Un silence brutal – Ron Rash

Lu en partenariat avec Babelio et Gallimard

71GZxnmxINL Gallimard – mars 2019 – 272 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez

Titre original : Above The Waterfall, 2015

Quatrième de couverture :
Dans cette contrée de Caroline du Nord, entre rivière et montagnes, que l’œuvre de Ron Rash explore inlassablement depuis Un pied au paradis, un monde est en train de s’effacer pour laisser la place à un autre. Le shérif Les, à trois semaines de la retraite, et Becky, poétesse obsédée par la protection de la nature, incarnent le premier. Chacun à sa manière va tenter de protéger Gerald, irréductible vieillard amoureux des truites, contre le représentant des nouvelles valeurs, Tucker. L’homme d’affaires, qui loue fort cher son coin de rivière à des citadins venus goûter les joies de la pêche en milieu sauvage, accuse Gerald d’avoir versé du kérosène dans l’eau, mettant ainsi son affaire en péril. Les aura recours à des méthodes peu orthodoxes pour découvrir la vérité. Et l’on sait déjà qu’avec son départ à la retraite va disparaître une vision du monde dépourvue de tout manichéisme au profit d’une approche moins nuancée.

Auteur : Né en 1953 en Caroline du Sud, Ron Rash est d’abord un poète qui doit à ses lointaines origines galloises le goût des légendes celtes. Son œuvre, inspirée par la nature de la région des Appalaches où il vit et par son admiration pour William Faulkner, Jean Giono et Dostoïevski, comprend notamment cinq recueils de nouvelles dont un traduit en français. Ses sept romans sont désormais tous publiés en France. Récompensé par le Frank O’Connor Award, le Sherwood Anderson Prize et le O. Henry Prize aux États-Unis, et en France par le Grand Prix de littérature policière, il est considéré comme l’un des plus grands auteurs américains contemporains. Il enseigne la littérature à la Western Carolina University.

Mon avis : (lu en mars 2019)
Au cœur des Appalaches, au milieu de la nature, entre une rivière et des montagnes… Le shérif Les, à quelques semaines de sa retraite, règle les affaires courantes.
Mais la rivière qui attire les clients du lodge de pêche de Tucker a été volontairement empoisonnée. Et tout accuse le vieux Gerald, voisin marginal du domaine, en conflit avec Tucker. Becky, garde forestière du Parc de Locus Creek et amie de Les et de Gerald, n’y croit pas, le vieux aime trop la nature pour être coupable d’un tel acte. Elle va tout faire pour convaincre Les.
Les et Becky sont tour à tour les narrateurs de cette histoire, ils sont tous les deux des taiseux et leur passé a été lourd et douloureux, cela renforce leur amitié et complicité.
La nature est également un personnage de ce livre, le lecteur la perçoit et la ressent parfaitement au travers des descriptions minutieuses des paysages faites par l’auteur, il nomme dans le détail de nombreux végétaux et animaux…
C’est un roman poétique, une ode à la nature, un cri d’alerte pour la sauvegarde de la nature tellement meurtrie par les hommes, l’industrie, le profit…

