Aux Forges de Vulcain – août 2019 – 254 pages
Quatrième de couverture :
Tchernobyl, 1986. Lena et Ivan sont deux adolescents qui s’aiment. Ils vivent dans un pays merveilleux, entre une modernité triomphante et une nature bienveillante. C’est alors qu’un incendie, dans la centrale nucléaire, bouleverse leur destin. Les deux amoureux sont sépares. Lena part avec sa famille en France, convaincue qu’Ivan est mort. Ivan, de son côté, ne peut s’éloigner de la zone, de sa terre qui, même sacrifiée, reste le pays de ses ancêtres. Il attend le retour de sa bien-aimée. Lena grandit dans un pays qui n’est pas le sien. Elle s’efforce d’oublier. Un jour, tout ce qui est enfoui remonte, revient, et elle part retrouver ce qu’elle a quitté vingt ans plus tôt.
Auteur : Alexandra Koszelyk est née en 1976. Elle enseigne, en collège, le français, le latin et le grec ancien.
Mon avis : (lu en novembre 2019)
En 1986, à Tchernobyl, Léna et Ivan sont meilleurs amis et passent tout leur temps ensemble, ils s’aiment. Mais un soir d’avril, le père de Léna, ingénieur, rentre à la maison, paniqué, un incendie vient de se déclencher dans la centrale nucléaire, il faut fuir immédiatement. Léna quitte Pipriat avec sa famille pour la France, sans pouvoir faire ses adieux à Ivan. En France, Lena et sa famille ont dû s’adapter à un nouveau style de vie, à de nouvelles coutumes. Lena n’a jamais oublié sa terre d’origine et Ivan, qu’elle pense mort. Ivan, fils de paysan, est resté en Ukraine, proche de la zone d’exclusion de Tchernobyl.
Vingt ans plus tard, Lena revient en Ukraine pour tenter de retrouver son pays d’enfance, elle est une touriste pas comme les autres…
Dans ce premier roman réussi, l’auteur évoque une catastrophe mondialement connue et ses conséquences, il est question d’exil, d’amour, de lecture pour se reconstruire et de nature.
Extrait : (début du livre)
Quand Léna arrive à Kiev, elle ne s’attend à rien ou plutôt à tout. Des odeurs de son enfance, la musique de sa langue natale, les dernières images avant son exil. Mais de fines particules assombrissent les lumières de la ville, la grisaille embrume ses souvenirs. Des silhouettes la frôlent et semblent appartenir à un autre temps. Quand elle remonte le col de sa veste, un homme lui fait signe de l’autre côté de la rue puis s’approche. À quelques mètres d’elle, il découvre son erreur : il l’a prise pour une autre. Elle comprend à peine ses excuses en russe. Léna regarde la silhouette, celle-ci n’est déjà plus qu’un point à l’horizon.
« À la prochaine à droite, vous serez arrivé à votre destination. »
La voix métallique du GPS la sort de sa rêverie. Au bout de l’allée clignotent les néons de l’agence de voyages. Elle pousse la porte, de l’air chaud enveloppe ses mollets. Derrière le comptoir se tient une femme qui lui tend un dépliant. Ici, une seule destination est proposée.
« Pour vous rendre dans la ville fantôme Pripiat, vous prendrez notre bus. Il y a un seul aller-retour par jour. Quand vous serez dans la zone contaminée, vous ne resterez jamais seule. Vous suivrez la guide et resterez avec votre groupe. Deux conditions à remplir pour y accéder : vous devez me certifier que vous avez plus de dix-huit ans et que vous n’êtes pas enceinte. Vous signerez ce papier en deux exemplaires. Un pour vous, un pour moi. »
Le prix annoncé est élevé, mais Léna ne tergiverse pas quand elle dépose cinq cents dollars sur le comptoir. La femme au tailleur vert compte un à un les vingt-cinq billets de vingt dollars. Elle mouille son doigt puis l’applique sur le coin du billet. Une petite trace se forme avant de s’évanouir. L’hôtesse en fait un tas ordonné puis les range dans une boîte rouillée. Lorsqu’elle la referme, le grincement remplit la pièce vide. D’un tiroir, elle sort un registre d’inscription. De la poussière tournoie quand elle le dépose sur son bureau.
« Il me reste une place pour demain. Mais peut-être est-ce trop tôt ? »
Léna n’ose y croire, elle fixe la femme quelques secondes, puis sourit en signe d’acquiescement. Quand elle repasse le seuil de l’agence, le ciel lui semble moins gris.