Plon – janvier 2023 – 281 pages
Quatrième de couverture :
Jeune caricaturiste de presse juif allemand, Leonard Stein est réfugié sur la Côte d’Azur, lorsque la guerre le rattrape à l’été 40. Arrêté par les gendarmes français, il est envoyé aux Milles, près d’Aix en Provence. Cette ancienne usine de tuiles peuplée d’un millier d’étrangers « indésirables » transformée en un effroyable camp d’internement est aussi paradoxalement un centre de culture et de création, rassemblant intellectuels et artistes de Max Ernst à Hans Bellmer.
En cherchant à s’échapper des Milles par tous les moyens, Leo fait la rencontre de Margot Keller, volontaire d’un réseau de sauvetage marseillais, dont il tombe éperdument amoureux. Alors que leurs efforts conjugués présagent la liberté, l’été 42 s’annonce, meurtrier et cruel. Le jeune couple décide de tenter l’impossible : sauver les enfants juifs de la déportation et rejoindre la résistance…
Dans la lignée du Gardien de nos frères, prix Wizo 2016, Ariane Bois signe un grand roman d’amour et de résistance et dresse le portrait de deux héros au courage prodigieux, pris dans l’enfer du plus grand camp d’internement et de déportation français de la zone sud, encore intact aujourd’hui et longtemps méconnu.
Auteure : Ariane Bois est romancière, grand reporter et critique littéraire. Elle est notamment l’auteure, récompensée par de nombreux prix littéraires, du Gardien de nos frères (2015), Dakota Song (2017), L’Île aux enfants (2019), finaliste du prix Maison de la presse, et L’Amour au temps des éléphants (2021), Éteindre le soleil (2022).
Mon avis : (lu en janvier 2023)
Ce roman a pour cadre historique le camp d’internement et de déportations des Milles situé à proximité d’Aix-en-Provence, il met en scène des personnages de fictions et des personnages réels.
Leonard Stein est un jeune caricaturiste de presse, juif allemand, il a dû quitter sa famille et son pays après avoir été interné à Dachau. Il a pu se réfugier sur la Côte d’Azur. Mais la Guerre va le rattraper et comme beaucoup d’étrangers réfugiés dans le sud de la France, il est envoyé au camp des Milles. Là-bas, il ne sait pas ce qu’il va se passer pour eux tous. Il cherche donc tous les moyens possible pour sortir. Il va alors rencontrer Margot Keller, une jeune juive française qui vit à Marseille et qui aide les réfugiés. Elle sera pour lui l’espoir de la liberté. Depuis l’extérieur du camp, elle tente de l’aider à d’obtenir un visa pour un pays étranger accueillant. C’est à la fois une course contre la montre et un parcours du combattant… Dans le camp, Leo rencontrera Max Ernst et Franz Hessel parmi les intellectuels et des artistes qui ont fui le nazisme.
Dans ce roman historique pour se souvenir du camp français des Milles, il est question de l’horreur de la guerre mais surtout de solidarité, de courage, d’engagement, de liberté, d’art et de culture. L’usine de tuiles des Milles verra passer 10 000 étrangers, en majorité juifs. Après les avoir accueilli sur le sol français, l’État français n’hésitera pas à les trahir en les livrant aux Allemands avant même que la zone libre soit abolie… Il y aura heureusement des hommes et des femmes courageux, des Justes, qui feront tout ce qu’ils pourrons pour sauver le maximum d’internés et notamment des enfants en les exfiltrant du camp. Ce roman leurs rend hommage.
Merci Babelio et les éditions Plon pour m’avoir permis de découvrir le nouveau livre d’Ariane Bois avant une rencontre prévue mercredi 18 janvier à laquelle je n’ai malheureusement pas pu assister en raison de la grève du lendemain…
Pour en savoir plus : Site-Mémorial du Camp des Milles
Extrait : (début du livre)
Il reconnaît l’air, toujours le même.
Un refrain patriotique entonné par des centaines de jeunes poitrines masculines, des garçons au garde-à-vous martelant les paroles d’un air martial. Puis arrivent les ordres lancés par la masse d’hommes galvanisés, nettoyez la terre allemande, honte aux ennemis du peuple, ou encore pas de place pour les auteurs dégénérés. Ensuite, dans la foule qui s’ouvre, dansent les drapeaux agités frénétiquement. La manifestation est passée par la porte de Brandebourg, puis a défilé avenue Unter den Linden avant de se grouper là, place de l’Opéra. La cérémonie peut commencer, sous une pluie battante. Les étudiants et les Jeunesses hitlériennes sont pressés d’en découdre, de se battre, même si leurs ennemis pour l’instant sont composés d’encre et de papier, et non de chair et d’os.
Aujourd’hui, à Berlin, comme dans vingt et une villes de la nouvelle Allemagne, on brûle des œuvres jugées antiallemandes. Un bûcher identique à ceux de l’Inquisition, pense le jeune homme, et cela dans son propre pays !
Contre la lutte des classes et le matérialisme, pour la communauté nationale. Je jette dans les flammes les écrits de Marx, récite un officiant.
Et juste après, l’odeur des pages qui s’embrasent, la couverture de l’ouvrage se tordant et, à la lueur des torches, les rictus virils des étudiants qui, un à un, s’avancent et précipitent avec solennité les textes de Freud, de Heine, de Mann, de Kautsky dans le feu.
Tous ces livres que son père, Jakob Stein, aime à la passion et dont il peut réciter des paragraphes ou des pages entiers. Il les vendait, ces auteurs favoris.
Avant, quand l’Allemagne n’avait pas été capturée par un fou qui entendait purger le pays de ses éléments indésirables, et établir un ordre nouveau, celui de la république nationale-socialiste. Lorsque le brasier atteint son paroxysme et que les cris deviennent
clameur, Leo entend des sales Juifs et des dehors hurlés à son endroit. Ils l’ont repéré, se lancent à sa poursuite. Alors, dans ce Berlin qu’il connaît mal, le jeune homme se met à courir, à courir, à perdre le souffle.
Déjà lu du même auteur :
(2) Lieu