Extrait : (début du livre)
Alors que le soleil colore encore les montagnes, des êtres aux ailes de cuir noir tournoient déjà à faible hauteur. Les premières lucioles clignotent, indolentes. Au-delà de cette prairie des cigales s’emballent et ralentissent comme autant de machines à coudre. Tout le reste paré pour la nuit, hormis la nuit elle-même. Je regarde l’ultime lueur s’élever au-dessus de la rase campagne. Au sol des ombres suintent et s’épaississent. Des arbres en cercle forment des rives. La prairie se mue en étang qui s’emplit, à la surface des dizaines de suzannes-aux-yeux-noirs.
Je m’assieds sur un sol qui fraîchit, bientôt humide de rosée. Près de moi une charrue à versoir abandonnée de longtemps. Des lianes de chèvrefeuille enroulent leurs verts cordons, des fleurs blanches accrochées là comme de petites ampoules de Noël. J’effleure un manche qu’ont poli rotations de poignet et suantes étreintes. Le souvenir des mains de mon grand-père, rondes de cals et aussi lisses que des pièces de monnaie usées. Un matin je l’avais regardé parcourir le champ, la rame d’acier faisant onduler la terre. Dans son sillage une vague arrêtée de sillon scintillant. Mais cette charrue s’est lassée et endormie. Depuis combien de temps gît-elle là ? Dix ans peut-être, puisque jeunes arbres et salsepareille se dressent parmi le barbon à balais. Dominant tout le reste, ces fleurs jaune d’or aux pétales déployés, épanouis. Ce qui m’a amenée ici.
Un cerf émerge de la forêt, le museau au vent, le pas monté sur échasses, puis une pause pour retrouver l’aplomb, une autre un sabot en l’air. Autour de moi monte l’obscurité. Les suzannes-aux-yeux-noirs flottent tels des nénuphars. Tout le reste disparaît mais elles conservent leur éclat jaune. Miroirs de lune, fantômes de soleil. Rêve latent. Quand le lac nocturne submerge ses rives, je prends le sentier qui me ramène au pick-up du parc régional. Une autre fois peut-être, avait répondu Les à mon invitation, prétextant des tâches de shérif à accomplir. La pente du chemin s’accentue. Quand je me retourne pour voir la prairie, le noir et rien d’autre.
Lascaux. Quelle merveille d’avoir fait pareille descente. Bois à flambeau enduit de poix écouvillonnant la roche de clarté. Embardées, dénivelés, pans inclinés. Ténèbres accourues derrière chaque pas. Puis les découvrir là dans le cœur évidé de la grotte – bisons et bouquetins, mais d’autres aussi perdus à jamais partout ailleurs : tigres à dents de sabre et mammouths laineux, grand cerf des tourbières. Tous animés dans la lumière vacillante, sanglés de courbes de pierre. Parmi tout cela l’empreinte runique de la main humaine. Où d’autre un voile artistique plus ténu entre nous et le monde ? Qu’il est étrange que les griffonnages à la plume d’oie de Hopkins m’en fassent voir davantage. Invisager avant de voir. Mais le premier message, là, au creux des parois de la grotte. Quel prodige monte et se répercute encore de l’étage inférieur du monde.

Déjà lu du même auteur :

le_monde___l_endroit Le monde à l’endroit

petit bac 2019(3) Adjectif

Retour sur la rencontre Babelio :
bannrash

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La Daronne – Hannelore Cayre

logo prix audiolib 2019

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Audiolib – juillet 2018 – 4h43 – Lu par Isabelle de Botton

Métailié – mars 2017 – 176 pages

Points – mars 2018 – 192 pages

Quatrième de couverture :
« Alors que j’entamais ma nouvelle carrière, Philippe, mon fiancé flic, prenait son poste comme commandant aux stups de la 2e DPJ.
— Comme ça on se verra plus souvent, m’a-t-il dit, réjoui, en m’annonçant la nouvelle deux mois auparavant, le jour de sa nomination.
J’étais vraiment contente pour lui, mais à cette époque je n’étais qu’une simple traductrice-interprète judiciaire et je n’avais pas encore une tonne deux de shit dans ma cave. »
Comment, lorsqu’on est une femme seule, travailleuse avec une vision morale de l’existence… qu’on a trimé toute sa vie pour garder la tête hors de l’eau… qu’on a servi la justice sans faillir, traduisant des milliers d’heures d’écoutes téléphoniques avec un statut de travailleur au noir… on en arrive à franchir la ligne jaune ? Rien de plus simple, on détourne une montagne de cannabis d’un Go Fast et on le fait l’âme légère, en ne ressentant ni culpabilité ni effroi, mais plutôt… disons… un détachement joyeux. Et on devient la Daronne.

Auteur : Hannelore Cayre est avocate pénaliste, elle est née en 1963 et vit à Paris. Elle est l’auteure, entre autres, de Commis d’office, Toiles de maître et Comme au cinéma. Elle a réalisé plusieurs courts métrages, et l’adaptation de Commis d’office est son premier long métrage.

