Iconoclaste – avril 2022 – 283 pages
Quatrième de couverture :
Après des semaines de confinement, le Tom’s rouvre ses portes.
Ils sont tous là : Jocelyne, l’ancienne propriétaire du café, partie à la retraite mais qui n’arrive
pas à quitter les lieux, José, le serveur qui rêve d’ailleurs, et Fabrice, le nouveau patron.
Les clients passent, déposant sur les tables des rires et des confidences. Des vies se nouent et se dénouent. Assise au fond de la salle, Chloé observe, carnet et crayon en main.
Croquant ce petit théâtre du quotidien, Jean-Philippe Blondel signe une merveille de roman, plein d’humanité, qu’on referme le cœur léger et le sourire aux lèvres.
Auteur : Jean-Philippe Blondel est né en 1964. Marié, deux enfants, il enseigne l’anglais dans un lycée près de Troyes. En parallèle de son œuvre jeunesse, il est auteur en littérature générale. Il signe Blog, Un endroit pour vivre, Au rebond, (Re)play ! Brise glace, Double jeu, La Coloc, Le Groupe et Dancers, Le Baby-sitter, G229 (prix Virgin – Version femina), Et rester vivant et 06H41.
Mon avis : (lu en mai 2022)
Ce roman raconte une journée dans le huis clos d’un café d’une petite ville de province. Nous sommes en juillet 2021, c’est le temps de la réouverture des bars et restaurants après plusieurs mois d’arrêt… Finis les confinements et les couvre-feux, il y a encore une jauge et un cahier de rappel…
Tour à tour, chaque personnage entre en scène, avec leurs pensées du présent, leurs anecdotes du passé et parfois leurs espoirs pour la vie d’après. Le café, le « Tom’s » est à la fois un lieu public et un endroit plus intimiste propice à la confidence.
Chloé, 31 ans, assise seule au fond de la salle avec un crayon et un carnet de croquis, elle observe sans bouger tout ce qui se passe. Fabrice, le jeune patron et son ami d’enfance José, le serveur. Jocelyne, l’ancienne propriétaire. Pierre, Thibault, Guillaume et Françoise, le fils et la mère, Manon : les clients de passage…
Au fil des chapitres chacun d’entre eux va se dévoiler plus ou moins. Les personnages sont attachants, finement observés. Jean-Philippe Blondel nous raconte avec simplicité, justesse et humanité le quotidien de gens ordinaires au destin ordinaire.
Voilà un roman choral qui se lit facilement et qui fait du bien.
Extrait : (début du livre)
Chloé Fournier, 31 ans – table n° 8 (salle du fond, à gauche, baie vitrée)
Je suis un parasite.
C’est exactement ce que José, le serveur, doit penser. Il fait claquer sa serviette sur son épaule et pousse des soupirs excédés, mais il n’a pas encore menacé de me jeter dehors. Honnêtement, ce serait ridicule : depuis que j’ai trouvé refuge ici, la salle n’a jamais été qu’à moitié pleine.
Les clients reviennent à l’intérieur, oui, mais avec méfiance. Ils tiennent leur masque à portée de main et le touchent nerveusement. La jauge sanitaire est tombée et on peut se réunir à douze ou à quinze si cela nous chante. Le souci, c’est qu’on évoque beaucoup ce nouveau variant à qui l’on a donné une lettre grecque mais qui évoque quand même l’Inde, les éléphants majestueux, Bollywood et les villes surpeuplées.
Sur la terrasse, en revanche, c’est souvent bondé. On a compris qu’on ne risquait presque rien à l’air libre, que les gouttelettes s’envolaient au gré du vent et qu’elles n’allaient pas contaminer nos épidermes. Elles sont déconfinées, elles aussi, et immatérielles. Pourtant, les rires et les éclats de voix sont encore discrets. La faute à un début d’été maussade, des cieux menaçants, des orages diluviens. À la sortie du tunnel, aussi. On plisse les yeux. On tâte la clarté du jour. Les différents couvre-feux nous ont habitués à nous comporter en souris domestiques. Nous trottinons chez nous la nuit, sans pointer notre museau à l’extérieur.
C’est pareil pour les conversations. Elles sont souvent mezza voce, de peur de réveiller les démons de Wuhan ou d’ailleurs. Du bout des lèvres, on ose prononcer le mot « vacances » mais on l’accompagne d’une moue qui signifie que, comme l’an dernier, ce ne seront pas des congés habituels. On attend de voir. On attend tous de voir.
Sauf moi.
Assise sur ma banquette en skaï, je n’attends rien. J’observe. La façon dont les hommes et les femmes se comportent. Ceux qui s’accueillaient à bras ouverts se touchent maintenant l’épaule ou le biceps, osent parfois laisser s’attarder une main sur la peau de l’autre, puis retirent furtivement leurs doigts et cherchent mentalement où ils ont bien pu fourrer leur bouteille de gel hydroalcoolique.
Déjà lu du même auteur :
Et rester vivant
(Re)play
Brise glace
Double jeu
Un hiver à Paris
La coloc
Mariages de saison
Le groupe
La Mise à Nu
(4) Couleur