Lu en partenariat avec les éditions Seuil et Babelio
Entretiens menés par Sophie Lhuillier
Seuil – avril 2021 – 144 pages
Quatrième de couverture :
» Avant d’être femme, avant d’être noire, je suis un être humain. Née dans une famille de dix enfants, au Bénin, j’ai reçu une éducation atypique. Mes parents étaient féministes : filles comme garçons, nous allions tous à l’école et participions équitablement aux tâches ménagères. Ils ne nous dictaient jamais notre conduite mais nous incitaient à nous remettre en question. Nous avons appris à associer la tête et le cœur à nos réflexions. Cela me définit bien : je suis cette personne à qui on a enseigné la tolérance. Et la musique, bien sûr, est inscrite au cœur de ma personnalité. Mon père jouait du banjo, ma mère chantait. C’est elle qui m’a appris à chanter. »
Auteur : Angélique Kidjo est l’une des plus grandes voix venue d’Afrique. Décrétée « première diva africaine » par le Time Magazine, couronnée de quatre Grammy Awards, elle associe avec brio la beauté des musiques traditionnelles de son Bénin natal à l’énergie d’autres genres : pop, jazz, reggae… Chacun de ses albums est intimement lié à l’histoire de l’Afrique et à la défense des droits humains : esclavage, apartheid, égalité des sexes. Elle considère l’éducation comme un impératif visant à garantir justice et paix dans le monde. Ambassadrice de bonne volonté à l’Unicef depuis 2002, elle a créé sa propre fondation, Batonga, en 2006. Sa musique touche, rapproche et fédère: une main toujours tendue vers l’autre.
Mon avis : (lu en septembre 2021)
Fin août, j’ai accepté de recevoir 3 livres de la nouvelle collection { Je chemine avec… }, c’est l’occasion de découvrir des parcours de vie de personnalités très variées afin d’inspirer au plus grand nombre de jeunes ou de moins jeunes l’envie de croire à son avenir.
Voici le troisième et dernier livre du partenariat, qui est consacré à Angélique Kidjo, chanteuse béninoise, reine incontestée de la musique africaine, elle a également de nombreux engagements en faveur des droits des femmes et des enfants, elle est ambassadrice internationale de l’Unicef.
Dans cet entretien, elle revient sur son enfance au Bénin avec des parents féministes qui ont élevé leurs enfants filles et garçons de la même façon, dont l’environnement était la musique et dont les valeurs prônaient la tolérance… Puis nous découvrons son cheminement dans le monde de la musique, ses rencontres, ses inspirations, sa façon de travailler… Enfin Angélique Kidjo nous raconte ses engagements multiples autour des droits des femmes et des enfants avec en 2006, la création de sa Fondation Batonga.
Je connaissais le nom d’Angélique Kidjo sans vraiment lui associer spécialement un titre… Mais je me souvenais très bien d’un moment très fort évoqué dans le livre, avec la superbe interprétation de « Blewu » par Angélique Kidjo lors de la commémoration des 100 ans de l’Armistice de la Première Guerre mondiale à l’Arc de Triomphe à Paris devant près de 70 chefs d’État ou de gouvernement. Quelle émotion !
Le chemin de vie d’Angélique Kidjo est passionnant et inspirant.
Merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour cette très belle découverte.
Extrait : (début du livre)
Chère Angélique, qui es-tu ?
Avant d’être femme, avant d’être noire, je suis un être humain. Née dans une famille de dix enfants, sept garçons et trois filles, je suis la dernière fille, gâtée pourrie par son papa, ses frères et sœurs, sa maman aussi, sa grand-mère…
J’étais souvent le pitre à la maison et j’étais très curieuse. Je posais tellement de questions qu’on m’avait surnommée « Quand-quoi-comment-pourquoi ». J’avais besoin de comprendre. Toujours.
J’ai grandi au Bénin, en Afrique de l’Ouest, et – je m’en rends compte aujourd’hui – j’ai reçu une éducation atypique. Le fait que mes deux parents soient allés à l’école y est pour beaucoup. Mon père disait toujours : « Votre cerveau est votre arme absolue. Réfléchissez. Ce n’est pas un plat de spaghettis sous votre crâne. Il faut bien l’utiliser. » Il revendiquait le fait que nous allions tous à l’école, filles comme garçons. La seule richesse qu’il pouvait nous donner, c’était l’éducation, et il était plus féministe que les féministes. Le mariage devait venir plus tard, une fois notre indépendance acquise. Il avait pour doctrine de ne jamais dicter de conduite. Il me répétait : « Pourquoi veux-tu que je trouve une solution à tes problèmes ? Pourquoi ne réfléchis-tu pas par toi-même ? Si je réponds à ta place, tu n’apprendras jamais à te débrouiller seule. Je peux t’aider à reconnaître tes erreurs, pour que tu apprennes à les corriger et à avancer. Mais l’essentiel est que tu saches te remettre en question. Blâmer l’autre, c’est facile, se remettre en question est beaucoup plus compliqué. Il faut réfléchir. » J’ai été éduqué dans cette logique d’associer la tête et le cœur à toute réflexion. Cela me définit bien : je suis cette personne qui a appris à être tolérante. Chez moi, on dit que les mots sont comme les œufs : quand ils tombent, on ne peut pas les recoller. Cela m’est resté, je fais très attention.
Quant à ma mère, elle aussi était féministe. Elle a élevé ses garçons de la même manière que ses filles : mes frères vont au marché, savent cuisiner, coudre, faire la vaisselle, la lessive. Ma mère leur répétait : « Je veux que vous soyez indépendants, votre femme n’est pas votre domestique ni votre esclave. Quand j’ai épousé votre père, il ne savait même pas faire chauffer de l’eau, no way man, au boulot ! » Les voisins reprochaient à ma mère de transformer ses garçons en filles. Ça la faisait rire.
Elle dirigeait une compagnie de théâtre, que j’ai intégrée à l’âge de six ans. La personne que je suis a commencé à se construire là aussi, quand je me suis rendu compte que, sur scène, je pouvais justement être qui je voulais. Je pouvais changer de tête, porter des talons, une perruque, mettre du rouge à lèvres, parler avec une voix différente, etc. Le théâtre me permettait d’endosser des personnalités multiples tout en restant moi-même.
J’étais un tourbillon, dès le réveil. Je donnais le tournis à ma mère. Je m’intéressais à tout. Mes parents n’avaient pas besoin de sortir de la maison pour savoir ce qui se passait dans la rue où j’ai grandi, je leur rapportais les nouvelles.
(7) Aliment/Boisson
Déjà lu de la même collection :