Le royaume désuni – Jonathan Coe

71r4NHhsmFL Gallimard – novembre 2022 – 496 pages

traduit de l’anglais par Marguerite Capelle

Titre original : Bournville, 2022

Quatrième de couverture :
Bienvenue à Bournville, charmante bourgade proche de Birmingham connue pour sa célèbre chocolaterie. C’est à l’occasion de la victoire de mai 1945 que nous y rencontrons la petite Mary Clarke, émerveillée par les festivités organisées autour de sa maison. Elle y croise alors le chemin d’un certain Geoffrey Lamb, fils d’un collègue de son père travaillant aussi dans l’usine de chocolat. Nous retrouvons Mary et Geoffrey en 1953, fiancés et fascinés par le couronnement de la reine Élisabeth II que leurs familles respectives regardent ensemble sur le premier poste de télévision de Bournville. Treize ans plus tard, le couple a trois fils épris de football, qui s’extasient devant le match opposant les Anglais aux Allemands lors de la Coupe du monde de 1966. Nous les verrons à leur tour grandir et tracer leurs routes au fil de l’investiture du prince de Galles, du mariage de Charles et Diana, de la mort de cette dernière, de l’arrivée de Boris Johnson en politique, pour finalement retrouver Mary lors du 75ᵉ anniversaire de la Victoire, en plein confinement.En sept parties scandant les sept temps majeurs de l’histoire de l’Angleterre moderne, Le royaume désuni mêle brillamment les destins d’un pays dysfonctionnel, d’une irrésistible famille anglaise et d’une chocolaterie. Jonathan Coe signe ici un roman de grande ampleur dans la lignée si charming et piquante de Testament à l’anglaise et du Cœur de l’Angleterre.

Auteur : Jonathan Coe est né en 1961 à Birmingham. Après des études à Trinity College (Cambridge) et un doctorat à l’université de Warwick, il devient professeur de littérature. Son roman, « Testament à l’anglaise », le propulse sur la scène internationale. En 1998, il reçoit le prix Médicis étranger pour « La Maison du sommeil ». « Le miroir brisé » est son premier ouvrage pour la jeunesse. C’est confesse-t-il, »l’un de mes livres les plus politiques même si je lui ai donné la forme d’un conte de fées ».

Mon avis : (lu en mars 2023)
Dans ce roman,  Jonathan Coe raconte avec humour et tendresse l’histoire d’une petite famille anglaise durant plus de 75 ans. Le lecteur suit les membres de la famille à l’occasion de sept événements historiques comme la Victoire du 8 mai 1945, le couronnement d’Elisabeth II, la coupe du Monde de football de 66, le couronnement du prince de Galles, le mariage de Charles et Diana, les funérailles de Diana et le 75ème anniversaire de la Victoire de 1945.
Le personnage central de cette histoire, c’est Marie Lamb, lors du prologue, situé à la veille de la pandémie, alors que l’Europe se confine pays après pays, Marie est une octogénaire veuve, mais entourée par ses enfants et petits-enfants.
En 1945, elle avait 11 ans, avec ses parents, ils vivaient à Bournville, petite ville proche de Birmingham, siège de la chocolaterie Cadbury. En 1958, pour le couronnement d’Elisabeth II, Marie et Geoffrey sont de jeunes fiancés, c’est également l’arrivée du premier téléviseur dans le quartier… En 1966, Marie et Goeffrey sont parents de trois garçons, l’aîné est passionné de football. Toute la famille est en vacances dans la campagne galloise lors de l’investiture du prince de Galles…
Il est question de l’ascension de Boris Johnson qui apparaît d’abord comme journaliste écrivant des articles plutôt mordants sur l’Union européenne. Il y a également quelques passages savoureux autour de la Guerre du chocolat qui pendant une trentaine d’années a opposé la Commission européenne aux lobbyistes britanniques. Jusqu’en 2003, l’importation du chocolat en provenance du Royaume-Uni était interdit à cause de son adjonction de matières grasses végétales, le nom « chocolat » était même contesté.
Un roman plein de charme où Jonathan Coe parvient à raconter l’histoire de son pays avec de l’autodérision, de l’humour, un soupçon de férocité. J’ai dévoré ce livre avec beaucoup de plaisir.

Extrait : (début du livre)
Il y avait si peu de monde dans le hall des arrivées de l’aéroport de Vienne que Lorna n’eut aucun mal à la repérer, bien que ce soit la première fois qu’elles se rencontraient. Elle avait des cheveux bruns et courts, une silhouette juvénile et des yeux marron qui s’éclairèrent quand Lorna passa la tête derrière le gigantesque étui de son instrument et dit :
« Susanne, c’est bien ça ?
— Bonjour, répondit cette dernière en étirant le mot avec un accent chantant, et puis, après un instant d’hésitation, elle serra Lorna dans ses bras en guise de bienvenue. On a encore le droit de faire ça, hein ?
— Bien sûr qu’on a le droit.
— Je suis tellement contente que tu sois enfin là.
— Moi aussi », lui retourna Lorna, par automatisme. Mais c’était la vérité.
« Le vol s’est bien passé ?
— Très bien. Pas grand monde.
— J’ai pris ma voiture. » Elle regarda avec une appréhension soudaine l’étui d’un noir luisant qui contenait la contrebasse de Lorna, et ajouta : « J’espère qu’elle sera assez grande. »
Dehors, il faisait presque assez froid pour qu’il neige, et les couronnes orangées des réverbères émaillaient sporadiquement l’air nocturne. Tandis qu’elles marchaient jusqu’au parking, Susanne posa d’autres questions à Lorna sur son vol (ils ont pris votre température, à l’aéroport ?), lui demanda si elle avait faim (non) et lui expliqua quelques détails concernant l’organisation des prochains jours. Lorna et Mark seraient logés au même hôtel, mais lui arrivait d’Édimbourg, et ne serait pas à Vienne avant le lendemain matin. Leur concert devait démarrer vers vingt et une heures, et le jour suivant ils prendraient le train pour Munich.
« Je ne peux pas vous accompagner pour les concerts en Allemagne, regretta-t-elle. Même si j’aimerais beaucoup. Simplement la maison de disques n’a pas le budget pour me payer le voyage. On fait tout avec très peu de moyens. C’est pour ça que tu as droit à ça, plutôt qu’à une limousine. »

