel italien de mai, loin des sollicitations, des figures d’apparat et des tensions de ces derniers temps. Avec, comme seule préoccupation, de belles parties à disputer contre des inconnus de passage. Avec, entre nous, rien d’autre que le langage universel du jeu, son lexique partagé, simple et profond, honnête.
On y est.
Sans pouvoir m’empêcher de sourire, j’engage une défense sicilienne.
Pion en c5, donc.
Quelques badauds ralentissent le pas, s’arrêtent un moment pour regarder la partie. Certains commentent la position en chuchotant, la bouche collée à l’oreille de leur voisin. Parfois, je lève furtivement les yeux vers eux, sans vraiment leur porter attention. À quelques mètres, en nous fixant, un marchand de fruits et légumes ironise à voix haute et avec bienveillance sur ceux qui ont la chance d’avoir un cerveau et ceux, dans son genre à lui, qui sont bien obligés de se débrouiller sans.
Déjà lu du même auteur :
Le héron de Guernica
La nuit tombée
Cour Nord
Radeau
Les gouffres
Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar