Michalon – septembre 2015 – 208 pages
Quatrième de couverture :
« Aujourd’hui, je vois des femmes SDF partout, à chaque coin de rue… Ces invisibles, je les ai pourtant longtemps cherchées pour évaluer et valider cette incroyable donnée : en France, 40% des SDF sont des femmes, deux sur cinq ! Au premier regard, elles n’ont pas l’air de sans-abri, sont correctement habillées, semblent prendre soin d’elles tout en essayant de gommer leur féminité afin de se protéger.
Pour rendre visible cette réalité sociale méconnue, je suis partie à leur recherche. J’ai passé cinq mois avec ces oubliées, sur les trottoirs parisiens, dans les gares, les bus, les parkings souterrains, les associations. En plein hiver, pour tenter de comprendre comment elles ont basculé et comment elles survivent. Elles s’appellent Catherine, Julie, Anna, Sophie… Certaines ont vingt ans,d ‘autres approchent la soixantaine… Autant de parcours singuliers, qui m’ont particulièrement touchée. »
Une « immersion » dans le quotidien de ces invisibles, un livre de rencontres et d’impressions, né d’un documentaire réalisé pour France 5 et aujourd’hui adapté au cinéma.
Auteur : Claire Lajeunie est réalisatrice et productrice. Elle vit à Paris. La question des marginaux, des laissés-pour-compte est l’un de ses thèmes de prédilection. Elle a notamment réalisé « Les bébés secoués » pour France 2, « Que faire de nos fous ? » et « Enfants martyrs » pour France 3. Son dernier documentaire pour France 5, intitulé « Pauvres de nous », dévoile, de l’adolescence à la retraite, le visage sans compromis de la pauvreté.
Elle a collaboré à l’écriture du scénario du film « Les Invisibles ».
Mon avis : (lu en février 2019)
C’est grâce à la promotion du film « Les Invisibles » que j’ai découvert ce livre.
La journaliste-réalisatrice Claire Lajeunie a voulu rencontrer ces « Invisibles », ces femmes sans-domicile fixe qui se cachent pour survivre. Elle a passé cinq mois avec ces oubliées, Julie, Anna, Catherine, Sophie… Elle les a approché dans les gares, sur les trottoirs parisiens, dans le métro, les bus, les parkings souterrains ou dans des associations. Elle voulait essayer de comprendre comment elles ont basculé et comment elles arrivent à survivre. Elles sont très jeunes ou approchent la soixantaine…Ce livre nous raconte la vie quotidienne difficile de ces femmes qui n’ont plus rien et qui tentent de lutter pour garder dignité et espoir de s’en sortir. C’est la réalité et l’on voit également tout le travail de bénévoles et d’associations qui chaque jour, sans se résigner, tentent d’apporter du réconfort à celles et ceux devenus invisibles. Leurs histoires sont très différentes et l’on peut pas ne pas être touché. L’écriture est simple, directe, sans pathos.
Claire Lajeunie donne un visage à celles que l’on voit sans regarder à travers son livre mais également son documentaire diffusé sur France 5 en septembre 2015.
Extrait : (début du livre)
Avant propos
Depuis quinze ans, au fil de nombreux documentaires, je raconte le monde à ma façon : l’adoption, les bébés secoués, la violence routière, la psychiatrie, la maltraitance infantile… Ces sujets me passionnent et me permettent de plonger dans des univers interdits. On me dit souvent que ce sont des thèmes durs et graves, mais je sais qu’ils m’ont aussi beaucoup apporté. J’ai appris à relativiser mes petits problèmes et me suis construite grâce à toutes les personnes que j’ai rencontrées. Je pense souvent à elles. Ce sont leurs paroles et la force de leurs témoignages qui sont ma source d’énergie. J’ai été une des premières à parler du syndrome des bébés secoués. Dix ans après, j’ai retrouvé des enfants qui allaient mieux. Ce premier documentaire, que j’ai réalisé à l’hôpital Necker, a développé chez moi l’envie d’infiltrer des milieux un peu hors normes, d’aborder des sujets tabous, souvent douloureux. Un métier riche en émotions, qui me pousse à chercher toujours un peu plus loin pour raconter des histoires fortes et donner la parole à ceux qui souffrent en silence.
A chaque fois, je change de peau, j’usurpe une identité; je suis devenue presque «schizophrène». Un jour, je suis infirmière à l’hôpital Necker de Paris, un autre, policière à la Brigade des mineurs de Lille. Ce dédoublement de personnalité me fait avancer. Il n’est pas question de réparer des douleurs passées, enfouies, une enfance difficile. J’ai beau creuser, aucun traumatisme qui l’expliquerait. Je crois qu’on peut être attiré vers la souffrance sans l’avoir forcément vécue personnellement. J’aime les gens avec des failles et des faiblesses. Je veux dénoncer l’injustice. J’aurais pu être «psy», j’ai choisi d’être réalisatrice. À 13 ans, je savais déjà que je voulais faire ce métier.
Il y a trois ans, j’ai enquêté sur les familles monoparentales, du côté de ces femmes qui élèvent seules leurs enfants et qui vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1 000 euros par mois, des mères courages. J’ai vu des femmes qui étaient sur le «fil», prêtes à basculer à la moindre embûche. Des histoires de vies qui nous parlent.
J’ai eu alors envie d’aller plus loin, de trouver celles qui avaient perdu pied. Avec une obsession : tordre le cou aux idées reçues et montrer qu’on peut vivre dans la rue sans être dans la caricature de l’alcool et de la folie, même si ça existe. On peut «tomber dans la rue» et avoir eu une vie avant, parler plusieurs langues ou avoir fait des études.
Et si un jour, c’était moi ?