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Angleterre

Déjà lu du même auteur :

la_pluie_avant_qu_elle_tombe La pluie, avant qu’elle tombe 81I0Gc0to8L Le cœur de l’Angleterre

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Cinq petits indiens – Michelle Good

Lu en partenariat avec Masse Critique et Seuil Voix Autochtones

91EOjUCDJRL Seuil Voix Autochtones – mars 2023 – 345 pages

traduit de l’anglais (Canada) par Isabelle Maillet

Titre original : Five Little Indians, 2020

Quatrième de couverture :
Canada, fin des années 1960. Des milliers de jeunes autochtones, libérés des pensionnats, essaient de survivre dans le quartier d’East Vancouver, entre prostitution, drogue et petits boulots.
Il y a Maisie, qui semble si forte ; la discrète Lucy, épanouie dans la maternité ; Clara, la rebelle, engagée dans l’American Indian Movement ; Kenny, qui ne sait plus comment s’arrêter de fuir, et, enfin, Howie, condamné pour avoir rossé son ancien tortionnaire.
D’une plume saisissante, Michelle Good raconte les destins entremêlés de ces survivants. Un roman choral bouleversant.

Auteure : Michelle Good est une autrice Crie appartenant à la nation Red Pheasant. Elle a travaillé comme avocate auprès des survivants des pensionnats autochtones pendant plus de 20 ans et elle a également publié de la poésie, des essais et des nouvelles dans de nombreux magazines et anthologies. Cinq Petits Indiens a reçu, entre autres, le prix du Gouverneur général 2020 et le prix du public Canada Reads de Radio-Canada.

Mon avis : (lu en mars 2023)
Dans ce roman bouleversant, l’autrice nous raconte le destin de cinq «  survivants », Maisie, Lucy, Kenny, Clara et Howie. Cinq jeunes autochtones canadiens qui sont passés par les pensionnats de la honte. Ce sont des enfants qui ont été arrachés à leurs familles et envoyés dans ses écoles pour y être « assimilés » et « civilisés ». Séparés de leur famille dès l’âge de six ans et jusqu’à leurs 16 ans, ils ont été maltraités et abusés.
Le roman évoque un peu ce qui s’est passé dans les pensionnats mais il est surtout question de l’après pensionnat… En effet, dès leurs 16 ans, ils sont renvoyés du pensionnat et se retrouvent livrés à eux-même, sans toit, sans ressource… Lorsqu’ils retournent dans leur famille, ils se sentent souvent en décalage : difficile de comprendre pourquoi ils ont été abandonnés par leurs proches. Lorsqu’ils se retrouvent en ville, à Vancouver dans le roman, ils n’en connaissent pas les dangers…
Lorsque Lucy arrive à Vancouver, elle va pouvoir compter sur son amie Maisie sortie une année plus tôt. Maisie semble si forte et pourtant elle a été détruite par tout ce qu’elle a subit au pensionnat. Après de nombreuses tentatives d’évasion, Kenny va réussir à fuir le pensionnat. Durant son séjour, il avait su aider et soutenir les plus petits comme Lucy et Howie. Lucy va s’épanouir en créant une famille et en élevant sa fille.
Howie fera un long séjour en prison après avoir battu son ancien agresseur qui n’a jamais eu à répondre de ses actes…
Clara est une rebelle, elle va s’investir dans le Centre Communautaire Indien.
Avec sa rencontre avec Mariah, une vieille chamane, Clara pourra renouer avec ses racines et transformer sa colère pour aider les autres survivants.
Un très beau roman fort , bouleversant qui illustre tous les dégâts que cette politique inhumaine a engendré.

Merci Babelio et les éditions Seuil Voix Autochtones pour cette belle découverte.

Extrait : (Prologue)
Immobile derrière la maison de Mariah, Clara sentait la chaleur de cette fin d’été monter du sol. Elle regarda au pied de la colline les assistants de son amie qui préparaient la hutte de sudation. Alors qu’elle se détournait, un reflet argenté à l’est attira son attention. Elle jeta un coup d’œil dans cette direction, vers les nombreux sentiers que Mariah et elle avaient foulés tant d’années auparavant. Il lui sembla alors apercevoir son chien, pourtant mort depuis longtemps – silhouette spectrale courant devant elle comme autrefois. Elle se dirigea vers le chemin qu’elle avait emprunté si souvent avec Mariah pour aller poser des collets. Un léger tintement, porté par la brise, s’élevait du bosquet autour de la hutte. Elle marcha un bon moment, sans se soucier de l’heure. Lorsqu’elle retourna enfin sur ses pas, le soleil était à son zénith et les feuilles de bouleau miroitaient autour d’elle.
Il était un peu plus de midi quand elle revint chez Mariah. Kendra qui, à l’entrée de la maison, observait les environs, sourit
en la voyant approcher.
– Je me demandais où tu étais, dit-elle. Ça va ?
– J’ai tellement de souvenirs ici…, répondit Clara.
Elle s’approcha de la jeune femme pour l’enlacer. Kendra, la fille de sa plus vieille amie, était pour elle comme l’enfant qu’elle n’avait pas eu. Elles pénétrèrent ensemble dans la maison où Mariah avait sorti son bol de fumigation.
– Venez là, toutes les deux.
Docilement, elles allèrent s’asseoir à côté de Mariah, qui faisait maintenant brûler son mélange spécial de plantes médicinales en
récitant une prière dans sa douce langue crie. Clara saisit la main de Kendra. Elles prièrent en silence tandis que leur aînée préparait une offrande pour les anciens. Lorsqu’elles rouvrirent les yeux, détendues, une atmosphère de paix et de beauté baignait l’intérieur tout simple de la maison. Le pick-up serait bientôt là. Clara se pencha vers Mariah.
– Kendra est médecin, tu sais. La première Indienne médecin du Canada.
– Aborigène, rectifia Kendra.
Clara leva les yeux au ciel.
– Autochtone, aborigène… Peu importe. Je resterai une Indienne tant que la Loi sur les Indiens n’utilisera pas un mot plus juste.
Mariah posa une main sur la sienne.
– Ah non, pas de politique ici.
– Mariah aussi est médecin, reprit Clara à l’adresse de Kendra. C’est elle qui m’a remise sur pieds.
Visiblement embarrassée, Kendra haussa les épaules. Clara éclata de rire.
– Oh, la science qu’elle possède est bien différente de la tienne ! Elle l’a apprise ici, sans avoir besoin d’aller dans une école spéciale.
Les trois femmes gardèrent ensuite le silence en attendant l’arrivée du pick-up. Celui-ci se gara peu après devant la maison. Le conducteur descendit puis les salua quand elles sortirent l’accueillir.
D’un geste, Mariah lui indiqua la direction à prendre.
– Les assistants sont près de la hutte. Tu auras besoin d’eux.
Le conducteur s’éloigna. Les femmes rentrèrent et Clara entreprit de préparer du thé pour les nouveaux arrivants.

Division Avenue – Goldie Goldbloom

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Titres Bourgeois – janvier 2023 – 384 pages

Christian Bourgeois – janvier 2021 – 360 pages

traduit de l’anglais (Australie) par Eric Chédaille

Titre original : On Division, 2019

Quatrième de couverture :
Il existe à New York une rue au nom évocateur : Division Avenue. Elle se situe dans une partie spécifique de Brooklyn, le quartier juif orthodoxe. C’est là que vit Surie Eckstein, qui peut s’enorgueillir d’avoir vécu une vie bien remplie : mère de dix enfants, elle passe des jours tranquilles avec sa famille. Alors qu’elle pensait être ménopausée, Surie découvre qu’elle est enceinte. C’est un choc. Une grossesse à son âge, et c’est l’ordre du monde qui semble être bouleversé. Surie décide de taire la nouvelle, quitte à mentir à sa famille et à sa communauté. Ce faisant, Surie doit affronter le souvenir de son fils Lipa, lequel avait – lui aussi – gardé le silence sur une part de sa vie. Un secret peut avoir de multiples répercussions ; il permettra peut-être à Surie de se réconcilier avec certains pans de son passé.
Avec Division Avenue, Goldie Goldbloom trace le portrait empathique, tendre et saisissant d’une femme à un moment charnière de son existence. Et nous livre un roman teinté d’humour où l’émancipation se fait discrète mais pas moins puissante.

Auteure : Goldie Goldbloom est née en Australie. Ancienne enseignante au collège et au lycée et bibliothécaire, elle est auteure de nouvelles et de non-fiction. Des recueils de ses textes sont également parus en Australie et aux États-Unis. Elle a reçu le Jerusalem Post International Fiction Prize pour ses écrits. Elle vit aujourd’hui à Chicago avec ses huit enfants.

Mon avis : (lu en janvier 2023)
Division Avenue est le nom d’une célèbre avenue de Brooklyn bordant Williamsburg, le quartier juif hassidique de New York.
Surie fait partie de cette communauté plutôt fermée. A 57 ans, elle est mère de dix enfants, grand-mère de trente-deux petits-enfants, et bientôt arrière-grand-mère. Et voilà que Surie se découvre enceinte de jumeaux. Elle a honte, elle a peur d’être mis à l’écart de la communauté à cause de son état et va garder secrète sa grossesse vis à vis de ses proches… Elle n’ose pas l’annoncer à son mari, Yidel pourtant très aimant et attentif à sa femme. Comme sa grossesse est à risques et nécessite un suivi médical, Surie se rend à l’hôpital tous les vendredis pour voir Val, la sage-femme. Les premières visites, Surie est mal à l’aise, puis elle va peu à peu trouver ses repères et deviendra bientôt l’interprète des femmes qui ne s’expriment qu’en yiddish.
Surie est bouleversée par cette grossesse tardive, ne sait pas quoi faire, elle n’arrive à en parler qu’avec Val. Et grâce à ses activités de bénévole à l’hôpital Surie découvre un autre monde que le sien et de nouvelles perspectives s’offrent à elle…
Avec son secret, elle se sent proche de son fils Lipa, décédé 4 ans plus tôt, après avoir été mis au ban de la communauté et cela avait également terni la réputation de la famille.
J’ai découvert le quotidien de ces juifs orthodoxes, aux règles très stricts, parfois d’un autre temps… Le portrait de Surie est tendre, tout en délicatesse et son évolution au fil des mois est touchante. Elle découvre que son empathie et sa générosité peuvent faire des merveilles au-delà de son cercle familial.
L’auteure est elle-même juive-orthodoxe. Elle emploie beaucoup de termes en hébreu, expliqués dans un glossaire en fin d’ouvrage.
Merci à Masse Critique pour cette belle découverte.

Extrait : (début du livre)
La sage-femme dit à la femme hassidique : « Vous arriverez à terme le 13 juillet. N’est-ce pas une perspective réjouissante ? »
Surie marqua un temps d’hésitation.
« Non, dit-elle. J’avais espéré avoir enfin un peu de temps pour moi.
— Est-ce que vous n’avez pas déjà des petits-enfants ? Vous devez être très prise de toute façon. Qu’est-ce qu’un enfant de plus dans une famille comme la vôtre ? »
Surie se borna à répondre avec douceur qu’un enfant est un monde en soi.

Après la consultation, assise à l’arrêt de bus du bikkour holim (1), Surie contemplait, tout en prenant sur elle pour ne pas pleurer, le flot des gens qui entraient à l’hôpital de Manhattan ou en ressortaient. On était vendredi en fin d’après-midi, le lendemain du désastreux mariage de sa fille. Professionnels en blouse blanche, coquettes secrétaires nanties de leurs dossiers, mères en leggings et haut transparent, queue-de-cheval leur balayant le dos, tout ce monde se hâtait vers son week-end. Il y avait même, debout sur le trottoir d’en face, un jeune homme hassidique qui regardait dans sa direction et ressemblait à s’y méprendre à Lipa, son fils. Où aller pour s’isoler ? L’hôpital se dressait derrière lui, tour de verre et d’acier qui, même à distance, sentait le germicide.

« Vous êtes à l’écoute de All Things Considered (2). » Un taxi s’arrêta tout près, lui masquant le jeune homme et beuglant le programme d’une station de radio. Jamais elle n’écoutait la radio. Les présentateurs s’exprimaient en anglais et bien trop vite pour qu’elle pût suivre ce qu’ils disaient. Cependant, pour une raison qu’elle ignorait, Yidel, son mari, conservait au sous-sol un poste des années 1950 qu’il ouvrait de temps en temps pour en bricoler les lampes.

Yidel raffolait des jeux de mots et des devinettes, de ces plaisanteries éculées sur l’emballage des bonbons dont les enfants se régalaient. Il se plaisait à chanter sous la douche, le soir avant d’aller se coucher, alors que les hassidim s’efforcent de ne pas faire de bruit dans la salle de bains. Il s’agissait d’une transgression, mais vénielle. Il aimait beaucoup allumer un feu dans la cour et y jeter des branches de bois mort. Il aimait prendre la situation en main, trouver des solutions, faire la chose adéquate. Cela pouvait être un tantinet agaçant, mais ce n’était pas, dans l’ensemble, la pire chose au monde. Il aimait se retrouver assis sur le lit avec tous les siens rassemblés autour de lui et leur raconter des histoires dans la demi-obscurité. Il avait aimé ses fils. Tous, sans exception. Bien qu’elle fût une femme fatiguée de cinquante-sept ans, il n’avait pas non plus cessé de l’aimer d’amour. Seulement, continuerait-il lorsqu’il saurait la nouvelle ? Ou bien quelque chose se refermerait-il en lui comme une tapette à souris ?

(1) bikkour holim : visite aux malades
(2) Émission d’information de la radio publique NPR

Petit bac 2023(1) Paysage

 

Challenge Voisins Voisines 2023 – Billet récapitulatif

C’est parti !

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Présentation dans le billet Bientôt Challenge Voisins Voisines 2023 (inscription) !

Quelques précisions supplémentaires :

Voici une liste des pays d’Europe (cf. Wikipedia) moins la France :

Albanie, Allemagne, Andorre, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Kazakhstan, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Moldavie, Monaco, Monténégro, Norvège
Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-UniRussie, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie, Ukraine et Vatican.

Participants inscrits pour 2023 :

Cath-alogue livresque, Hylyirio, lesvapeursdelest, Manika, Michel Quedeverbes, Passage à l’Est!, PatiVore, Sharon, Aproposdelivres

C’est en commentaire de ce billet que vous pouvez déposer
les liens de vos lectures en précisant le PAYS, TITRE et AUTEUR.

Pour s’inscrire, il est préférable de le faire sur le billet
Bientôt Challenge Voisins Voisines 2023 (inscription) !

Merci et bonnes lectures européennes à tous !

***

Billet récapitulatif 2023

(mise à jour du 21/03/2023)

Bulgarie

Adieu Shanghai, d’Angel Wagenstein, Passage à l’Est!

Croatie

Miracle à la combe aux Aspics d’Ante Tomic, lesvapeursdelest

Finlande

Choses qui tombent du ciel de Selja Ahava, lesvapeursdelest

Islande

Arnaldur Indridason – La cité des jarres, Manika
À qui la faute – Ragnar Jónasson, Aproposdelivres

Luxembourg

Lagarde enquête tome 1 : Blues mortel de Josie Hack, Sharon

Moldavie

Et demain les russes seront là de Iulian Ciocan, lesvapeursdelest 

Norvège

Les liens éternels – Anne B. Ragde, Cath-alogue livresque, Aproposdelivres
Clue, tome 1 : Crime à alodden de Jorn Lier Horst, Sharon

Pologne

Olga Tokarczuk – Récits ultimes, Passage à l’Est!

République Tchèque

Hana d’Alena Mornstajnova, lesvapeursdelest

Royaume-Uni

      Angleterre

         Il court, il court, le furet – M.J. Arlidge, Manika

       Écosse

       Voyage de noces de Val Mc Dermid, Sharon

Russie

Les enfants de la Volga de Gouzel Iakhina, lesvapeursdelest
Le musulman de Vladimir Zalotoukha, lesvapeursdelest

Serbie

La maison des souvenirs et de l’oubli, de Filip David, Passage à l’Est!

Slovaquie

Il était une fois à Losonc de Peter Balko, lesvapeursdelest

Suède

Une écharpe dans la neige – Viveca Sten, Aproposdelivres
Doggerland – tome 1 : Faux-pas de Maria Adolfsson, Sharon
Les Crimes de nos pères – Åsa Larsson, Aproposdelivres

 

Eliza est féministe – Michelle Quach

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71qz24BroIL Gallimard – juin 2022 – 368 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Troin

Titre original : Not Here to Be Liked, 2021

Quatrième de couverture :
Eliza n’a pas été élue rédac chef du journal du lycée. Pourtant, elle était la plus expérimentée et la plus qualifiée. C’est Len DiMartile qui a décroché le job -un sportif blessé qui vient tout juste de rejoindre le journal pour passer le temps et se trouve, accessoirement bien sûr, être un garçon.Alors Eliza écrit un pamphlet pour dénoncer le sexisme dont elle s’estime victime… et les choses s’emballent d’une façon inattendue !

Auteure : Michelle Quach est une graphiste et écrivaine vivant à Los Angeles. Elle est sino-vietnamienne-étasunienne et diplômée de l’Université Harvard, où elle a étudié l’histoire et la littérature.

Mon avis : (lu en décembre 2022)
Eliza est une adolescente intelligente et très sérieuse qui espère depuis des années accéder au poste de rédactrice en chef du journal du lycée. Elle est la plus expérimentée et la plus qualifiée pour le job, mais c’est après un vote que sera désigné le lauréat.
Eliza pensait être la seule candidate, mais voilà qu’au dernier moment Len DiMartile, sportif blessé qui a seulement rejoint le journal depuis moins d’un an, a décidé d’être également candidat. Eliza est très compétente mais l’attitude de Len est plus cool et c’est finalement lui qui est élu pour être le futur rédacteur en chef.
Se sentant victime d’une injustice, Eliza écrit à chaud un article féministe et cinglant pour dénoncer le sexisme de cette nomination. Un pamphlet qui n’est pas destiné à être publié, mais qui permet à Eliza de vider son sac…
Mais le lendemain, l’article est en ligne et malgré elle Eliza se retrouve à la tête d’un mouvement qui dénonce « le patriarcat bien présent » dans le lycée.
Ce premier roman de l’Américaine Michelle Quach, est bien plus profond qu’on pourrait le penser. Il invite le lecteur à se poser des questions autour du féminisme, mais aussi autour de la diversité ethnique et culturelle des États-Unis. Eliza, tout comme son auteure, est sino-vietnamo-américaine.
Cette lecture m’a également permis de découvrir le bubble tea… boisson dont je n’avais jamais entendu parler !

