La Boîte à Bulles – octobre 2021 – 144 pages
Quatrième de couverture :
Le 17 novembre 2018, un mouvement non structuré ébranle la France et son gouvernement, l’émanation d’un ras-le-bol collectif qui pousse des centaines de milliers de personnes à protester ensemble contre la vie chère, les inégalités grandissantes, le manque de démocratie… Des groupes de Gilets jaunes campent durablement sur des ronds-points stratégiques, bloquant le pays pour faire entendre leur colère.
Sandrine Kerion était l’une d’entre eux. Afin de mieux rendre la réalité et la complexité de ce mouvement, elle a interrogé plusieurs de ses compagnons de lutte afin de retranscrire leurs témoignages en BD. Sans émettre de jugement sur leur discours, elle les écoute et les laisse s’exprimer, eux qui considèrent s’être tus trop longtemps et ont vu dans ce mouvement de « la France d’en bas » l’occasion de faire bouger les choses. Avec espoir puis, souvent, avec désillusion.
Le projet de l’autrice vise notamment à contrer les représentations – trop souvent caricaturales – des Gilets jaunes dans les média. Ces portraits rendent compte la de diversité des profils de ces personnes mais aussi des combats chers à chacun de ces Gilets jaunes. Une diversité qui faisait sa richesse mais qui a également causé son incapacité à se structurer…
Auteur : Née en 1979, et résidant en Bretagne, Sandrine Kerion est dessinatrice et scénariste de bande dessinée autodidacte. Ces dernières années, elle s’est orientée vers la BD documentaire et de reportage, avec une sensibilité particulière pour les sujets liés à l’actualité sociale. En 2020, elle a élaboré une BD reportage sur l’accès à l’IVG durant le confinement, en collaboration avec la journaliste Isabelle Halliez, parue dans la revue rennaise La Vilaine. En 2021, paraît ses deux premiers ouvrages édités : J’ai Vu les Soucoupes et Mon rond-point dans ta gueule, un portrait de militants gilets jaunes, qu’elle réalise depuis 2018 et publié dans un premier temps via un blog sur le site de Mediapart.
Mon avis : (lu en décembre 2021)
En novembre 2018, Sandrine Kérion se reconnaissait pour la première fois dans un mouvement social, et elle a enfilé son gilet jaune. Sandrine a participé à des rassemblements sur les ronds-points des Côtes d’Armor, elle y a rencontré des gens et discuté avec eux.
« En novembre 2018, il y avait une forme d’enthousiasme. On se disait que quelque chose était possible, que les choses allaient pouvoir changer. Je me suis aperçue que c’était des gens, comme moi, dont on ne parlait jamais, des gens qui n’intéressaient personne. Alors qu’en fait, ils représentent la majorité des habitants. Ceux que pendant la crise du Covid, on a appelé les premières lignes, les aides-soignantes, les salariés de l’agroalimentaire, les routiers, les agents de sécurité. C’est eux qui font tourner le pays. »
Sandrine s’est rendue compte que dans les reportages dans les journaux ou à la télé, les gilets jaunes n’avaient pas vraiment la parole, pas le temps de s’exprimer ou alors que leurs actions étaient mal interprétées… Elle a donc décidé d’aller interviewer longuement et à plusieurs reprises une dizaine de gilets jaunes rencontrés sur les ronds-points costarmoricains, et elle en a fait les portraits.
« C’était important de comprendre leurs parcours, leurs valeurs, leurs revendications. Je voulais faire un état des lieux de la situation. Il fallait pour cela prendre du recul. «
Elles et ils sont : Dany 47 ans ambulancière, Alexandre 34 ans magasinier, Benjamin 38 ans employé de la fonction public, Barbara 69 ans retraitée de la fonction publique, Michel 63 ans retraité, Gilles 59 ans chauffeur routier en invalidité, Bris 81 ans retraité, Mathieu 40 ans plombier électricien autoentrepreneur, écologiste solidaire et Céline 58 ans femme au foyer.
« Sur les ronds-points, les gens ont pris conscience de beaucoup de choses. Ils ont eu l’impression de grandir, d’apprendre beaucoup de choses. C’étaient des espaces d’échanges, de parole. Chacun faisait part de ses difficultés mais réfléchissait aussi à trouver des solutions. »
« Un an après, les gens étaient dans un état d’esprit différent. Il y avait beaucoup de désillusions, d’interrogations sur l’avenir. Ils avaient surtout l’impression que rien n’avait changé. »
A l’automne 2021, des gilets jaunes sont revenus sur les ronds-points car « Rien n’a été résolu. Le prix de l’essence flambe à nouveau, comme celui des matières premières. Pour les gilets jaunes de 2018, la situation est encore pire maintenant. » « Pourtant, ils avaient vu juste. Les moyens pour l’hôpital, les services publics, c’étaient les revendications des ronds-points. On a vu avec le coronavirus combien c’est important. »
Pour le titre, Sandrine a repris un slogan affiché sur le gilet d’un anonyme. Elle a dessiné cette aventure humaine et sociale en blanc, gris et en jaune pour frapper le regard du lecteur.
Un roman graphique intéressant et très instructif à lire et à faire lire.
Extrait :
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