Lecteur : Comédienne, révélée au grand public par le Théâtre de Bouvard, Isabelle de Botton a débuté au café-théâtre. Au théâtre on a pu la voir dans L’Intoxe, C’est encore mieux l’après-midi, Existe en trois tailles ou Le Gros n’Avion. Elle a également interprété Maupassant, Jules Renard, ou des textes contemporains comme Brèves de Comptoir, Après la Pluie, Les Monologues du Vagin, ou La Parisienne d’Alexandrie, relatant son enfance égyptienne sous Nasser. Au cinéma, elle a notamment tourné dans L’An 01, Les Bronzés font du ski et Merci la Vie de Bertrand Blier. Elle a aussi écrit pour le théâtre, la radio et a été scénariste de plusieurs téléfilms.

Mon avis : (relu en avril 2019)
Patience Portefeux, 53 ans, est veuve, ses deux filles sont adultes mais elle doit assumer financièrement sa mère qui vit en EPHAD.
Patience est une employée modèle auprès du ministère de la justice, elle est traductrice-interprète judiciaire en langue arabe pour les prévenus ou pour des écoutes téléphoniques. Mal payée et surtout sans être déclarée, Patience réalise qu’elle n’aura pas de retraite aussi, lorsque l’occasion se présente de pouvoir récupérer un stock de cannabis, elle va devenir « la Daronne »…
Voilà un polar social, très original et plein d’humour. C’est vraiment savoureux à écouter car politiquement incorrect, la Daronne réussit à se retrouver dans des situations impossibles mais la chance est avec elle ! Personnage attachant, le lecteur suit ses aventures en espérant qu’elle ne se fasse pas attraper ni par les gendarmes ou la police, ni par les trafiquants de drogues… Vous n’êtes pas au bout de vos surprises !

Extrait : (début du livre)
Mes fraudeurs de parents aimaient viscéralement l’argent. Pas comme une chose inerte qu’on planque dans un coffre ou que l’on possède inscrit sur un compte. Non. Comme un être vivant et intelligent qui peut créer et tuer, qui est doué de la faculté de se reproduire. Comme quelque chose de formidable qui forge les destins. Qui distingue le beau du laid, le loser de celui qui a réussi. L’argent est le Tout ; le condensé de tout ce qui s’achète dans un monde où tout est à vendre. Il est la réponse à toutes les questions. Il est la langue d’avant Babel qui réunit tous les hommes.
Il faut dire qu’ils avaient tout perdu, y compris leur pays. Il ne restait plus rien de la Tunisie française de mon père, rien de la Vienne juive de ma mère. Personne avec qui parler le pataouète ou le yiddish. Pas même des morts dans un cimetière. Rien. Gommé de la carte, comme l’Atlantide. Ainsi avaient-ils uni leur solitude pour aller s’enraciner dans un espace interstitiel entre une autoroute et une forêt afin d’y bâtir la maison dans laquelle j’ai grandi, nommée pompeusement La Propriété. Un nom qui conférait à ce bout de terre sinistre le caractère inviolable et sacré du Droit ; une sorte de réassurance constitutionnelle qu’on ne les foutrait plus jamais dehors. Leur Israël.
Mes parents étaient des métèques, des rastaquouères, des étrangers. Raus. Une main devant, une main derrière. Comme tous ceux de leur espèce, ils n’avaient pas eu beaucoup le choix. Se précipiter sur n’importe quel argent, accepter n’importe quelles conditions de travail ou alors magouiller à outrance en s’appuyant sur une communauté de gens comme eux ; ils n’avaient pas réfléchi longtemps.

 

Le sourire de Rose – Sacha Goerg

71J9Ub+6wrL Arte / Casterman – mai 2014 – 102 pages

Quatrième de couverture :
Éloignez-vous de moi… C’est dangereux !

Auteur : Sacha Goerg est né en Suisse en 1975. Après une enfance dorée, il abandonne le chocolat helvétique pour le chocolat belge. De Bruxelles, il fonde et co-pilote les éditions de l’employé du Moi. Il y publie ses premiers récits et apprend à aller chez les imprimeurs pour choisir de beaux papiers. Après quelques années et quelques livres, il prend une longue pause dans sa carrière de dessinateur et s’amuse à peindre et construire des installations de plus en plus abstraites. Pendant cette période, il maintient son activité à l’employé du Moi et s’occupe activement de projets numériques chers à cet éditeur qui cherche à promouvoir l’art narratif en cases sous diverses formes digitales. En 2010 il revient à la bande dessinée et publie un peu plus tard La Fille de l’eau. Il continue depuis à s’activer sur de nombreux projets de récits, sous formes de fanzines en vente sur son site. ou sous format numérique.

Mon avis : (lu en avril 2019)
Voilà une BD prise au hasard à la Bibliothèque, attirée par le dessin aquarelle…

Desmond est un trentenaire un peu paumé, avec son ex-femme, il se dispute la garde de leur fils Théo. Il n’arrive jamais à imposer sa volonté et laisse le plus souvent son ex décider à sa place. Alors que Desmond court dans le rue pour rattraper la photo de son fils à laquelle il tient beaucoup, il fonce sur Rose à un coin de rue. Tous deux vont faire connaissance dans un café et Desmond se sent une attirance pour la jolie Rose. Mais cette dernière a quelques problèmes car elle est cleptomane…
Une intrigue pleine de surprises et de rebondissements qui donne envie de lire cette BD d’une traite…

Extrait : (début de la BD)

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petit bac 2019(3) Végétal

Une fille au manteau bleu – Monica Hesse

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Gallimard Jeunesse – octobre 2016 – 349 pages

Gallimard Jeunesse – février 2019 – 368 pages

traduit de l’anglais par Anne Krief

Titre original : Girl in the Blue Coat, 2015

Quatrième de couverture :
« La jeune fille qui a disparu est juive. Il faut que tu la retrouves avant les nazis. »
Amsterdam, 1943. Hanneke sillonne à vélo les rues de la ville afin de se procurer au marché noir des marchandises qu’on lui commande. Ses parents ignorent tout de ses activités clandestines. Un jour, l’une de ses clients lui fait une requête particulière. Il s’agit de retrouver une jeune fille qu’elle cachait chez elle et qui a disparu. Elle s’appelle Mijam Roodvelt. Elle est juive.Un écho vibrant au «Journal d’Anne Frank». Monica Hesse, journaliste au «Washington Post», retrace de façon saisissante la vie, ordinaire et extraordinaire, des jeunes d’Amsterdam sous l’occupation.

Auteur : Monica Hesse est journaliste au Washington Post. En 2015, elle publie « Une fille au manteau bleu » (Girl in the Blue Coat). Elle vit à Washington avec son mari.

Mon avis : (lu en avril 2019)
A travers cette histoire, le lecteur découvre l’histoire des Pays-Bas sous l’occupation. En 1943, à Amsterdam, alors qu’Anne Frank, cachée dans un grenier, rédige son fameux Journal, Hanneke travaille dans un magasin de pompes funèbres. Pour faire vivre sa famille, avec la complicité de son employeur, elle fait du marché noir en utilisant les tickets de rationnement trouvés sur les morts. Hanneke est ingénieuse et débrouillarde, elle se joue du danger pour contenter ses clients… Un jour, l’une d’elle, lui demande un service, retrouver Mirjam Roodvelt, une juive de 15 ans qui se cachait chez elle, et qui a disparu. Comme seul indice, Mirjam portait un manteau bleu… Hanneke hésite mais touchée par la détresse de sa cliente, elle décide de se renseigner. Elle va croiser la route d’Ollie, le frère de Bas, son amoureux mort à la guerre quelques mois plus tôt. Ce dernier est engagé dans un mouvement étudiant de résistance et Hanneke découvre avec stupeur la réalité des traitements subis par les juifs à cette époque aux Pays-Bas…

Ce livre, très documenté, est émouvant et captivant, il raconte une histoire profondément humaine où il est question d’amitié et de solidarité durant l’occupation allemande.

