Kuessipan – Naomi Fontaine

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Mémoire d’encrier – 2011 – 120 pages

Le Serpent à Plume – août 2015 – 112 pages

Mémoire d’encrier – mars 2018 – 118 pages

Quatrième de couverture :
Kuessipan est le récit des femmes indiennes. Autant de femmes, autant de courages, de luttes, autant d’espoirs. Dans la réserve innue de Uashat, les femmes sont mères à quinze ans et veuves à trente. Des hommes, il ne reste que les nouveau-nés qu’elles portent et les vieux qui se réunissent pour évoquer le passé. Alors ce sont elles qui se battent pour bâtir l’avenir de leur peuple, pour forger jour après jour leur culture, leur identité propre, indienne.
Premier roman, Kuessipan est une pure merveille, la révélation d’une auteure qui, à vingt-trois ans, fait une entrée fracassante dans la littérature américaine.

Auteur : Naomi Fontaine a 23 ans. Innue de Uashat, elle vit à Québec. Kuessipan, son premier roman, a reçu un excellent accueil.

Mon avis : (lu en novembre 2018)
Kuessipan est un mot innu signifiant « à toi » ou « à ton tour ».
Dans ce premier roman, Naomi Fontaine rend hommage à son peuple et lui donne une voix. Naomi décrit avec peu de mots, beaucoup de justesse et de poésie la vie au quotidien dans une réserve innue de Uashat. Elle nous livre les portraits de différents membres de sa communauté. Elle décrit la beauté des paysages, la réserve entourée de barrières réelles et invisibles, les grossesses des jeunes filles de 15 ans pressées d’avoir des enfants, les traditions toujours présentes, la misère avec l’alcoolisme et la consommation de drogue, certains hommes veulent rejoindre la grande ville, espérant une nouvelle vie, une vie meilleure, d’autres réfléchissent à un retour à une vie nomade. Elle raconte l’esprit communautaire, la force des femmes, les pêcheurs nostalgiques, les enfants qui grandissent, la culture indienne innue transmise par les anciens…
C’est à la fois instructif et bouleversant de découvrir les difficiles réalités de la réserve.
La lecture n’est pas toujours facile car si les chapitres sont courts, il n’y a pas de logique dans la continuité du livre. Cela peut évoquer la vraie complexité de vivre dans une réserve autochtone…

Extrait : (début du livre)
J’ai inventé des vies. L’homme au tambour ne m’a jamais parlé de lui. J’ai tissé d’après ses mains usées, d’après son dos courbé. Il marmonnait une langue vieille, éloignée. J’ai prétendu tout connaître de lui. L’homme que j’ai inventé, je l’aimais. Et ces autres vies, je les ai embellies. Je voulais voir la beauté, je voulais la faire. Dénaturer les choses – je ne veux pas nommer ces choses – pour n’en voir que le tison qui brûle encore dans le cœur des premiers habitants. La fierté est un symbole, la douleur est le prix que je ne veux pas payer. Et pourtant, j’ai inventé. J’ai créé un monde faux. Une réserve reconstruite où les enfants jouent dehors, où les mères font des enfants pour les aimer, où on fait survivre la langue. J’aurais aimé que les choses soient plus faciles à dire, à conter, à mettre en page, sans rien espérer, juste être comprise. Mais qui veut lire des mots comme drogue, inceste, alcool, solitude, suicide, chèque en bois, viol ? J’ai mal et je n’ai encore rien dit. Je n’ai parlé de personne. Je n’ose pas.

Le brouillard. En voiture, le manque de visibilité oblige les conducteurs à ralentir. Parfois les clignotants des voitures sont en fonction. C’est pour s’aider, pour mieux s’orienter. La chaussée est humide. On n’ose pas de dépassement. La nuit, on voit mieux en gardant juste les basses allumées. Ça ne dure pas. Quelques minutes, une heure.

Il dit : Le brouillard du matin indique une journée ensoleillée, celui du soir, un lendemain pluvieux.

Ils ont accusé le brouillard. La brume habituelle des soirs de mai. Le vent mouillé de la mer qui fait pousser les nuages gris sur la route qui relie Uashat et Mani-utenam. Ça devait être un brouillard épais, opaque, infranchissable. Ça devait être une nuit noire, obscure, sans lune. Les voitures devaient être absentes. Il devait être seul à garder la route, à s’orienter, à enfoncer l’air trempé. Les arbres, les poteaux devaient se cacher derrière cette épaisse grisaille. La peur, le manque d’expérience, la vitesse, la témérité, l’inconscience, comme voie de sortie.

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