Seules les femmes sont éternelles – Frédéric Lenormand

Lu en partenariat avec les éditions de La Martinière

716CymSqm0L La Martinière – novembre 2017 – 288 pages

Quatrième de couverture :
Au début de la guerre de 1914, un policier décide de revêtir une identité féminine pour échapper à la mobilisation. Ray Février devient  » Loulou Chandeleur « , détective privé en bas de soie et chapeau à voilette. Ray-Loulou se rend compte qu’il est aussi bon flic en robe qu’en pantalon, et peut-être meilleur homme qu’auparavant.
Aux côtés de la patronne de l’agence de détectives, la charmante Miss Barnett – qui ne connaît pas son secret –, Loulou enquête sur une intrigante affaire de lettres de menaces. Quand le maître chanteur commence à mettre son plan à exécution et que les meurtres se multiplient, notre étonnant duo plonge dans une succession de surprises et de pièges périlleux.
Entre 1914 et 1918, ce sont les Françaises qui ont fait vivre le pays. Ce roman raconte leur émancipation et la difficulté d’être une femme en temps de guerre… surtout quand on n’en est pas une.

Auteur : Frédéric Lenormand, romancier à succès de la série Voltaire mène l’enquête (Lattès) et des Nouvelles enquêtes du juge Ti (Fayard), s’est inspiré pour Seules les femmes sont éternelles de l’histoire vraie de Paul Grappe, soldat déserteur qui s’est travesti en femme pour ne pas être envoyé dans les tranchées, et dont la vie a également été adaptée à l’écran par André Téchiné (Nos Années folles).

Mon avis : (lu en novembre 2017)
Pour échapper à la mobilisation en 1914, Ray Février, policier, décide de se travestir en femme. Il devient « Loulou Chandeleur » et trouve un travail de détective privé dans l’agence de détectives dirigée par Miss Cecily Barnett. Cette dernière ayant repris la direction de l’agence de son père parti à la guerre. Loulou Chandeleur va secouer le train train de l’Agence et apporter une enquête rémunératrice autour d’un maître chanteur.
C’est grâce à la bande dessinée Mauvais Genre – Chloé Cruchaudet que j’avais découvert ce fait réel, d’un homme qui s’était travesti pour échapper à la guerre. 
Dans ce roman policier, outre l’enquête à suivre autour du maître chanteur, le lecteur découvre la vie de Paris et des parisiens (surtout des parisiennes) durant la Première Guerre Mondiale. En effet, la plupart des hommes sont partis sur le front, les femmes s’émancipent et font vivre le pays.
Le personnage de Loulou est attachant, dans son costume de femme, Ray évolue et devient de plus en plus féministe… Il comprend mieux le sexisme que doit subir les femmes au quotidien. Cecily est également un personnage réussi, au contact de Loulou, elle prend de plus en plus confiance en elle et elle va revendiquer l’égalité de traitement entre femme et homme.

Merci Anaïs et les éditions de La Martinière pour cette lecture passionnante et originale.

Extrait : (début du livre)
La rue avait beaucoup changé depuis la déclaration de guerre d’août 1914. Aujourd’hui, le temps était clair, on pouvait espérer une belle journée sans pluie ni bombes. Les premières files d’attente commençaient à s’étirer devant les épiceries où s’affichaient des livraisons. Un fichu sur la tête, une balayeuse remplissait de gravats sa brouette à deux roues. Ray s’arrêta devant la vitrine d’un chausseur de luxe reconverti dans le matériel d’appoint, lampes à pétrole et masques à gaz. Il surprit son reflet au milieu de ce fourbi : un petit bonhomme à moustaches, pareil à des tas de petits moustachus que l’on coiffait d’un casque pour les envoyer charger, baïonnette en avant, d’autres bonshommes à moustaches. Sa qualité d’inspecteur de police lui avait épargné cela jusqu’à présent. Il priait chaque jour saint Joseph Fouché, patron des cyniques et des policiers, de prolonger ce miracle.
Dans le kiosque, le buraliste habituel avait été remplacé par une femme, peut-être la sienne. Ray lui acheta le dernier numéro de Charivari, et aussi Le Gaulois pour empêcher les collègues de voir qu’il lisait des parutions séditieuses. Le marchand prenait soin d’envelopper le méchant journal dans le gentil, sa remplaçante n’en fit rien, elle ne maîtrisait pas encore les ficelles du métier.
Ray se hissa à la volée sur la plateforme du tramway 24 qui brinquebalait vers l’île de la Cité. Cramponnée à un volant deux fois large comme un plat à tarte, la conductrice était si menue qu’il ne l’aurait jamais crue capable de maîtriser ce mastodonte.
Il tendit trois sous à la receveuse, une grande brune munie de la casquette et de la planche à tickets du fantôme qui effectuait ce travail la veille encore. Il fallait se rendre à l’évidence : chaque jour l’humanité féminine abordait de nouveaux domaines d’activité par un mouvement exactement proportionnel à la disparition
des hommes.
Il s’assit et déploya l’un des journaux. La qualité de l’encre avait encore baissé, certains mots étaient à deviner, surtout ceux qui auraient pu déplaire au gouvernement. Le vilain papier trop fin et mal blanchi se dépiautait, il comptait moins de feuilles, on avait perdu les pages « loisirs » jadis remplies de dessins, de billets d’humeur et de devinettes impertinentes. Le rire était subversif, il avait été jeté par-dessus bord le premier.
À force de vouloir remonter le moral des patriotes, la presse devenait déprimante. La consigne était de prétendre que la guerre allait être courte et victorieuse, alors qu’elle s’étirait et que nous étions en train de la perdre.
Sur la place de la Concorde, la statue monumentale en marbre de l’Alsace était ornée d’étendards flambant neufs et d’un macaron où l’on pouvait lire : « Française toujours ! » On apercevait, du côté de la tour Eiffel, la grande roue d’une fête populaire interrompue.

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