Les Vestiges du jour – Kazuo Ishiguro

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Calmann-Lévy – août 2001 – 266 pages

Folio – mars 2010 – 352 pages

traduit de l’anglais par Sophie Mayoux

Titre original : The Remains of the Day, 1989

Quatrième de couverture :
 » Les grands majordomes sont grands parce qu’ils ont la capacité d’habiter leur rôle professionnel, et de l’habiter autant que faire se peut ; ils ne se laissent pas ébranler par les événements extérieurs, fussent-ils surprenants, alarmants ou offensants. Ils portent leur professionnalisme comme un homme bien élevé porte son costume. C’est, je l’ai dit, une question de « dignité ».  » Stevens a passé sa vie à servir les autres, majordome pendant les années 1930 de l’influent Lord Darlington puis d’un riche Américain. Les temps ont changé et il n’est plus certain de satisfaire son employeur. Jusqu’à ce qu’il parte en voyage vers Miss Kenton, l’ancienne gouvernante qu’il aurait pu aimer, et songe face à la campagne anglaise au sens de sa loyauté et de ses choix passés…

Auteur : Kazuo Ishiguro, né à Nagasaki en 1954, vit en Grande-Bretagne depuis l’âge de cinq ans. En 1995, Kazuo Ishiguro a reçu le titre d’officier de l’Ordre de l’Empire britannique et en 1998 la France l’a fait Chevalier des Arts et des Lettres. Il habite Londres avec sa femme et sa fille. Il est l’auteur de : « Lumière pâle sur les collines » qui a remporté le Royal society of literature prize, « Un artiste du monde flottant » lauréat du Whitebread Book of the year en 1986. « Les Vestiges du jour » fut couronné par le Booker prize en 1989 et adapté par James Ivory avec Anthony Hopkins et Emma Thompson. Avec « L’Inconsolé », il remporta le Cheltenham prize en 1995.

Mon avis : (lu en janvier 2019)
J’avais déjà vu plusieurs fois le film adapté de ce livre en 1993 par James Ivory avec Anthony Hopkins et Emma Thompson avant de lire le roman de Kazuo Ishiguro. Mr Stevens est un majordome anglais qui a toujours dédié sa vie à son travail, en particulier auprès de Lord Darlington. Il s’est complètement oublié, en particulier lorsqu’il a travaillé longtemps auprès de la gouvernante Miss Kenton. Celle-ci avait manifestement des sentiments pour lui, et lui n’était pas indifférent à la jeune femme mais au nom de la « dignité » de son rôle de majordome et de son éducation, il n’avait jamais laissé paraître ses sentiments. 
Vingt ans plus tard, Darlington Hall appartient à un millionnaire américain, les positions de Lord Darlington durant l’entre-deux-guerres sont désormais mal vues. Mr Stevens, toujours majordome à Darlington Hall, a l’occasion de revoir Miss Kenton, devenue Mrs Benne à la suite d’un mariage décevant. Le lecteur va suivre le voyage en automobile dans la campagne anglaise de Mr Stevens, il revient sur ses souvenirs à la grande époque de Darlington Hall, sur des réflexions concernant sa fonction, et bien sûr sur ses retrouvailles avec Miss Kenton.
C’est un roman mélancolique, le bilan d’une vie, d’une époque révolue…
J’ai adoré le film et le jeu subtile des deux acteurs principaux. J’ai aimé découvrir le livre qui donne une part plus importante au personnage de Mr Stevens, celui-ci étant le narrateur, que dans le film.

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Extrait : (début du livre)
Il semble de plus en plus probable que je vais réellement entreprendre l’expédition qui tient depuis quelques jours une place importante dans mon imagination. Une expédition, je dois le préciser, que j’entreprendrai seul, dans le confort de la Ford de Mr. Farraday ; une expédition qui, telle que je l’envisage, me conduira à travers une des plus belles campagnes d’Angleterre jusqu’au West Country, et pourrait bien me tenir éloigné de Darlington Hall pendant cinq ou six jours. L’idée de ce voyage, je dois le souligner, est née d’une suggestion fort aimable émise à mon intention par Mr. Farraday lui-même voici presque quinze jours, tandis que j’époussetais les portraits dans la bibliothèque. En fait, si je me souviens bien, j’époussetais, monté sur l’escabeau, le portrait du vicomte Wetherby lorsque mon employeur entra, chargé de quelques volumes dont il désirait sans doute qu’on les remît en rayon. Remarquant ma présence, il profita de cette occasion pour m’informer qu’il venait précisément de parachever le projet de retourner aux États-Unis pour une période de cinq semaines, entre août et septembre. Cela annoncé, mon employeur posa ses volumes sur une table, s’assit sur la chaise longue et allongea les jambes. Ce fut alors que, levant les yeux vers moi, il déclara : « Vous vous doutez, Stevens, que je ne vous demande pas de rester enfermé dans cette maison pendant toute la durée de mon absence. Si vous preniez la voiture pour aller vous balader pendant quelques jours ? À en juger par votre mine, un petit congé ne vous ferait pas de mal. »
Devant une proposition aussi imprévue, je ne savais trop comment réagir. Je me rappelle l’avoir remercié de sa sollicitude, mais sans doute ne dis-je rien de très précis car mon employeur poursuivit :
« Je parle sérieusement, Stevens. Vous devriez vraiment prendre un petit congé. Je paierai la note d’essence. Vous autres, vous passez votre vie enfermés dans ces grandes maisons à vous rendre utiles, et quand est-ce que vous arrivez à voir ce beau pays qui est le vôtre ? »
Ce n’était pas la première fois que mon employeur soulevait cette question ; en fait, il semble sincèrement préoccupé par ce problème. Ce jour, cependant, il me vint une sorte de repartie tandis que j’étais juché là-haut sur l’escabeau ; repartie visant à souligner que dans notre profession, si nous ne voyons pas à proprement parler le pays en sillonnant la campagne et en visitant des sites pittoresques, nous « voyons » en fait une part d’Angleterre plus grande que bien des gens, placés comme nous le sommes dans des demeures où se rassemblent les personnes les plus importantes du pays. Certes, je ne pouvais exprimer ce point de vue à l’intention de Mr. Farraday sans me lancer dans un discours qui aurait pu paraître présomptueux. Je me contentai donc de dire simplement :
« J’ai eu le privilège, monsieur, de voir entre ces mêmes murs, au fil des années, ce que l’Angleterre a de meilleur. »
Mr. Farraday ne sembla pas comprendre cette remarque, car il continua sur sa lancée : « J’insiste, Stevens. Ce n’est pas bien qu’un gars ne puisse pas visiter son propre pays. Suivez mon conseil, sortez de la maison pendant quelques jours. »

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