Ouest-France – septembre 2019 – 285 pages
Ouest-France – 22 septembre 2017 – 256 pages
Quatrième de couverture :
Des histoires de femmes. Un recueil de confidences. Quinze voix sorties de l’ombre que l’auteure s’est efforcée d’accompagner le mieux possible. Des voix précieuses et chères, celles de nos mères, de nos grands-mères. Une parole silencieuse, qui se livre pour la première fois, et qui, entre rires et larmes, raconte la vie ordinaire des femmes dans cette Bretagne d’alors. Du côté de Loudéac, de Rennes, de Lorient, de Gourin, de Brest, de Quimper, de Tréguier et de Nantes. Il y a celle qui conduit le camion, celle qui travaille à la chaîne, celle qui s’embarque pour le Maroc, celle qui baragouine à New York. Il y a l’étrangère – la Normande -, la femme de marin, la danseuse du dimanche, la syndicaliste, la petite vendeuse du Bon Marché, la cheftaine et la patronne de bistro. Aucune ne se résigne à une place choisie par d’autres, toutes, sans jamais rompre avec la tradition, inventent leur vie, contournent les obstacles, bousculent les conventions. Et les hommes.
Auteure : Anne Lecourt vit et travaille à Pleumeleuc. Traductrice de métier, elle s’intéresse tout spécialement aux question de patrimoine et d’identité bretonne et participe activement à la vie associative, littéraire et musicale de la communauté de Montfort-sur-Meu depuis une dizaine d’années. Elle a publié un premier ouvrage local intitulé « Elles qui disent », dont les contenus pour l’essentiel sont repris ici.
Mon avis : (lu en janvier 2021)
Anne Lecourt, l’auteure, est allée à la rencontre de 15 femmes pour qu’elles témoignent sur leur condition de femmes. Elle nous fait donc une série de portraits de quinze femmes de conditions modestes, avec des vies ordinaires, qui sont originaires essentiellement d’Ille-et-Vilaine mais également du Trégor, de Cornouaille, du Léon, de Nantes… Élevées à la dure, elles ont entre quinze et vingt ans à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, elles n’ont pas choisi leur avenir, elles ont souvent été obligées d’arrêter les études pour travailler, pour s’occuper de leur famille, leurs destins ont été dictés par la tradition, les circonstances familiales, économiques…
Albertine, Françoise, Clémentine, Suzanne, Madeleine, Anne, Marie, Paule, Monique, Agnès, Marcelle, Yvette, Janet, Elisa et Roberte se sont forgées de solide personnalité, elles se racontent dans leur vie, en famille, dans le travail de la terre, de la mer ou à l’usine, leur rapport avec le syndicalisme, l’école et l’église et parfois leur exil hors de la Bretagne…
C’est instructif et très intéressant de découvrir une époque et la condition de la femme, à travers ses parcours de vie et les combats menés pour faire évoluer les choses pour les générations futures. Même si elles n’avaient pas choisi leur destin, ces femmes ont su le prendre en main et s’affirmer chacune à leur façon.
Extrait : (début du livre)
Guetter le tout premier frémissement. Apprendre la patience, saisir l’instant, encourager d’un regard. Observer, retenir. Laisser venir. Un voile dans la voix, la crispation d’une lèvre, l’irritation d’une tasse vite reposée, une bouche qui se cache pour sourire, l’ébauche d’un geste, une main, qui corrige, qui écarte, ou qui retombe, sans rien livrer. Je me suis beaucoup attachée aux mains. Parce que le regard ne tient pas en place et qu’il sait aussi promener son monde là où il veut, tandis qu’une main s’abandonne, se laisse déchiffrer plus volontiers. Elles n’étaient plus de première jeunesse ces mains, toutes pareillement polies et tavelées, où les veines saillantes comme des chemins de vie m’évoquaient à l’envers nos chemins de terre creux, reliques d’un monde ancien et cloisonné, tout en force et en mots empesés, décliné à contretemps du temps aujourd’hui à l’œuvre. Des mains emportées et volubiles, des mains habituées à se faire obéir ou, au contraire, depuis toujours résignées à se taire, des mains sages comme des images, croisées, enfantines, sur la toile cirée, dociles comme le vieux chien sous la table, des mains agacées d’un rien, passant et repassant là où le propos démange. Soudain une ombre. Celle du souvenir, de la perte, du regret.