Merci Masse Critique Babelio et Gallimard pour cette belle découverte

Extrait : (début du livre)
Je partage une chambre avec ma grande sœur, Kim, ce qui ne serait pas un problème si elle n’avait pas la fâcheuse habitude de grimacer chaque fois que je passe la porte.
– Tu comptes sortir comme ça ? me demande-t-elle en pointant sa brosse à mascara vers moi avec une incrédulité aussi épaisse que son fond de teint.
– Ça ira très bien, dis-je en relevant mes manches, qui retombent aussitôt. Ne t’en fais pas pour moi.
Pour être honnête, j’avoue que mon gilet en polyester trop grand, du même gris que le bitume, n’avantagerait personne. Mais je m’en fiche. Je m’habille comme ça presque tous les jours. J’ai lu quelque part que des tas de gens haut placés ont une espèce d’uniforme qui leur permet d’économiser leur énergie mentale pour les choses importantes, et j’ai décidé de faire pareil. Kim trouve que c’est une horrible façon de vivre.
– Je croyais qu’aujourd’hui était un grand jour pour toi.
Je me laisse tomber sur mon lit avec un livre, un roman d’Eileen Chang que j’ai emprunté au hasard à la bibliothèque. J’aime bien, parce que l’héroïne est une fille chinoise maligne et pas commode du tout. Le monde a besoin de plus de gens comme elle. Bien sûr, ce n’est que mon avis.
– Alors ? insiste Kim après que j’ai tourné une page.
Je mords dans mon sachima cantonais à la fois sucré et collant, un peu comme des Rice Krispies mais sans les Chamallows. Puis, parce que l’impatience de Kim fait pratiquement de la buée à la surface de mon silence, je bois une longue gorgée de thé et tourne une autre page.
– Si, c’est un grand jour.
Aujourd’hui, l’équipe du Clairon de Willoughby, le journal de mon lycée, doit choisir son prochain rédacteur en chef. C’est un rituel sacré qui a toujours lieu au printemps et, cette année, comme je suis en première, je peux enfin être candidate.
– Donc, tu devrais te rendre présentable, affirme Kim en redessinant ses sourcils en forme de deux épaisses barres horizontales, dans le style des héroïnes de séries dramatiques coréennes. Tu ne veux pas que les gens votent pour toi ?Je n’ai jamais été du genre à enjoliver les apparences – la mienne y compris. En journalisme comme dans la vie, la seule chose qui compte, ce sont les faits purs et durs.

 

Le Café du temps retrouvé – Toshikazu Kawaguchi

71rpApjScHL Albin Michel – novembre 2022 – 244 pages

traduit du japonais par Mathilde Tamae-Boubon

Titre original : KONO USO GA BARENAI UCHI NI, 2022

Quatrième de couverture :
La légende raconte qu’un petit café tokyoïte propose une expérience unique à ses clients : voyager dans le passé… le temps d’une tasse de café.
Gôtarô voudrait revoir un ami décédé il y a plus de vingt ans; Yukio, dire à sa mère combien il s’en veut de n’avoir été plus près d’elle ; Katsuki, retrouver la jeune fille qu’il regrette de n’avoir épousé; Kiyoshi, un vieil enquêteur, offrir sa à femme le plus précieux des cadeaux…
Se réconcilieront-ils avec leur passé ?

Auteur : Toshikazu Kawaguchi est né à Osaka en 1971. Il est dramaturge et a produit et dirigé le groupe théâtral Sonic Snail. Tant que le café est encore chaud est l’adaptation d’une pièce de sa société 1110 Productions, qui a remporté le grand prix du 10e Festival dramatique de Suginami. Il s’est vendu à 1 million d’exemplaires au Japon et est devenu un bestseller international.

Mon avis : (lu en novembre 2022)
Ce livre est la suite du livre du même auteur « Tant que le café est encore chaud », que je n’ai pas lu.
Si nous pouvions revoir un proche, que lui dirions-nous ? Voilà une expérience unique que propose le café Funiculi Funicula de Tokyo à ses clients : voyager dans le passé ou le futur… le temps d’une tasse de café. Mais sous certaines conditions : cette personne soit déjà venue dans l’établissement, vous devez revenir dans le présent, avant que le café ne refroidisse, il est impossible de changer le présent. Pour ce tome 2,  le principe est le même, avec quatre nouvelles personnes :
Gôtarô voudrait revoir son meilleur ami décédé il y a plus de vingt ans. Il pense l’avoir trahi en mentant à la fille de ce dernier. Il veut rétablir la vérité et demander pardon à son ami.
Yukio, n’a pas pu se rendre aux funérailles de sa mère Kinuyo et souhaite la voir une dernière fois pour lui dire combien il s’en veut de n’avoir été plus présent auprès d’elle.
Katsuki veut retrouver la jeune fille qu’il regrette de n’avoir pas épousé et souhaite savoir si elle sera heureuse.
Kiyoshi, un vieil enquêteur, veut offrir à sa femme un cadeau et lui dire une chose qu’il n’a jamais pu réaliser avant.
Je ne suis pas très bon public pour ce genre de science-fiction mais les différentes histoires sont assez bien ficelées.
La lecture de ce roman n’a pas été aussi captivante je l’espérais, mais plutôt agréable. L’écriture manque de rythme, il y a des répétitions et les aller-retour entre présent et passé ou futur ne sont pas toujours clairs. J’ai également eu du mal à m’y retrouver entre les nombreux personnages et leurs noms japonais que j’avais du mal à retenir.
Une histoire tendre, pleine d’espoir et de poésie qui interroge nos émotions et nous rappelle que la vie est éphémère, qu’il faut vivre pleinement le moment présent et apprécier ces moments passés avec ceux que l’on aime.

Extrait : (début du livre)
Vingt-deux années durant, Gôtarô Chiba avait menti à sa fille.

