Le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi – Camille Andrea

Lu en partenariat avec Masse Critique

71SGj1tSblL Plon – mai 2022 – 224 pages

Quatrième de couverture :
Noah D’Amico, dix ans, s’est donné comme objectif de devenir le premier enfant métis président des États-Unis. Quatre secondes et cinquante centièmes, voilà le temps dont il dispose pour convaincre chaque personne de son voisinage. Peu mais suffisant pour un certain Jacob Stern, vieil homme de soixante-quinze ans, impressionné par ce jeune orateur.
C’est ainsi que Noah entre dans la vie de Jacob, avec la force d’une tempête, l’abreuvant de jolis mots et de belles espérances. Une rencontre qui changera tout et de laquelle naîtra la plus improbable des amitiés. Mais les gens ne sont pas toujours ce que l’on croit. Chaque être humain a sa part d’ombre. Jacob ne le sait que trop bien, Noah, lui, le saura bientôt.

Auteur(e) : Derrière le pseudonyme Camille Andrea se cache un(e) écrivain(e) français(e) bien connu(e) du grand public mais dont nous ignorons tous l’identité, de ses lecteurs à ses éditeurs. Son premier roman, Le Sourire contagieux des croissants au beurre (2020), a été un véritable succès.

Mon avis : (lu en juin 2022)
Noah, 10 ans, est un jeune garçon métis, très grande mature qui souhaite devenir Président des États-Unis. Il a bien réfléchi à son projet et il a des solutions pour de nombreux problèmes qui se posent sur la Terre : comment réduire la faim dans le monde, augmenter la surface des terres habitables en prenant sur la mer, ou obliger les politiques à écouter les enfants… Ne voulant pas attendre d’avoir l’âge pour présenter sa candidature, Noah décide de faire signer à son voisinage une pétition.
Un mardi, il frappe à la porte de Jacob Stern, 75ans, qui vit seul depuis la mort de sa femme et qui perd la mémoire. Content d’avoir de la compagnie, Jacob accueille Noah et lui offre un verre de lait et un donut au chocolat. Avant de signer la pétition, Jacob veut connaître en détail le programme du petit garçon, il est sûr ainsi que ce dernier reviendra le voir…
La maman de Noah est morte, son père tient une pizzéria où il travaille beaucoup et il a peu de temps pour s’occuper de son fils dont les idées bizarres le dépassent.
Pour éviter d’oublier sa vie passée et surtout les moments avec sa femme, Jacob note tous ses souvenirs dans des carnets.
La première partie de ce livre commence comme un roman qui fait du bien avec de l’humour, de l’émotion. Le petit garçon et le vieil homme sont très attachants et leur relation belle à voir.
Mais dans la seconde partie, il y a un retournement brutal… qui donne au roman une orientation loin d’être légère. Et pour la troisième partie, elle nous propulse dans le futur, vingt-cinq ans après…
J’ai beaucoup aimé la première partie (133 pages) mais pour les parties deux (40 pages) et trois (40 pages) mes sentiments sont partagés…
J’ai trouvé également gênant la manière dont Jacob raconte à Noah certaines événements dramatiques de sa vie autour de la Shoah… Noah n’a que 10 ans !

Merci Babelio et les éditions Plon pour cette rencontre avec Noah et Jacob.

Extrait : (début du livre)
Août 1992
— Merci, dit Noah lorsque la gigantesque porte s’ouvrit devant lui, en employant le même mot qu’il avait prononcé lorsque la gigantesque porte de chacune des cinq maisons de l’allée auxquelles il avait frappé auparavant s’était ouverte.
Telle était la stratégie qu’il avait mise au point après avoir passé la journée précédente à se prendre des portes en bois, en métal, blindées, en verre, en grillage de cage à poules, de toutes sortes, en pleine figure à peine son « bonjour » prononcé. C’était une évidence, de par son âge, on le prenait pour un élève d’une école du coin et on s’attendait à ce qu’il sorte de derrière son dos un calendrier deux fois plus grand que lui ou un paquet de coupons de tombola multicolores, pour pouvoir payer à sa classe un voyage de fin d’année en Californie ou en Floride, et aller voir les dauphins, animaux que l’on apercevait rarement dans le coin, en plein cœur du Tennessee.
Enfin, cela, c’était dans le meilleur des cas. Car le petit garçon était noir, et dans ce quartier résidentiel, les gens n’avaient pas l’habitude de voir des petits garçons noirs sonner à leur porte. Et dans ce quartier, les gens n’étaient pas curieux de savoir si ce petit garçon noir sortirait de derrière son dos un calendrier deux fois plus grand que lui, des coupons de tombola ou un pistolet automatique pour les braquer. Dans ce quartier, on ne semblait guère aimer les tombolas, ni les calendriers, et encore moins les pistolets automatiques. Ou tout simplement les enfants qui se payaient des voyages de fin d’année en Californie ou en Floride avec l’argent d’une tombola à laquelle on ne gagnerait (si jamais l’on gagnait) qu’une brosse à dents électrique, un porte-clefs ou deux verres gratuits de cet infect punch que la directrice de l’école aurait sûrement concocté pour l’occasion, dans la bassine où elle avait l’habitude de prendre des bains de pieds ou de tremper ses varices.
Une étude des plus sérieuses a démontré que l’on se fait une idée des gens en quatre secondes et cinquante centièmes. Celle que l’on se faisait de ce petit garçon, malgré son costume et sa cravate, malgré ses cheveux bien peignés en boule et ses airs de bonne famille, ne devait pas être des meilleures, car c’était à peu près le temps que les gens mettaient à lui claquer la porte au nez. Quatre secondes et cinquante centièmes. Noah avait compté dans sa tête. Même si les centièmes de seconde, ce n’était pas très pratique à compter dans une tête de petit garçon. Quatre secondes et cinquante centièmes, c’était juste le temps de faire un beau sourire, juste le temps que les muscles zygomatiques majeurs et mineurs s’activent, et puis les gens refermaient amicalement cette maudite porte en accompagnant le geste de formules diverses, polies, mais toujours humiliantes. « Désolé mon garçon, mais je n’ai pas de monnaie », « Cela ne m’intéresse pas », « J’ai déjà donné ». On le refoulait comme un vulgaire marchand de tapis. Si seulement on lui avait laissé une petite chance de s’exprimer, il aurait pu expliquer qu’il ne voulait pas d’argent, qu’il ne voulait rien vendre. Il aurait pu expliquer que ce n’était pas lui qui avait besoin d’eux. Mais eux qui avaient besoin de lui. Car il allait bientôt devenir leur président. Le président des États-Unis.

Petit bac 2022
(4) Verbe

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