Toute une vie et un soir – Anne Griffin

91Im00rUmEL Delcourt littérature – avril 2019 – 272 pages

traduit de l’anglais (Irlande) par Claire Desserrey

Titre original : When All Is Said, 2019

Quatrième de couverture :
Dans une bourgade du comté de Meath, Maurice Hannigan, un vieux fermier, s’installe au bar du Rainsford House Hotel. Il est seul, comme toujours – sauf que, ce soir, rien n’est pareil : Maurice, à sa manière, est enfin prêt à raconter son histoire. Il est là pour se souvenir – de tout ce qu’il a été et de tout ce qu’il ne sera plus. Au fil de la soirée, il veut porter cinq toasts aux cinq personnes qui ont le plus compté pour lui. Il lève son verre à son grand frère Tony, à l’innocente Noreen, sa belle-soeur un peu timbrée, à la petite Molly, son premier enfant trop tôt disparu, au talent de son fils journaliste qui mène sa vie aux États-Unis, et enfin à la modestie de Sadie, sa femme tant aimée, partie deux ans plus tôt. Au fil de ces hommages, c’est toute une vie qui se révèle dans sa vérité franche et poignante…
Un roman plein de pudeur et de grâce qui contient toute l’âme de l’Irlande.

Auteur : Récompensée par le John McGahern Award, Anne Griffin a publié ses nouvelles dans The Irish Times et The Stinging Fly. Elle a été libraire à Dublin et Londres, et travaille pour plusieurs associations caritatives. Née à Dublin, elle vit aujourd’hui à Mulingar. Son premier roman, Toute une vie et un soir, paraît dans sept pays en 2019.

Mon avis : (lu en août 2019)
Maurice Hannigan est âgé de 84 ans. Veuf inconsolable depuis deux ans, il est venu ce soir s’accouder au bar du Rainsford House Hotel pour commander cinq verres et porter cinq toasts aux cinq personnes les plus importantes de sa longue vie : son frère aîné, sa femme, sa belle-sœur, ses deux enfants.
Cinq occasions pour raconter toute une vie en un soir, la vie irlandaise de ce fils de fermier qui commença les pieds dans la boue des étables et devint un riche propriétaire. Une vie simple où le courage et le travail étaient l’essentiel, une vie remplie de joie, de bonheur, mais également d’austérité et de malheur. 
Dans ces histoires entrelacées, le lecteur découvre l’âme d’un homme et de son pays, c’est toute l’Irlande rurale qui se dévoile. Un personnage sympathique, plein d’humour et qui révèle peu à peu toute sa sensibilité et son authenticité.
Un premier roman magnifique, captivant, émouvant, plein de pudeur et d’humanité.

Extrait : (début du livre)
   C’est moi ou leurs tabourets sont plus bas ? Peut-être que je me ratatine. À 84 ans, ce sont des choses qui arrivent. Ça et les poils dans les oreilles.
   Quelle heure il est aux États-Unis, fiston ? 1 heure, 2 heures de l’après-midi ? Tu dois être collé à cet ordinateur dans ton bureau climatisé, en train de taper sur ton clavier. Ou bien chez toi, sur la galerie, dans le fauteuil relax dont l’accoudoir est cassé, à lire l’article que tu viens d’écrire dans ce journal pour lequel tu travailles… C’est quoi, déjà, son nom ? Bon sang, impossible de le retrouver. Je t’imagine, le front plissé, essayant de te concentrer pendant qu’Adam et Caitríona font les fous pour que tu les remarques.
   Ici, c’est calme plat. Pas un pékin en vue. Il n’y a que moi, qui marmonne dans ma barbe et qui tambourine sur le bar, pressé de boire ma première gorgée. Si je réussis à me la faire servir… Est-ce que je t’ai raconté, Kevin, que mon père tambourinait comme un as ? Sur la table, mon épaule, n’importe quelle surface où il pouvait poser l’index, pour enfoncer ses arguments et obtenir l’attention qu’il méritait. Le mien, d’index, tout déformé, n’a pas autant de talent, apparemment. Il attire l’attention de personne. Encore faudrait-il qu’il y ait quelqu’un à attirer, à part la fille de la réception. Elle sait parfaitement que je suis là, mais elle s’arrange pour pas me voir. On pourrait mourir de soif, ici.
   Faut dire qu’ils sont débordés par les préparatifs de la remise des prix du Comité sportif. Ah, ils ont réussi leur coup, ceux de Rainsford, en raflant l’organisation de la soirée à Duncashel et ses deux hôtels. Ça, c’est Emily, la patronne – je devrais plutôt dire la propriétaire. Cette femme est capable de faire du gringue à n’importe qui pour vanter les charmes de son établissement. Bien qu’en ce qui me concerne, depuis le temps, on peut pas dire que j’en ai beaucoup profité.
   Il n’empêche, je suis assis ici et j’ai mes raisons, fiston. J’ai mes raisons.

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