« Le plus difficile, dans la vie, est de vivre sans mentir », disait Dostoïevski. Les gens ont toutes sortes de raisons de mentir. Certains le font pour se mettre en valeur, d’autres pour tromper leur monde. Si le mensonge peut parfois blesser, il arrive également qu’il sauve des vies. Dans la plupart des cas, cependant, les menteurs regrettent d’y avoir eu recours.
Gôtarô n’échappait pas à la règle, lui qui venait de passer les trente dernières minutes à faire les cent pas devant la porte d’un café où l’on pouvait remonter le temps en répétant dans sa barbe : « Je n’avais pas eu l’intention de mentir. »

Le café en question se trouvait à quelques minutes à pied de la gare de Jinbôchô, dans une étroite ruelle perdue entre des immeubles de bureaux. Seule une pancarte indiquait sa présence : Funiculi Funicula.
Sans cette enseigne, personne n’aurait pu se douter qu’il y avait un café à cet endroit, car l’établissement se situait au sous-sol.
Gôtarô descendit les marches menant à la porte ouvragée devant laquelle il s’arrêta, marmonnant encore quelques mots avant de secouer la tête et de faire demi-tour, puis de se figer de nouveau au milieu de l’escalier, l’air songeur. Il fit plusieurs fois l’aller-retour ainsi, sans pouvoir se décider.
– Pourquoi ne pas poursuivre votre réflexion à l’intérieur ?
À ces mots, il se retourna en sursaut. Une femme menue se tenait devant lui, vêtue d’une chemise blanche, d’un gilet noir et d’un tablier de sommelier. Une employée du café, comprit aussitôt Gôtarô.
– Eh bien…
Alors qu’il cherchait ses mots, l’inconnue le dépassa pour descendre rapidement l’escalier.

Ding-dong.

Petit bac 2022
(7) Couleur

Un coin d’humanité – Kek

715InQfRYVL First – mars 2021 – 192 pages

Quatrième de couverture :
On s’est tous paumé à un moment de notre vie, mais, pour certains, ce moment dure un peu trop longtemps. Pour ceux-là, 70 000 bénévoles aux Restos du Cœur sont présents toute l’année, pour la chaleur d’un repas, d’un échange ou d’une main tendue, à une époque où le social est un réseau distancié.
Dans cet album, commencé pendant le temps suspendu du confinement du printemps 2020,
Kek partage son expérience de bénévole, croquant au fil de ses chroniques des portraits attachants et bouleversants, remplis d’humour, de tendresse, et de bien plus qu’un coin d’humanité.

Auteur : Né à Dunkerque en 1979, Kek réalise des sites web et des jeux vidéo en tant que développeur informatique free-lance. C’est lors d’un stage de webmaster au magazine Psikopat, puis en réalisant des jeux pour différents journaux (Fluide Glacial, Spirou, Charlie Hebdo…), qu’il entre par la petite porte dans le monde de la BD. Il y apprend quelques astuces pour savoir dessiner, et lance sur son blog sa première histoire dessinée : « Virginie ». L’album sortira peu après grâce à Lewis Trondheim, qui lui donnera le meilleur des conseils : pas besoin de savoir bien dessiner pour raconter de belles histoires.

Mon avis : (lu en août 2022)
A travers cette bande dessinée, Kek raconte son expérience de bénévole au sein de l’Association des Restos du Cœurs. Il est devenu un peu par hasard bénévole aux Restos du Cœur. Un de ses collègues de travail, déjà engagé comme bénévole, lui demande de venir les aider, le soir même, pour une distribution de repas dans le quartier des Invalides. Disponible, Kek accepte et se retrouve à installer les stands puis à distribuer yaourts et bananes aux bénéficiaires… La soirée est intense, il fait connaissance avec les autres bénévoles et c’est une évidence pour Kek de revenir la semaine suivante pour intégrer l’équipe des bénévoles et participer régulièrement aux distributions de repas. Il nous raconte la distribution des repas avec les différents postes : café, soupe… les rencontres et les échanges avec les bénéficiaires, souvent des habitués. Il nous présente la variété et l’immense travail fait par l’Association : les maraudes, les collectes, la cuisine où sont recrutés, en contrat d’insertion, des personnes en situation d’urgence ainsi que toutes les aides proposés aux bénéficiaires pour lutter contre la précarité. 
De nombreux sourires, beaucoup d’humanité, de générosité, d’empathie et d’humour se dégagent de ce témoignage très fort.
Et
pour finir, la totalité des droits d’auteur et de la marge de l’éditeur qui proviennent de la vente de cet album est reversée à l’association des Restos du Cœur.

Extrait : (les aquarelles sont de Marielle Durand et la dernière planche de l’extrait d’Arthur de Pins) 71cNfNWxtbL71CYiNqxBxL71CzYTQhF9L71Zwg0SU9QL

Les recettes des dames de Fenley – Jennifer Ryan

81BJMCCqlLL Albin Michel – mars 2022 – 512 pages

traduit de l’anglais par Françoise du Sorbier

Titre original : The Kitchen Front, 2021

Quatrième de couverture :
La résistance féminine s’organise… derrière les fourneaux !
Prenez des femmes déterminées, des prisonniers de guerre et des hommes malveillants, ajoutez quelques recettes excentriques, saupoudrez d’une bonne dose d’humour typiquement british… Après le succès de La Chorale des dames de Chilbury, Jennyfer Ryan nous ouvre l’arrière-cuisine de la Seconde Guerre mondiale : un régal !
Épuisée par le conflit, ravagée par le Blitz, confrontée à une terrible pénurie alimentaire, l’Angleterre de Churchill invite les ménagères à participer à un concours de cuisine via les ondes de la BBC. La gagnante deviendra la première femme à coanimer une émission radiophonique. Lancées à corps perdu dans la compétition, quatre participantes vont révéler des trésors d’habileté et de ruse. Car l’enjeu est de taille, et ce concours, qui avait pour but de resserrer la communauté, risque de la diviser…

Auteur : Née dans un petit village du Kent, Jennifer Ryan a été éditrice à Londres avant de partir à Washington avec sa famille. Plusieurs de ses nouvelles ont été publiées dans des revues littéraires. Après La Chorale des dames de Chilbury, succès international, Les Recettes des dames de Fenley est son deuxième roman

