Trop humain – Anne Delaflotte Mehdevi

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81YMk4GZo1L._SL1500_ Buchet Chastel – janvier 2024 – 320 pages

Quatrième de couverture :
Le village de Tharcy somnole depuis des lustres. Suzie n’a plus d’âge et tient l’unique café, autrefois hôtel restaurant – Le Bal. Ces derniers temps, cependant, de jeunes néo-ruraux viennent s’installer en communautés dans les fermes alentour. Et monsieur Peck, un ingénieur à la retraite, a quitté Paris pour acheter le presbytère. Il est accompagné d’un incroyable Assistant de Vie Électronique, Tchap, qui va semer le trouble dans tous les esprits.

Autrice : Anne Delaflotte Mehdevi est née en 1967 à Auxerre. Elle grandit près de Saint-Sauveur-en-Puisaye. Elle suit des études en droit international et diplomatique et pratique le piano et le chant lyrique. De 1993 à 2011, elle vit à Prague où elle apprend et exerce le métier de relieur, parallèlement à son travail d’écrivain. Elle vit aujourd’hui à Manosque. Ses romans ont été traduits en allemand, italien, néerlandais, slovaque…

Mon avis : (lu en janvier 2024)
Au centre du village de Tharcy, il y a une institution, le Café du Bal, le café de Suzie, la vieille femme le tient seule depuis toujours… Malgré son âge avancé, elle sert encore au bar et prépare chaque jour douze repas pour midi. C’est chez elle que se côtoient tout le village, les natifs comme les néoruraux venus s’installer dans les fermes des alentours. Parmi eux, il y a Monsieur Peck, un ingénieur à la retraite, qui a acheté l’ancien presbytère, il est accompagné d’un Assistant de Vie Électronique (AVE) connecté, de son invention, nommé Tchap.
L’arrivée de l’AVE au Café du Bal suscite des interrogations, des moqueries ou de la défiance… Perplexe lors des premières rencontres, Suzie apprécie de plus en plus la présence du robot, il est très poli, il sait se mettre en retrait, il lui propose de faire quelques pas de danse. Lors de longues soirées, Suzie va finir par se confier et lui raconter son histoire familiale et celle du village. Tchap va alors corréler le témoignage de Suzie avec les données informatiques auxquelles il a accès.
J’ai beaucoup aimé ce roman pour la description de ce village où les anciens et les nouveaux arrivants se jaugent… L’arrivée de Tchap invite à la réflexion sur l’Intelligence Artificielle dans notre monde.

Malgré son grand âge, Suzie fait preuve d’ouverture en étant prête à apprendre à connaître Tchap et tous ses mystères électroniques. On oublie souvent que Tchap n’est qu’un robot… Malgré tout, il aura réussi à fissurer la carapace que Suzie, si sensible et attachante, s’était construite autour d’elle pour survivre à un drame survenu dans son enfance…

Merci Babelio et les éditions Buchet Chastel pour cette lecture coup de cœur !

Extrait : (début du livre)
Suzie étend sa lessive dans le jardin qui donne sur la ruelle derrière, distraite par le manège que mènent une pie et un geai perchés sur le sapin bleu. Sur leur branche, là-haut, le geai a beau se grossir, la pie avance. Un peu inquiète, Suzie va s’en mêler, quand elle distingue la voix de monsieur Peck qui vient de tourner au coin, il vient vers elle.
C’est l’heure de sa promenade, l’homme est ponctuel.
Mais avec qui cause-t-il ? Il se promène seul d’habitude. Cela ne peut tout de même pas être avec cet AVE, cet assistant de vie électronique dont la livraison était prévue la veille, la conversation est si fluide, si naturelle… Suzie s’approche de l’endroit où, le mur ayant perdu sa pierre faîtière, elle peut voir. Elle voit. Cette perfection n’est pas humaine. C’est donc que c’est bien lui le fameux Tchap.
Au moment où l’ancêtre pose ses yeux sur lui, Tchap capte le regard de la vieille dame et focalisesur elle ses yeux pers. La surprise de découvrir à quoi ressemble l’humanoïde, doublée de celle d’être découverte par lui, comme une gamine, le doigt dans le pot de confiture, la fait reculer du mur. Suzie, assise sur le banc de pierre, la serviette mouillée qu’elle se proposait d’étendre tout à l’heure oubliée sur les genoux, reste là, en mode pause, incapable de donner du sens ni à la conversation qu’elle vient d’entendre – ils parlent « robot » – ni à ce qu’elle éprouve au juste. Une sensation de froid sur les cuisses l’arrache à sa perplexité. C’est malin ! Je vais avoir l’air fin avec ma robe mouillée ! j’ai encore des clients au comptoir. Puis elle hausse les épaules. Oh, et puis, quoi, le temps que ça sèche, j’aurai juste un peu froid, pour le reste, sur le noir de ma robe, l’auréole ne se verra pas.

Le lendemain, monsieur Peck et Tchap font ensemble leur entrée au Café du Bal, le café de Suzie, que la vieille femme tient toujours, sans aide, ni humaine ni robotique, seule. Encore barbouillée de la veille, elle fait un peu la tête, d’autant que Tchap a l’air de la reconnaître. Qu’est-ce que cela peut bien lui faire que ce robot l’ait repérée, cachée derrière son mur ? Eh bien, cela lui fait quelque chose. De perturbant. Être prise en défaut par une de ces créatures dont l’époque vous bassine la tête, dont on voudrait d’instinct qu’elle compte pour rien, est très vexant.

Déjà lu du même auteur :

fugue Fugue

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