Extrait : (début du livre)
Un jour, longtemps avant la mort de Bas, nous avons fait semblant de nous disputer pour savoir qui de nous deux était tombé amoureux le premier. « C’est ta faute, m’a-t-il dit, parce que tu es adorable. » Je lui ai répondu qu’il se trompait. Que c’était un peu facile de m’accuser. C’était même irresponsable.
Je me rappelle toute cette conversation. Ça se passait chez ses parents, dans le salon, et nous étions réunis autour du nouveau poste de radio familial pendant que je lui posais des questions sur un devoir de géométrie qui ne nous intéressait ni l’un ni l’autre. L’Américaine Judy Garland chantait You Made Me Love You. C’est comme ça que la discussion avait commencé. Bas a dit que c’était moi la responsable s’il m’aimait. Je me suis moquée de lui parce que je ne voulais pas qu’il sache combien mon cœur s’emballait en l’entendant prononcer les mots « aimer » et « toi » dans la même phrase.
Et puis il a dit que c’était aussi ma faute s’il avait envie de m’embrasser. Après quoi je lui ai dit que c’était sa faute si je le laissais faire. Là-dessus, son frère aîné est entré dans la pièce et nous a dit que c’était notre faute si notre discussion lui donnait mal au cœur.
Ce n’est que bien plus tard ce même jour, en rentrant à la maison – à l’époque où je pouvais encore rentrer à la maison sans m’inquiéter d’être contrôlée par les soldats ou de rater l’heure du couvre-feu ou d’être arrêtée – que j’ai réalisé que je ne le lui avais pas dit en retour. La première fois qu’il m’avait dit qu’il m’aimait, j’avais oublié de le lui dire aussi.
J’aurais dû. Si j’avais su ce qui allait arriver et ce que j’allais découvrir sur l’amour et la guerre, je me serais arrangée pour le lui dire à ce moment-là.
C’est bien ma faute.

petit bac 2019(3) Objet

 

Ça raconte Sarah – Pauline Delabroy-Allard

logo prix audiolib 2019

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Audiolib – mars 2019 – 4h40 – Lu par Clara Brajtman

Les Éditions de Minuit – septembre 2018 – 188 pages

Quatrième de couverture :
Ça raconte Sarah, sa beauté mystérieuse, son nez cassant de doux rapace, ses yeux comme des cailloux, verts, mais non, pas verts, ses yeux d’une couleur insolite, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte Sarah la fougue, Sarah la passion, Sarah le soufre, ça raconte le moment précis où l’allumette craque, le moment précis où le bout de bois devient feu, où l’étincelle illumine la nuit, où du néant jaillit la brûlure. Ce moment précis et minuscule, un basculement d’une seconde à peine. Ça raconte Sarah, de symbole : S.

Auteur : Pauline Delabroy-Allard est née en 1988. Ça raconte Sarah est son premier roman.

Lecteur : Clara Brajtman s’est formée au Conservatoire du XXe arrondissement de Paris. Elle a travaillé au théâtre en France et en Italie avec notamment Luca Giacomoni, Nick Millet ou Fanny Zeller. Passionnée par le travail de la voix, elle est également chanteuse et se spécialise dans le répertoire français des années 20 aux années 40, et dans le répertoire swing des standards américains. Elle a monté un récital autour de l’œuvre de Boris Vian pour faire résonner sa production littéraire et son œuvre musicale.

Mon avis : (écouté en avril 2019)
Je n’ai pas du tout aimé cette lecture.
Ce livre raconte une histoire d’amour dévorante, destructrice entre deux femmes. Une première partie est consacrée à la rencontre, à l’éveil des sens, à la passion amoureuse. Dans la seconde partie, c’est la fin de l’histoire, dans la violence et la douleur.
Je n’ai pas été touchée par ces deux femmes, Sarah et la narratrice. J’en ai eu vite assez de ses plaintes répétitives et monotones… Tout cet étalage de sentiments poussés à l’extrême m’a vraiment ennuyé et absolument pas intéressé !

Extrait : (début du livre)
Dans la pénombre de trois heures du matin, j’ouvre les yeux. Je meurs de chaud, mais je n’ose pas me lever pour ouvrir la fenêtre un peu plus grand. Je suis couchée dans son lit, dans cette chambre que je connais si bien, près de son corps enfin endormi après une longue lutte contre les angoisses qui mangent tout, la tête, le ventre, le cœur. Nous avions beaucoup parlé, pour les éloigner, les repousser aux frontières de la nuit, nous avions fait l’amour, j’avais caressé son corps pour l’apaiser. J’avais laissé glisser ma main le long de ses épaules, puis le long de ses bras, je m’étais pelotonnée contre son dos et j’avais longuement pétri la chair tendre de ses fesses. J’avais guetté sa respiration, en attendant que le souffle court devienne léger, que les hoquets de larmes s’espacent, que la paix trouve enfin le chemin.