Mon avis : (lu en juin 2022)
En 1942, en Angleterre ce sont les tickets de rationnement et les pénuries alimentaires… Pour soutenir et donner des idées et astuces aux cuisinières, il y a à la BBC l’émission « The Kitchen Front » animé par Ambrose. Celui-ci décide de lancer un concours auprès des meilleures cuisinières de la région pour sélectionner la première femme à coanimer son émission. Il y aura quatre candidates aux profils différents mais très compétentes. Audrey est une veuve de guerre qui vend des tourtes pour payer ses dettes et élever ses enfants. Lady Gwendoline est la sœur cadette d’Audrey, elle organise des ateliers de cuisine pour le compte du ministère du Ravitaillement, elle vit dans l’une des meilleures maisons de la région. Nell est seconde de cuisine sous les ordres de Mrs Quince, elle a du talent malgré sa timidité maladive. Enfin, Zelda, est une chef londonienne non reconnue là-bas car femme, elle est arrivée à Fenley dans une situation délicate… La compétition s’organise en trois manches : la première autour des entrées, la seconde autour des plats de résistance et la dernière autour des desserts. La candidate qui aura obtenu le meilleur score à l’issue de ces trois épreuves sera la gagnante !
Ce roman trace les portraits de quatre femmes dans l’Angleterre des années 40, de milieux très différents mais qui partagent comme passion et raison de vivre la cuisine. Au delà du concours de cuisine et des nombreuses recettes de cuisine présentes dans le livre, le lecteur découvre au fil des pages des femmes courageuses, tenaces et qui rivalisent de créativité et d’ingéniosité.
Un bel hommage à nos grands-mères qui ont mené également cette guerre du ravitaillement.

Extrait : (début du livre)
ENTRÉE
Rations alimentaires hebdomadaires pour un adulte pendant la guerre :
100 g de bacon ou de jambon (environ 4 tranches minces)

2 livres de viande hachée ou 1 livre de viande avec ou sans os
50 g de fromage (un cube de 5 cm)
100 g de margarine (8 cuillerées à soupe)
50 g de beurre (4 cuillerées à soupe)
1,5 litre de lait
200 g de sucre
50 g de confiture (4 cuillerées à soupe)
50 g de thé en vrac (de quoi faire environ 15 à 20 tasses)
1 œuf frais (plus un paquet mensuel d’œufs en poudre, l’équivalent de 12 œufs)
150 g de bonbons ou de sucre d’orge
Saucisses, poisson, légumes, farine et pain ne sont pas rationnés, mais parfois difficiles à trouver. On peut se procurer les conserves, les sardines et la mélasse avec les 24 points mensuels en libre utilisation sur les nouvelles cartes dans le cadre du plan de rationnement par points.

Source : Compilation de documents imprimés du ministère du Ravitaillement.

Mrs Audrey Landon
Willow Lodge, village de Fenley, Angleterre
Juin 1942
Une tornade s’engouffra dans la cuisine, qu’une superbe matinée de printemps éclairait de toute sa splendeur dorée. Des garçons se poursuivaient en se tirant dessus, dans un tohu-bohu censé reproduire la bataille de Dunkerque.
« Allez, ouste, sortez d’ici ! » Audrey les chassa d’un coup de torchon.
L’odeur de fruits rouges en train de compoter – framboises, fraises, groseilles – emplissait la grande cuisine vétuste où une mince femme d’une quarantaine d’années ajoutait une pincée de cannelle et une autre de muscade. Vêtue d’un pull d’homme rentré dans un pantalon d’homme, elle semblait harassée et peu soucieuse de son apparence. Ses vieilles bottes étaient maculées de boue en provenance du potager.
L’horloge de bois accrochée au mur sonna la demie et Audrey s’essuya le front du dos de la main. « Oh là là, non ! Déjà huit heures et demie ! »

 Déjà lu du même auteure :

91Netsp2frL La Chorale des dames de Chilbury

Petit bac 2022
(5) Lieu

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Angleterre

Le Storyboard de Wim Wenders – Stéphane Lemardelé

Masse Critique Babelio

71Jp4xarR6L La Boîte à Bulles – mai 2022 – 160 pages

Quatrième de couverture :
Dans Le Storyboard de Wim Wenders, Stéphane Lemardelé revient ainsi sur l’expérience vécue pour ce film, depuis le script, les repérages et prises de vue nécessaires à la confection du storyboard jusqu’au tournage des scènes sur lesquelles il a travaillé. C’est aussi l’occasion pour lui d’expliquer le rôle d’un storyboarder dans la réalisation d’un film. Occasion également de mettre en avant le lien entre le septième et le neuvième art qui se trouvent, ici, intimement liés.
Ensuite et surtout, Stéphane Lemardelé met en images ses échanges avec Wim Wenders : le réalisateur allemand revient à la fois sur son parcours – depuis ses débuts et périodes de vache maigres à Paris, où il a développé sa passion pour le cinéma, jusqu’à ses réalisations les plus récentes – mais aussi sur la démarche créatrice qui l’a guidé pour chacun de ses films.
Le Storyboard de Wim Wenders nous permet non seulement de comprendre le cheminement d’un réalisateur d’exception mais également de découvrir son approche théorique du cinéma et de l’image.

Auteur : Né en France, Stéphane Lemardelé a étudié à l’école des Beaux-Arts de Cherbourg avant d’émigrer au Québec en 1995. En tant que storyboarder de cinéma, il est notamment intervenu sur des longs métrages tels que Brick Mansion de C. Delamarre et Everything Will Be Fine de Wim Wenders. Il a collaboré à l’organisation de multiples festivals : Les rendez-vous du cinéma québécois, Festival du nouveau cinéma de Montréal ou encore Off- Courts de Trouville en France. Il développe dans sa région de multiples projets artistiques collectifs impliquant les citoyens et contribuant à créer une cohésion sociale. Après le reportage dessiné, Le Nouveau monde paysan au Québec puis le storyboard du Château de mon père de Maïté Labat et Jean-Baptiste Véber, Stéphane Lemardelé voit enfin publiée sa première réalisation, Le Storyboard de Wim Wenders.

