Deux femmes et un jardin – Anne Guglielmetti

 

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Folio – avril 2023 – 160 pages

Interférence – mars 2021 – 80 pages

Quatrième de couverture :
« Je voulais garder l’image que j’avais d’elle : libre, fantasque, ne recevant d’ordre de personne et acceptant d’en payer le prix. »
Après des années à faire des ménages à Paris, Mariette hérite d’une vieille bâtisse en Normandie. Charmée par les lieux, elle y emménage et s’épanouit dans son jardin en friche, à l’écart du monde. Mais l’arrivée de Louise interrompt sa retraite : cette adolescente, en vacances dans la région, cherche un refuge à l’ennui et à la lourdeur familiale. Peu à peu, toutes deux nouent une complicité émerveillée autour du jardin sauvage. Le lien inattendu créé cet été-là bouleversera à jamais l’existence des deux femmes.

Auteure : Anne Guglielmetti, née en , est une écrivaine et une traductrice française. 

Mon avis : (lu en janvier 2024)
J’ai eu un vrai coup de cœur pour ce court roman.
C’est l’histoire simple d’une rencontre entre Mariette, une femme discrète d’un certain âge, et Louise, une adolescente solitaire. Après des années de ménages à Paris, Mariette décide de s’installer dans la petite maison dont elle vient déshériter dans l’Orne, en Normandie. Louise a 14 ans, elle vient avec son père et sa belle-mère dans ce coin perdu durant les vacances scolaires. Elle s’y ennuie car il n’y a pas d’internet !
C’est en novembre que Mariette découvre sa maison. Après un périple en train, puis en bus et enfin 3 à 4 kilomètres à pieds, Mariette rencontre pour la première fois Louise qui est à vélo et qui lui indiquera son chemin.
Durant les premiers mois, Mariette fait un grand ménage dans son nouveau domicile, explore le grenier. Elle aime regarder le jardin en friche depuis la fenêtre.
Louise viendra traîner autour de chez Mariette aux vacances suivantes et lui prêtera un vélo.
Au printemps, Mariette décide de s’attaquer au jardin et spontanément, avec gants et sécateurs, Louise vient l’aider… Peu à peu une relation d’amitié se noue entre les deux femmes. Elles n’échangent pas beaucoup de mots mais après la journée de travail, elles contemplent ensemble ce jardin qui se transforme au fil des saisons… Beaucoup de poésie et de délicatesse dans ce court roman.

Extrait :
Elle arriva par le train de Paris qui faisait halte en gare de l’Aigle à 12h30 précises. C’était un jeudi de novembre et il pleuvait. Le ciel était uniformément gris et immobile, la pluie fine et continue, l’humidité plus pénétrante que le froid n’était vif.
Les deux ou trois autres voyageurs descendus en même temps qu’elle disparurent aussitôt, ils savaient où ils allaient. Elle aussi savait où elle devait aller, en tout cas le nom de sa destination lui était à présent familier. Elle l’avait tant de fois lu et relu sur ce qu’elle appelait « les papiers ». Et puis le nom de ce hameau n’était pas si difficile à mémoriser.
Elle n’y était revenue que pour se convaincre de sa réalité, et de la réalité d’un acte notarié qui faisait d’elle la propriétaire « d’une bicoque – le mot était du clerc, prononcé avec un sourire condescendant -, sise dans un hameau perdu de la campagne normande… A vous de voir ce que le hasard à concocté ! », avait ajouté cet homme pour qui, apparemment, tout ce qui n’était pas la capitale méritait le qualificatif de « perdu » et auquel sa cliente ne pouvait inspirer que ce ton condescendant.
Elle n’y avait prêté aucune attention. La condescendance, elle connaissait : nuance éphémère dans une indifférence épaisse ou pâle variante d’un apitoiement agacée, elle n’avait jamais entendu que ce ton de voix durant toute son existence, quand une voix daignait s’adresser à elle. Habituée, oui, et par habitude peut-être cuirassée, la moindre inflexion d’intérêt véritable ou de gentillesse l’aurait, au contraire, sans doute prodigieusement embarrassée. Le hasard, en revanche, incarné par quelques feuilles timbrées tenues à deux mains ou, mieux encore, par une grande clé à l’ancienne qui avait pesé dans sa paume et pendait maintenant à son cou au bout d’un ruban, toute chaude de sa propre chaleur emmagasinée sous un pull-over, ce hasard là, qui l’avait dénichée, elle, Mariette Copiel, dans les méandres d’une généalogie dont elle n’aurait jamais imaginé l’existence, l’avait pendant des semaines sidérée.