La légende des filles rouges – Kazuki Sakuraba

ou La légende des Akakuchiba 

Lu en partenariat avec Folio

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Folio – mars 2021 – 475 pages

Piranha – octobre 2017 – 416 pages

traduit du japonais par Jean-Louis de la Couronne

Titre original : 赤朽葉家の伝説, 2007

Quatrième de couverture :
Lorsqu’une fillette est retrouvée abandonnée dans la petite ville japonaise de Benimidori en cet été 1943, les villageois sont loin de s’imaginer qu’elle intégrera un jour l’illustre clan Akakuchiba et règnera en matriarche sur cette dynastie d’industriels de l’acier. C’est sa petite-fille, Toko, qui entreprend bien plus tard de nous raconter le destin hors du commun de sa famille. L’histoire de sa grand-mère, femme dotée d’étonnants dons de voyance, et celle de sa mère, chef d’un gang de motardes devenue une célèbre mangaka, dont le succès permettra de sauver la famille du déclin dans un Japon frappé de plein fouet par la crise industrielle. A travers l’histoire de trois générations de femmes, Kazuki Sakuraba livre une saga familiale empreinte de réalisme magique, entre tradition et modernité.

Auteure : Née en 1971, Kazuki Sakuraba écrit depuis ses années de lycée. Sa série de mangas, Gosick, a fait d’elle une star de la littérature au Japon. Elle s’est également imposée dans l’univers de la littérature classique et ses romans pour adultes sont unanimement salués par la critique et récompensés par de nombreux prix.

Mon avis : (lu en février 2021)
Ce roman nous raconte l’histoire de trois générations de femmes, une saga familiale au Japon, depuis la Seconde Guerre Mondiale à nos jours. Toko, la  narratrice est la petite-fille de Man’Yo, enfant des Montagnes abandonnée par les siens à l’âge de trois ans. En se mariant avec l’héritier de l’illustre clan Akakuchiba, Man’Yo aura un destin exceptionnel. Le lecteur découvre ses dons de voyance, sa rencontre avec sa future belle-mère qui la choisie comme future épouse de son fils, l’héritier des aciéries. Man’Yo est un personnage attachant qui entretient une part de mystère… La deuxième femme de cette saga, c’est Kemari, la fille de Man’Yo et la mère de Toko, une force de la nature plutôt rebelle qui durant son adolescente sera la chef d’un gang de motardes puis deviendra une célèbre mangaka. Un personnage haut en couleur qui permettra de sauver sa famille de la crise industrielle. Toko est la dernière des Akakuchiba, elle incarne bien sa génération désabusée, sans aucun but pour sa vie, elle est surtout là pour raconter les destins de sa grand-mère et de sa mère à partir des histoires qu’on lui a raconté dans son enfance et de l’enquête qu’elle mènera après le départ de sa grand-mère… J’ai trouvé la partie concernant Toko bien moins intéressante et un peu longue, mais c’est également un personnage quelconque et sans relief…
A travers les trois portraits de ces femmes, l’auteure évoque également l’Histoire du Japon, l’évolution de la société japonaise où il est question du harcèlement, de la compétition scolaire, de délinquance, de sexualité et sans oublier l’évolution de la place de l’individu au fil des années.
Voilà un roman agréable à lire, au style imagé, poétique à la fois récit et conte qui entraîne le lecteur vers un dépaysement garanti au pays du soleil levant.
Merci aux éditions Folio pour cette très belle découverte.

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Extrait : (début du livre)
Akakuchiba Man’yô avait dix ans cet été-là quand elle avait vu un homme voler dans le ciel. Man’yô, ma grand-mère. Bien avant qu’elle n’entre comme épouse dans la vieille famille des Akakuchiba de la région du San’in. C’était encore une sauvageonne à peine sortie de sa montagne, et qui n’avait même pas de nom de famille. Au village, on l’appelait Man’yô tout court.
D’aussi longtemps qu’elle en avait le souvenir, ma grand-mère avait toujours vu des choses étranges. C’était une femme solidement charpentée, aux longs cheveux noirs comme des ailes de corbeaux mouillés (même si, à la fin de sa vie, ils étaient devenus blancs comme neige) qui lui descendaient jusqu’aux hanches, avec de grands yeux qu’elle savait fort bien plisser pour les rendre très effilés, quand parfois elle regardait au loin, là-haut, vers le sommet des montagnes. Pour ça, sa vue était excellente. Tellement excellente qu’elle voyait même des choses que l’œil ne pouvait voir.
Nous sommes alors encore loin de l’époque où on la surnommerait « la Voyante des Akakuchiba ». Pour l’heure, j’en suis simplement à vous parler de son enfance, mais une chose est sûre, depuis son plus jeune âge, ma grand-mère avait des visions. Des visions d’avenir. Ses visions pouvaient prendre diverses formes : une prophétie qui s’écrivait au milieu d’images incohérentes, ou alors c’étaient les caractères de la calligraphie murale suspendue dans la grande pièce à tatamis qui se transformaient et se réarrangeaient tout seuls, parfois même un mort entrait dans la pièce et lui expliquait avec force gesticulations ce qui allait advenir. Man’yô évitait de parler de tout ceci aux autres. Pour les gens du village, elle était juste un peu bizarre, l’enfant de « Ceux des Confins » et c’est tout. Elle en était assez fière d’ailleurs, et en même temps cela l’angoissait de ne pas être comme les autres.
Or donc, ma grand-mère était juste une petite fille d’à peu près dix ans, en cet été de l’an 28 de Shôwa, ou 1953 dans le calendrier occidental. Je dis « à peu près » car personne au village, ni Man’yô elle-même, n’a jamais su précisément son âge. Elle était arrivée brusquement un jour dans la région que l’on appelle San’in, étroite bande de terre aux confins du Japon, coincée entre les montagnes noires du Chûgoku et la mer du Japon perpétuellement grise, une terre au climat généralement maussade. Comme si elle avait roulé-boulé du fin fond des montagnes pour arriver là. Man’yô elle-même, qui devait à peine avoir trois ans quand les gens des confins l’avaient déposée dans le village et s’en étaient repartis, n’en avait pas souvenir.

Petit Bac 2021(3) Humain

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