Mon avis : (lu en juillet 2022)
A travers son expérience de storyboarder de cinéma, Stéphane Lemardelé nous raconte son métier et son travail lors de sa collaboration avec le cinéaste Wim Wenders sur le film « Everything Will Be Fine » en 2014.
Cette bande dessinée documentaire permet au lecteur de découvrir le métier de storyboarder et son rôle dans la réalisation d’un film. A partir du script du scénario, il y a les repérages et les prises de vue pour ensuite confectionner le storyboard scène par scène nécessaire pour le futur tournage…
C’est vraiment très intéressant de découvrir cette étape du travail pour la réalisation d’un film. De réfléchir à l’avance chaque image du film, plans larges, zooms sur un détail, les différents mouvements de la caméra… Stéphane Lemardelé nous explique avec précision le processus de son travail, il utilise les croquis de Wim Wenders superposés aux photos des repérages pour d’abord dessiner les principaux éléments de décor avant d’y installer les personnages et d’obtenir le dessin final en deux niveaux de gris.
L’autre intérêt de ce roman graphique, c’est la rencontre avec Wim Wenders qui a travers ses longs échanges avec Stéphane Lemardelé revient sur son parcours de cinéaste depuis ses débuts, ses influences et ses inspirations et sur la démarche créatrice qui l’a guidé pour chacun de ses films. Même pour quelqu’un comme moi qui ne s’y connait pas spécialement en cinéma, c’est passionnant et cela m’a donné envie de découvrir les films de Wim Wenders.

Extrait :

Petit bac 2022
(5) Art

La Poule et son cumin – Zineb Mekouar

91iRmMkNiHL JC Lattès – mars 2022 – 280 pages

Quatrième de couverture :
«  Les deux enfants finissaient toujours par s’endormir main dans la main, l’une s’approchant trop près du rebord du matelas, l’autre le nez écrasé sur le pied du lit.
Elles restaient ainsi une bonne partie de la nuit – les doigts entremêlés. »

Deux jeunes femmes, deux destins, deux Maroc. Si une forte amitié lie dans l’enfance Kenza et Fatiha, la fille de sa nourrice, la réalité de la société marocaine les rattrape, peu à peu, dans sa sourde cruauté. Elles se retrouvent à Casablanca, fin 2011. Que s’est-il passé entre-temps ?
Quelles trahisons les séparent ? Dans un pays qui punit l’avortement et interdit l’amour hors mariage, comment ces deux fillettes, issues de milieux opposés, ont grandi et sont devenues femmes ?

Auteure : Zineb Mekouar est née en 1991 à Casablanca et vit à Paris depuis 2009. La poule et son cumin est son premier roman.

Mon avis : (lu en mai 2022)
La Poule et le cumin est le premier roman de Zineb Mekouar, Franco-Marocaine de 31 ans.
2011, dans leur ville natale, Casablanca, deux jeunes femmes se retrouvent. Elles ont grandi dans la même maison. Kenza est l’héritière d’une famille aisée, Fatiha est la fille de la domestique qui travaille chez cette famille. Le lecteur découvre tour à tour les récits de vie de ces deux personnages dont les trajectoires s’éloignent inexorablement. Kenza ira en France faire ses études à Paris, à Sciences Po, elle sera vu comme une maghrébine, elle rêve de liberté et d’émancipation mais victime de la circulaire « Guéant », supprimant la possibilité pour les étudiants étrangers de travailler en France, elle doit retourner au Maroc. Fatiha restera au pays pour faire des études d’infirmière mais en tentant d’échapper à sa condition fera souvent de mauvais choix…
C’est une fresque sociologique, un roman engagé, qui nous plonge dans le Maroc contemporain et ses contrastes, entre tradition et modernité, entre fascination et rejet de l’Occident, entre misère et richesse.

Extrait : (début du livre)
Jeudi 22 décembre 2011

Fatiha ne sait pas quoi répondre aux arguments de Soufiane. Elle se sent presque soulagée quand il se lève d’un coup, qu’il pose cent dirhams sur la table et qu’il part sans rien dire. Ses yeux la picotent, elle meurt d’envie de les frotter mais c’est une mauvaise idée, son mascara va couler et lui tracer deux cercles noirs autour des yeux. Pas question qu’elle ressemble à un chat trempé. Il faut garder le peu de dignité qui lui reste. Le couple assis à la table d’à côté a écouté leur conversation avec curiosité et n’attend qu’une chose pour parfaire le spectacle : qu’elle s’effondre. Elle ne leur fera pas ce cadeau.

Elle insulte dans sa tête Youssra, en lui souhaitant les pires maux du monde, pour elle, pour sa descendance et même la descendance de sa descendance. Cette voleuse et menteuse lui a vendu le mascara en assurant que c’était du Chanel. « Je te promets qu’il est d’origine, le vendeur du souk de Derb Ghalef me l’a juré sur ses deux enfants. Allez, prends-le, je te le fais à moitié prix. » Du Chanel, mon cul. Ce satané vendeur a mélangé du khôl chinois avec du mauvais alcool et a gribouillé Chanel sur le pot pour le vendre dix fois plus cher. Youssra doit être de mèche avec lui. Elle a essayé de la rouler, elle ! Son amie ! Sa colocataire ! Elle va lui faire payer. Fatiha prend une forte inspiration, se tourne vers ses voisins de droite, leur adresse un grand sourire et s’en va avec une démarche qu’elle imagine pleine de dignité.

Déjà quatorze heures trente. Fatiha est en retard pour sa ronde à l’hôpital. Tant pis. La seule chose importante est de comprendre ce que vient de lui dire Soufiane. Il lui a expliqué ses raisons sans oser la regarder, sans même toucher à son tajine de poulet aux olives, son plat préféré. Pas d’excuses non plus pour son silence depuis quinze jours. Depuis qu’il a su pour le bébé. Pourtant c’est lui qui a voulu lui faire l’amour « comme il faut » et pas seulement « par derrière », comme ils font d’habitude. C’est lui qui l’a pressée contre le mur derrière l’hôpital et qui lui a dit « j’ai envie de toi » comme dans les films achetés en contrebande au souk de Derb Ghalef. Elle a répondu qu’elle aussi avait envie, mais que ça attendrait le mariage. Il n’a rien voulu savoir : « Puisque je te dis que tu vas rencontrer mes parents la semaine prochaine, tu vas avoir la bénédiction de ma mère ! » L’argument de la maman a été imparable, n’est-ce pas le Coran (ou l’un des hadiths1, elle ne sait plus très bien) qui dit que « le paradis est sous les pieds de la mère » ?

Petit bac 2022
(5) Animal