Fleuve éditions – octobre 2018 – 408 pages
Quatrième de couverture :
À 48 ans et demi, divorcée et sans autre travail que l’écriture d’un manuel sur la sexualité des ados, Valentine décide de s’offrir une parenthèse loin de Paris, dans la vieille demeure familiale. Là-bas, entourée de sa mère Monette et du chat Léon, elle espère faire le point sur sa vie.
Mais à la faveur d’un grand ménage, elle découvre une série de photos de classe barbouillées à coups de marqueur noir. Ce mystère la fait vaciller, et quand son frère Fred débarque, avec son vélo et ses états d’âme, Valentine ne sait vraiment plus où elle en est.
Une seule chose lui semble évidente : elle est arrivée au terme de la première moitié de sa vie.
Il ne lui reste plus qu’à inventer – autrement et joyeusement – la seconde.
Auteur : Anne-Laure Bondoux a écrit une douzaine de romans pour la jeunesse, et son travail a été récompensé par de nombreux prix, en France comme à l’étranger. En 2015, elle a publié chez Fleuve Éditions Et je danse, aussi (coécrit avec Jean-Claude Mourlevat et vendu à plus de 150 000 exemplaires).
Mon avis : (lu en janvier 2019)
Valentine, 48 ans, divorcée depuis dix ans, a vraiment besoin d’une pause dans sa vie. Elle n’a pas de vrai travail, seulement la commande d’un guide pour adolescentes de 9 à 13 ans, qui ne l’inspire pas plus que cela. Et son ex-mari, engagé dans la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, lui annonce que si ce dernier est élu, il faudra que Valentine quitte son appartement, obtenu grâce à un passe-droit il y a de nombreuses années…
Pour fuir la solitude et ses angoisses, Valentine vient se réfugier en Corrèze, dans la maison de sa mère, Monette où le chat, Léon, est aussi le maître des lieux… Et Valentine se ressource dans le village de son enfance, elle retrouve des amis d’école, des souvenirs… Quelques jours plus tard, Fred, son grand-frère vient la rejoindre, il est inquiet pour sa sœur sujette à de fréquents malaises, il a besoin aussi d’une pause car son couple ne va pas bien. En alternance, l’histoire est racontée par l’auteure et par Fred qui tient son journal, au début, sur ses performances sportives mais il y ajoute aussi des pensées plus personnelles.
Avec humour, humanité et des personnages vraiment attachants, beaucoup de sujets sont abordés dans ce roman que j’ai dévoré en quelques jours : relations mère-fille, relation frère et sœur, la famille, les secrets de famille, la dépendance, le deuil…
Et si Valentine trouvait une nouvelle vie à construire…
Extrait : (début du livre)
Quelques minutes avant l’entrée du train en gare, Valentine courut s’enfermer dans les toilettes et vomit entièrement le menu Escapade acheté au bar ambulant de l’Intercités deux heures auparavant. Un ingrédient pas frais ? Peut-être. Valentine n’incrimina cependant ni le cheddar ni la tranche de jambon. Habituée depuis l’enfance à ces brutales régurgitations, elle en connaissait par cœur les prémices et en l’absence des symptômes du malaise vagal qui précédait d’ordinaire les vomissements, elle se trouva assez chanceuse.
Une fois les spasmes disparus, pompant l’eau au robinet de la cabine pour se rincer la bouche, elle s’interrogea néanmoins :
— Vomir, énonça-t-elle, songeuse, face à son reflet dans le miroir.
Un reflet pâle et implacable. Valentine entendait déjà les commentaires de sa mère au sujet des poches qu’elle avait sous les yeux : « Dis donc, on pourrait mettre une colonie de kangourous, là-dedans. Tu es sûre que ça va ? »
— Gerber, dégobiller, expulser, rendre…, continua-t-elle avec la concentration d’une candidate sur le plateau de « Pyramide » (le jeu télévisé préféré de sa mère, loin devant« Des Chiffres et des Lettres »). Recracher, rejeter. Bon, d’accord. Mais rejeter quoi ? Un corps étranger, un poison ?
Pour peu d’en savoir assez sur sa vie, n’importe qui aurait compris ce qu’elle vomissait, mais Valentine était Valentine, et malgré sa récente découverte de l’analyse jungienne, elle demeurait comme le commun des mortels, aveugle à elle-même. Elle quitta donc les toilettes sans être plus avancée, alla récupérer son manteau, son écharpe et le gros bouquin de Svetlana Alexievitch qu’elle avait, dans sa hâte, abandonnés à sa place, puis elle saisit la poignée télescopique de sa valise pour l’extraire de son logement, et attendit que le train s’arrête.
Jusqu’à l’âge de 76 ans et demi, Monette était venue la chercher à la gare au volant de son impossible Volvo break. Puis, l’ophtalmo lui ayant interdit de conduire à cause de sa cataracte, la vieille dame avait réduit ses trajets au strict minimum et Valentine avait dû se débrouiller toute seule pour monter à Lestrade. Lorsqu’elle prévenait suffisamment à l’avance, c’était Mme Champdavoine qui venait la chercher avec la voiturette électrique du conseil général, mais cette fois-ci, Valentine s’était bien gardée d’avertir quiconque de son arrivée. Elle s’était décidée subitement, la veille au soir, au retour d’une morne promenade dans les rues de Paris et après deux Martini, seule, debout dans la cuisine. Au moment de s’en servir un troisième, elle avait pris conscience que boire n’apaiserait en rien ses angoisses. Elle avait pêché son agenda dans les abysses de son sac à main, et elle avait consulté les pages de mars, puis d’avril, de mai…
Déjà lu du même auteur :
Les larmes de l’assassin
Pépites