Il fait si chaud, dans cette pièce. Je voudrais bouger, un peu, sentir l’air sur mon visage. Mais son corps touche le mien, sa main est posée sur mon bras, et bouger risquerait de faire vaciller l’édifice que j’ai mis tant de temps à construire. Son sommeil est comme un château de sable. Un mouvement et ça se casse la gueule. Un mouvement et ses yeux s’ouvrent grand. Un mouvement et il faut tout recommencer. J’écoute le ronronnement de son souffle plein de sommeil, il me donne envie de rire de plaisir, d’une gaieté enfin retrouvée pour un instant. Je voudrais suspendre la nuit et écouter ce bourdonnement pendant des heures et des heures, des jours et des jours, puisqu’un bourdonnement ça veut dire je vis, ça veut dire j’existe, ça veut dire je suis là. Et moi je suis là aussi, à côté.

Mon corps brûlant reste parfaitement immobile. Si ne pas renverser le château de sable de son sommeil signifie mourir de chaud alors je veux bien mourir de chaud. Dehors, dans cette nuit grisâtre que je perçois par la fenêtre, les oiseaux chantent. On dirait qu’ils sont mille, gazouillant à qui mieux mieux, fendant l’air dans tous les sens, comme les plus habiles des pilotes. Cette nuit de chaleur écrasante, c’est leur 14 Juillet à eux, ils font de la voltige aérienne et ils s’en donnent à cœur joie, inventant des figures toujours plus périlleuses. Dans les arbres lointains, des tourterelles banlieusardes saluent de leurs trilles stridents le tout petit matin qui pointe. Je regarde leurs ombres filer contre le ciel sale. Je crève de chaud. J’attends.

Retour à Killybegs – Pierre Alary et Sorj Chalandon

A1x33lTIx+L Rue de Sèvres – février 2019 – 162 pages

Présentation éditeur :
Tyrone Meehan figure mythique de l’IRA et traître à la cause nationaliste irlandaise pendant une vingtaine d’années a été dénoncé par les Anglais. « Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L’IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n’ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j’en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi, et j’enrage. N’écoutez rien de ce qu’ils prétendront. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m’avoir connu. Personne n’a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd’hui, c’est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu’après moi, j’espère le silence ». Tyrone Meehan raconte sa vie gâchée, la violence familiale, sa confusion jusqu’à sa trahison. Retour à Killybegs respire la passion et le désespoir d’un homme qui, un jour, n’a pas eu le choix et s’est enfoncé dans la nuit et dans la honte.

Auteurs : Pierre Alary est né en 1970. En 1991, il intègre la prestigieuse école graphique des Gobelins à Paris. Il y reçoit un enseignement principalement tourné vers l’animation puis il est embauché aux studios Disney de Montreuil. Il y passera dix ans comme animateur sur TarzanKuzcole Bossu de notre Dame, et divers courts-métrages avant de se consacrer essentiellement à la bande dessinée. En 2001, paraît le premier tome de la série Les Échaudeurs des Ténèbres. L’aventure BD continue avec la série  Belladone scénarisée par Ange.  Suivront 3 tomes de Sinbad avec Arleston, puis l’adaptation de Moby Dick avec Olivier Jouvray. En 2013, commence la série Silas Corey scénarisée par Fabien Nury. En 2018, Mon Traître, adapté du roman de Sorj Chalandon.
Après trente-quatre ans à LibérationSorj Chalandon est aujourd’hui journaliste au Canard enchaîné. Ancien grand reporter, prix Albert-Londres (1988), il est aussi l’auteur de sept romans, tous parus chez Grasset. Le Petit Bonzi (2005), Une promesse (2006 – prix Médicis), Mon traître (2008), La Légende de nos pères (2009), Retour à Killybegs (2011 – Grand Prix du roman de l’Académie française), Le Quatrième Mur (2013 – prix Goncourt des lycéens) et Profession du père (2015).

