Livre de Poche – février 2012 – 408 pages
Prix Pulitzer 2009
traduit de l’américain par Pierre Brévignon
Titre original : Olive Kitteridge, 2008
Quatrième de couverture :
Olive est l’épouse du pharmacien de Crosby, une petite ville côtière du Maine. Elle a un fils, Christopher, qu’elle étouffe. Et c’est aussi un professeur de mathématiques brutal et tyrannique, capable, pourtant, d’élans de bonté. Personnalité hors normes, a priori peu aimable, mais ô combien attachante, Olive traverse cette fresque polyphonique où les destins des habitants de Crosby – héros ordinaires – s’entremêlent sur une période de trente ans. Salué outre-Atlantique pour la virtuosité de sa construction et la finesse de son ton, Olive Kitteridge s’inscrit dans la lignée de romans comme Le cœur est un chasseur solitaire, de Carson McCullers, ou Les Corrections, de Jonathan Franzen.
Auteure : Elizabeth Strout est née en 1956 à Portland, dans le Maine. Après des études de droit, elle s’installe à New York et publie des nouvelles dans différentes revues littéraires. Elle met sept ans à rédiger son premier roman, Amy et Isabelle (2000). En 2009, elle reçoit le prix Pulitzer pour Olive Kitteridge, publié dans 26 pays.
Mon avis : (lu en juin 2021)
Ce livre m’avait déjà fait de l’œil depuis sa parution et je n’avais jamais eu l’occasion de le lire… Mais ces dernières semaines où j’ai eu l’occasion de voir la série télévisée adaptée du livre avec l’excellente Frances McDormand dans le rôle d’Olive Kitteridge. Je n’ai donc pas résisté à enfin découvrir le roman.
Ce roman est construite sous forme de tranches de vie de Crosby, une petite ville côtière du Maine avec en fil rouge Olive Kitteridge. Dans certains chapitres, elle est très présente et dans d’autres elle est juste évoquée.
Olive est professeur de mathématiques, mariée à Henry, le pharmacien et ensemble ils ont un fils Christopher. Olive est une héroïne atypique, avec un physique peu avenant, brute de décoffrage, bougon, cassante, elle n’a pas peur de dire ce qu’elle pense… Et pourtant, au fil des différentes nouvelles, le lecteur découvre ses failles, car sous son caractère entier se cache une grande sensibilité et beaucoup d’humanité et j’ai trouvé Olive plus attachante que pénible…
J’ai beaucoup aimé la série et le roman qui m’ont fait passer par de multiples émotions : l’agacement, les sourires, le cœur serré, le rire et même quelques larmes…
Extrait : (début du livre)
Pendant plusieurs années, Henry Kitteridge travailla comme pharmacien dans la ville voisine, parcourant chaque matin les routes enneigées, ou les routes balayées par la pluie, ou les routes estivales, quand les nouvelles pousses de fraises sauvages surgissaient dans les ronces avant l’embranchement menant à la pharmacie. Aujourd’hui, il est à la retraite mais il se réveille toujours de bonne heure et se rappelle comme il aimait les matins, quand le monde entier semblait lui révéler, à lui seul, son secret. Les roues de la voiture vibraient doucement sous ses pieds, la lumière filtrait à travers les brumes de l’aube, sur sa droite apparaissaient brièvement la baie puis les pins hauts et sveltes. Il roulait presque toujours vitres baissées car il adorait l’odeur des pins, l’air chargé de sel et, l’hiver, l’odeur du froid.
La pharmacie était un petit bâtiment d’un étage accolé à un autre édifice abritant une quincaillerie et une épicerie. Chaque matin, Henry se garait près des grandes poubelles métalliques puis entrait dans la pharmacie par la porte de derrière et allumait les lumières, réglait le chauffage ou, si c’était l’été, actionnait les ventilateurs. Il ouvrait le coffre-fort, plaçait l’argent dans le tiroir-caisse, déverrouillait la porte d’entrée, se lavait les mains, enfilait sa blouse blanche de laborantin. C’était un rituel agréable, comme si la vieille boutique – avec ses étagères garnies de dentifrices, de vitamines, de produits de beauté, de soins pour les cheveux et même d’aiguilles à coudre, de cartes de vœux, de bouillottes en caoutchouc rouge et de poires à lavement – était un être vivant, robuste et en bonne santé. Alors, tandis qu’Henry allait et venait dans le refuge paisible de sa pharmacie, les tracasseries qui avaient pu se produire chez lui, l’état de malaise où le laissait parfois sa femme quand elle quittait leur lit pour errer dans la maison aux heures sombres de la nuit, tout cela refluait comme les vagues le long du rivage. Posté au fond du magasin, près des tiroirs et des rangées de pilules, il se sentait heureux lorsque le téléphone se mettait à sonner, heureux lorsque Mme Merriman venait chercher son médicament contre l’hypertension ou lorsque le vieux Cliff Mott passait prendre sa digitaline, heureux en préparant le Valium pour Rachel Jones dont le mari s’était enfui la nuit où leur bébé était né. Henry avait un don pour écouter les autres et, à plusieurs reprises chaque semaine, on pouvait l’entendre dire : « Eh bien, vous m’en voyez désolé » ou : « Tss, tss, si ce n’est pas malheureux. »

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