Le Festin – Margaret Kennedy

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Table Ronde – mars 2022 – 480 pages

Folio – août 2023 – 576 pages

traduction de l’anglais par Denise Van Moppès entièrement révisée

Titre original : The Feast, 1950

Quatrième de couverture :
Cornouailles, 1947. Comme tous les étés, le révérend Seddon rend visite au père Bott. Hélas, son ami n’a pas de temps à lui accorder cette année, car il doit écrire une oraison funèbre : l’hôtel de Pendizack, manoir donnant sur une paisible crique, vient de disparaître sous l’éboulement de la falaise qui le surplombait. Et avec lui, sept résidents… Dans cette maison reconvertie en hôtel par ses propriétaires désargentés étaient réunis les plus hétéroclites des vacanciers : une aristocrate égoïste, une écrivaine bohème et son chauffeur-secrétaire, un couple endeuillé, une veuve et ses trois fillettes miséreuses, un chanoine acariâtre et sa fille apeurée… Le temps d’une semaine au bord de la mer dans l’Angleterre de l’après-guerre, alors que les clans se forment et que les pires secrets sont révélés, les fissures de la falaise ne cessent de s’élargir… Auteure talentueuse et espiègle, Margaret Kennedy pousse à leur comble les travers de ses personnages dans une fable pleine d’esprit et de sagesse. Ce Festin est un régal !
« Ils ont raconté beaucoup de choses, mais pas tout, naturellement. Personne ne saura jamais toute la vérité. Ce qu’ils ont dit, cependant… » Cornouailles, été 1947. L’hôtel de Pendizack vient de disparaître sous l’éboulement de la falaise qui le surplombait. Parmi les résidents, sept ont péri – mais lesquels ? Au cours de la semaine qui précède le drame, clients, domestiques et propriétaires de l’hôtel se dévoilent dans toute leur excessive splendeur. Tandis que les clans se forment et que des romances fleurissent, certains révèlent leurs vices et leurs pires secrets à mesure que le châtiment approche.

Autrice : Margaret Kennedy est née à Londres en 1896. À vingt-huit ans, elle publie Tessa, qui allait la rendre célèbre. Auteur d’une vingtaine de romans, elle meurt à Londres en 1967.

Mon avis : (lu en mai 2024)
Été 1947, en Cornouailles, tout commence avec une tragédie, l’hôtel de Pendizack, manoir donnant sur une paisible crique, vient de disparaître sous l’éboulement de la falaise qui le surplombait. Sept des résidents sont morts.
Retour une semaine avant la catastrophe et le lecteur découvre le quotidien de cette pension de famille avec ses propriétaires désargentés, une domestique médisante, une femme de chambre lumineuse et authentique, et les différents clients réunies pour un été au bord de la mer, une aristocrate égoïste, une écrivaine bohème et son chauffeur-secrétaire, un couple endeuillé, une veuve sévère sans beaucoup de moyens et ses trois fillettes espiègles, un chanoine acariâtre et sa fille apeurée… Certains vont se révéler attachants, d’autres détestables. Mais qui sont les victimes et les survivants ?
Avec finesse et humour, Margaret Kennedy brosse une galerie de portraits d’un panel de la société anglaise de l’après-guerre marquée par les privations, les désillusions, l’individualisme et l’espoir. Des personnages pittoresques, une ambiance « so british »,
cette lecture savoureuse entretient le suspense jusqu’aux toutes dernières pages !

Extrait : (début du livre)
EN septembre 1947, le révérend Gerald Seddon, de St Frideswide, Roxton, s’en fut comme chaque année passer quelques semaines chez le révérend Samuel Bott, de St Sody, Cornouailles.
C’étaient de vieux amis et leurs vacances ensemble constituaient leur plus grand plaisir. Car Bott, qui n’avait pas les moyens de s’absenter, s’accordait une espèce de congé pendant que Seddon était chez lui. Il troquait alors la soutane qu’il portait en tout autre temps contre un vieux pantalon de flanelle et un chandail et il s’en allait observer les oiseaux sur les falaises. Le soir, ils jouaient aux échecs. Tous deux approchaient de la soixantaine, appartenaient à l’Église anglo-catholique, observaient le célibat et étaient d’une sincérité déconcertante. Ils aimaient à s’entendre appeler mon père par leurs ouailles, mais les polémiques avec les protestants les amusaient moins qu’au temps de leur jeunesse. Le père Bott était un homme trapu aux cheveux gris et hirsutes ; il ressemblait un peu à un terrier écossais et il n’était pas très apprécié dans la paroisse de St Sody. Le père Seddon avait la mélancolie rêveuse d’un chien de chasse ; sa vie était plus dure et plus fatigante que celle de son ami, mais ses paroissiens l’appréciaient.
Il arrivait généralement vers l’heure du dîner et, aussitôt le repas terminé, on sortait le jeu d’échecs. Cette distraction était la bienvenue pour Seddon qui, à Londres, passait ses soirées dans des patronages et des missions, et il l’attendait toujours avec impatience. Aussi fut-il légèrement dépité lorsque, le soir de son arrivée, en 1947, son ami Bott lui dit de ranger l’échiquier.
« Je ne peux pas jouer, lui expliqua-t-il. Je suis navré. J’ai un sermon à écrire. » Seddon leva les sourcils. Il était de règle, en leurs vacances, que Bott eût rédigé tous ses sermons à l’avance.
« Un imprévu, dit-il. J’ai essayé de l’écrire cet après-midi. Mais je n’ai rien trouvé à dire.
— Ça m’étonne, fit Seddon sans gentillesse.
— C’est une oraison funèbre… »
Bott s’approcha de son bureau et ôta le couvercle de sa machine à écrire.
« Et pas pour des funérailles ordinaires, continua-t-il. Pas même des funérailles tout court. Les défunts ne peuvent pas être enterrés : ils le sont déjà. Sous une falaise…
— Ah !… La baie de Pendizack ? »
Seddon ne passait pas beaucoup de temps à lire les journaux, mais l’incident l’avait frappé parce qu’il avait eu lieu dans la paroisse de son ami. Une énorme masse rocheuse s’était détachée de la falaise au cours du mois d’août. Elle s’était effondrée au bord d’une petite anse, à deux ou trois kilomètres du village de St Sody, écrasant une maison construite sur une langue de terre du côté est de l’anse. Tous les gens qui se trouvaient dans la maison avaient péri.