Mon avis : (lu en avril 2019)
Après « Mon traître » en BD, voici « Retour à Killybegs » en BD, qui donne la parole à Tyrone, celui qui a trahi les siens.
Tyrone, figure emblématique de l’IRA, vit maintenant isolé dans un coin d’Irlande, il est de retour dans le village de son enfance… Et il prend la plume pour expliquer…
Il revient sur l’histoire de sa vie : son enfance difficile, la violence, ses idées, ses choix, l’IRA, et surtout ce qui l’a amené à trahir. Il n’a pas eu le choix et il est désespéré.
Il ne veut pas que les autres parlent à sa place… que ce soient les journalistes, les membres de l’IRA, les Britanniques, ses proches…
Il veut donner sa version des faits.
Cette BD est une adaptation très réussie du livre de Sorj Chalandon, qui nous permet de mieux comprendre et connaître cette période obscure et pas si lointaine de la guerre en Irlande.

Extrait :

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Déjà lu du même auteur : 

Retour___Killybegs  Retour à Killybegs  mon_traitre_p Mon traître 

51WxWBnZd1L Mon traître 

C’est lundi, que lisez-vous ? [66]

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C’est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé maintenant par Camille

Qu’est-ce que j’ai mis en ligne cette semaine ?

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Appelez-moi Nathan – Catherine Castro et Quentin Zuttion
La Toile du monde – Antonin Varenne

Qu’est-ce que je lis en ce moment ?

Tous, sauf moi – Francesca Melandri (partenariat Babelio)
Ça raconte Sarah – Pauline Delabroy-Allard (Prix Audiolib 2019)

Que lirai-je les semaines prochaines ?

L’art de la joie – Goliarda Sapienza (Prix Audiolib 2019)
Martin Eden – Jack London (Prix Audiolib 2019)
Le Magicien – Magdalena Parys (Masse Critique Babelio)
Boréal – Sonja Delzongle (partenariat Folio)
Un dieu dans la poitrine – Philippe Krhajac (partenariat Folio)

Bonnes lectures et bonne semaine !

La Toile du monde – Antonin Varenne

logo prix audiolib 2019

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Audiolib – février 2019 – 9h46 – Lu par Julien Defaye

Albin Michel – août 2018 – 352 pages

Quatrième de couverture :
1900, Exposition Universelle de Paris. Aileen Bowman, trente-cinq ans, journaliste,
célibataire, est venue couvrir l’événement pour le New York Tribune. Née d’un
baroudeur anglais et d’une française utopiste, élevée dans le décor sauvage des
plaines du Nevada, Aileen est une femme affranchie de tout lien et de toute
morale, mue par sa passion et ses idéaux humanistes. Au fil d’un récit qui nous
immerge au coeur de la ville en chantier, du métropolitain naissant aux quartiers
des bordels chers aux peintres, la personnalité singulière d’Aileen se confond
avec la ville lumière. Un portrait en miroir qui dessine la toile du monde, de
l’Europe à l’Amérique, du XIXe et au XXe siècle, du passé d’Aileen à un destin qu’elle n’imagine pas.
La Toile du monde possède le souffle sensuel et l’énergie des grands romans
qui plient la réalité aux dimensions du rêve. Après Trois mille chevaux-vapeur et
Équateur, Antonin Varenne signe une oeuvre saisissante et confirme la singularité
de son talent.

Auteur : De nombreuses fois couronné pour ses romans noirs (Fakirs ; Le Mur, le Kabyle et le Marin…), Antonin Varenne, dans la lignée des grands noms du genre, livre avec La Toile du monde une oeuvre romanesque remarquable. Il est également l’auteur, chez Albin Michel, de deux romans d’aventures : Trois mille chevaux-vapeur (2014) et Équateur (2017). Né à Paris en 1973, il vit actuellement dans la Creuse.

Lecteur : Julien Defaye est comédien et photographe. Il se forme à l’école Nationale d’Arts Décoratifs de Limoges puis à l’École régionale des beaux-arts de Nantes. Il étudie ensuite le cinéma à l’Université de Québec de Montréal et investit le champ théâtral sous divers angles : jeu, scénographie, création vidéo, lectures, atelier. Il travaille ainsi avec plusieurs metteurs en scène, en tant que plasticien ou réalise la création vidéo de spectacles ainsi que la scénographie.

