Actes Sud Junior – août 2018 – 176 pages
Quatrième de couverture :
Un triangle amoureux. Une fille et deux garçons. Amour, amitié, séparation. Mais ce qui les relie irréductiblement l’un à l’autre est la danse, le hip-hop. La seule passion du mouvement, de la circulation dans et entre les corps, d’un art vécu comme une sérénité. Anais, Adrien et Sanjeewa : l’ancienne gymnaste à la carrière contrariée, le garçon en colère contre l’injustice familiale et le fils d’immigrés Tamoul que l’on ne sait pas trop où caser. Le trio réinvente les lois de l’attraction dans la vie comme sur un plateau. Nourri de culture musicale, Jean-Philippe Blondel n’a pas son pareil pour mettre en scène l’adolescence avec énergie, sensualité et confiance.
Auteur : Jean-Philippe Blondel est né en 1964. Marié, deux enfants, il enseigne l’anglais en lycée et vit près de Troyes, en Champagne-Ardennes. Il publie en littérature générale et en littérature jeunesse depuis 2003. Le Baby-sitter, G229 (prix Virgin – Version femina), Et rester vivant et 06H41 ont rencontré un réel succès.
Mon avis : (lu en décembre 2018)
Jean-Philippe Blondel nous plonge dans le quotidien de trois adolescents qui ont comme passion commune la danse.
Anaïs est une ancienne gymnaste qui a perdu toute confiance en elle après un échec Sanjeewa est un fils d’immigrés Sri Lankais, arrivé en France à l’âge de 7 ans, il a souffert de l’arrachement à sa terre natale. Il a grandi bien plus vite que les enfants de son âge. Il est lumineux et solaire, il ne vit que pour le plaisir de vibrer, de danser, de mettre en scène ses ressentis. Il mêlant la danse traditionnelle des Tamouls et le hip hop.
L’histoire commence par un petit triangle amoureux, puis des amitiés sincères vont se construire peu et à peu… En dévoilant aux autres, chacun leurs failles, Anaïs, Adrien et Sanjeewa vont pouvoir se retrouver à travers une ultime danse !
Une belle leçon de vie, d’espoir et de tolérance.
Extrait : (début du livre)
Adrien
D’abord, les poignets. C’est ce qu’il y a de plus fragile, les poignets. Je ferme les yeux tandis que je les assouplis. Quand je les ouvre à nouveau, je suis face au miroir. J’ai le regard dur.
Anaïs me le reprochait souvent. Je répondais que j’étais comme ça, un point c’est tout, j’ajoutais que je ne changerais pas, mais elle rétorquait que c’était idiot, comme position. Elle souriait, elle tournait légèrement la tête et elle disait que tout le monde change, tout le temps, et que vouloir lutter contre les avis extérieurs, c’était ridicule. Il fallait les accueillir et les filtrer, au contraire.
– On est la somme de tout ce qui nous influence, a-t-elle remarqué une fois, et tu sais quoi ? J’adore cette idée.
Ne pas penser à Anaïs. Se concentrer sur les articulations, d’abord. Les chevilles. Si la cheville cède, le corps s’effondre – et avec lui, l’avenir et le monde, tout simplement. La cheville porte et supporte tout. Mes pouces et mes index massent la gauche, d’abord. Je sens le frisson de plaisir monter du bas de mon dos à ma nuque, mais je ne bronche pas. J’ai eu du mal à accepter que oui, toucher son propre corps pouvait rassurer et permettre d’atteindre un état second, mais maintenant, j’en suis conscient. Je l’assume pleinement.
Il y a tellement de choses que j’ai eu du mal à accepter. La première d’entre elles : être un garçon qui danse. Les deux termes semblaient totalement opposés. J’habite dans un village du Grand Est depuis sept ans maintenant. Avant, nous logions dans un appartement en ville, mais je n’en ai presque aucun souvenir. Dans la campagne où je vis, les garçons jouent au foot ou au handball, pratiquent les arts martiaux, organisent des parties de paintball dans la forêt, se déplacent à moto ou en quad. Ils vont à la chasse aussi. Pendant les soirées, ils restent ensemble, descendent des bières ou du coca, lancent des vannes grasses sur les filles présentes en se donnant des coups d’épaule. Ils ne dansent pas. Partout, sur internet, à la télé, dans les magazines, on entend dire que la société s’est modifiée en profondeur et que les stéréotypes sont dépassés. Aujourd’hui, tout le monde serait apparemment prêt à accepter que sa fille soit gardienne de foot ou boxeuse, et que son fils entre dans la haute couture ou se passionne pour le maquillage. Ou la danse. Laissez-moi en douter.
La première chose que tu apprends quand tu es un garçon et que tu ne vis pas dans une capitale, c’est omettre. Passer sous silence. C’est exactement ce que j’ai fait pour la danse. Je n’ai jamais parlé des cours que je suivais en ville. Ni de l’option pour laquelle je me suis inscrit dans ce lycée dont mon collège ne dépend pas. Motus. Les autres, ceux qui me côtoient au village, je suis sûr qu’ils sont tous au courant et qu’ils se moquent derrière mon dos, mais devant moi, rien, pas un mot plus haut que l’autre. Tant qu’on ne nomme pas la réalité, elle a encore une chance de ne pas exister.
Déjà lu du même auteur :
Et rester vivant
(Re)play
Brise glace
Double jeu
Un hiver à Paris
La coloc