Mon avis : (écouté en avril 2019)
Cette lecture m’a laissée sur ma faim et m’a déçue.
1900, Paris. A l’occasion de l’Exposition Universelle, Aileen Bowman, jeune journaliste américaine, débarque sur le vieux continent pour couvrir l’événement. Avec ses pantalons, son chapeau, sa grande chevelure rousse et ses grandes idées, elle ne passe pas inaperçue…  Aileen est un personnage haut en couleur. Progressiste, féministe, elle aime l’aventure. Élevée dans un ranch dans le Nevada, parmi les indiens et les bêtes, elle n’a peur de rien. Elle parle parfaitement le français car sa mère venait d’Alsace et ce voyage est l’occasion de découvrir ses origines.
Au début de ma lecture, j’étais enthousiaste par les descriptions de Paris en pleine mutation, par l’effervescence autour de l’Exposition Universelle, par la rencontre d’Aileen avec le peintre Julius LeBlanc Stewart (personnage réel).
De même, les articles d’Aileen pour le journal La Fronde sont audacieux et très réussis.
Mais au fil de ma lecture, j’ai peu à peu décroché car beaucoup de sujets sont abordés, cela manque de cohérence et cela reste en surface et manque de profondeur.
Rien à reprocher au lecteur qui raconte parfaitement cette histoire foisonnante, mais cela ne rattrape pas les défauts de ce roman.

Extrait : (début du livre)
New York Tribune, mars 1900
De notre envoyée spéciale Aileen Bowman

LE VENT DE L’AVENIR

C’est à bord d’un paquebot français que nous avons embarqué, avec mille autres passagers, à destination de Paris bientôt illuminée de millions de lumières.
Le Touraine, par un hasard curieux, est le dernier vaisseau de la Compagnie générale transatlantique à être encore gréé. Ajoutées à la vapeur, ses voiles jettent leurs ombres rondes sur le pont métallique. Le coton des toiles, alors que nous voguons vers la plus grande Exposition universelle jamais imaginée, fait figure de vieille tradition, d’hommage à une ancienne marine et un ancien temps. Le blanc coton de notre Sud, richesse des empires, sur lequel roule le panache noir des cheminées à charbon. Le bruit du vent est couvert par le sifflement de la chaudière. Mais aussi différentes que soient les forces propulsant le Touraine, elles nous mènent ensemble. L’étrave du navire, sans faiblir, tranche les vagues de l’Atlantique.
Un vieil oncle – rude pionnier d’une époque disparue – avait coutume de me raconter l’héroïque conquête du continent américain. Il concluait ses récits, un sourire aux lèvres, par cette phrase devenue formule magique pour l’enfant que j’étais : « L’Amérique ne connaît qu’une seule direction, l’ouest ». Pourtant, durant les six prochains mois, les boussoles de la planète ne connaîtront plus qu’un pôle, un nord éphémère et brillant : Paris.
Cette traversée vers l’Europe, pour nous, citoyens de la jeune nation américaine, est un voyage vers les origines. De telles idées – ou peut-être les voiles du navire ? – font naître à bord un sentiment surprenant, en route vers cette gigantesque exhibition de nouvelles technologies : la nostalgie. Particulière émotion, attachée à un objet qui lui échappe, le passé déjà consumé. Si la mémoire était une pomme, la nostalgie serait le ver qui s’en nourrit et dévore sa demeure.
L’évidence est là : en célébrant un siècle neuf, nous refermerons la porte de celui dans lequel nous sommes nés. Une menace plane sur nos souvenirs : le progrès, dans son empressement, balayera-t-il notre mémoire ? Parmi les passagers du Touraine, tout le monde ne s’encombre pas de tels doutes.

Déjà lu du même auteur :

9782356417251-T Trois mille chevaux-vapeur

petit bac 2019(2) Objet

A la télé…

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Ce soir et mercredi prochain, le nouveau téléfilm de Josée Dayan,
Quand sort la recluse, adaptation du roman de Fred Vargas.
Diffusion :les mercredis 10 et 17 avril, à 21 heures sur France 2.

avec Jean-Hugues Anglade, Jacques Spiesser, Sylvie Testud, Elisabeth Depardieu, Corinne Masiero, Jérôme Kircher, Christian Vadim, Aymeric Demarigny, Pierre Arditi, Julia Duchaussoy, Bernard Verley, Jacques Bonnaffé, Michel Sidobre

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