L’intérêt de l’enfant – Ian McEwan

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Gallimard – octobre 2015 – 240 pages

Folio – avril 2017 – 240 pages

Gallimard – décembre 2018 – 6h05 – Lu par Marie-Christine Barrault

traduit de l’anglais par France Camus-Pichon

Titre original : The Children Act, 2014

Quatrième de couverture :
À l’âge de cinquante-neuf ans, Fiona Maye est une brillante magistrate spécialiste du droit de la famille. Passionnée, parfois même hantée par son travail, elle en délaisse sa vie personnelle et son mari Jack. Surtout depuis cette nouvelle affaire : Adam Henry, un adolescent de dix-sept ans atteint de leucémie, risque la mort. Les croyances religieuses de ses parents interdisant la transfusion sanguine qui pourrait le sauver, les médecins s’en remettent à la cour. Après avoir entendu les deux parties, Fiona décide soudainement de se rendre à l’hôpital, auprès du garçon. Mais cette brève rencontre s’avère troublante et, indécise, la magistrate doit pourtant rendre son jugement. Dans ce court roman, Ian McEwan allie avec justesse la froideur de la justice à la poésie et à la musicalité qui imprègnent la vie des personnages. Dans un style limpide, il crée une ambiance oppressante et fait preuve d’une complexité thématique impressionnante. Les certitudes se dérobent : où s’arrête et où commence l’intérêt de l’enfant ?

Auteur : Ian McEwan a passé une grande partie de sa jeunesse en Extrême-Orient, en Afrique du Nord (en Libye), et en Allemagne, où son père, officier dans l’armée britannique, était envoyé. Il a fait ses études à l’université du Sussex et l’université d’East Anglia, où il a été le premier diplômé du cours d’écriture créative créé par Malcolm Bradbury. Insolite et insolente, provocatrice, hautement originale, l’œuvre de Ian McEwan surprend par ses tours de force de concision et d’humour. L’auteur joue avec les énigmes qui sont l’essence de la narration. Tous ses romans affichent une parenté lointaine, sous forme de simulacre, avec l’énigme policière. Il a publié plusieurs nouvelles et romans pour adultes et, en 1994, «Le Rêveur», un recueil de nouvelles pour la jeunesse.

Lecteur : En quarante ans d’une brillante carrière au théâtre, au cinéma et à la télévision, Marie-Christine Barrault a combiné tous les genres, de la comédie au drame. C’est d’abord le cinéma qui la fait connaître avec Ma nuit chez Maud de Rohmer. Au théâtre, elle incarne les héroïnes de Tchékov, Claudel ou Duras et la télévision fait d’elle une inoubliable Marie Curie. Elle a brillé sur scène avec L’Allée du Roi de Françoise Chandernagor, ou Opening Night de John Cromwell.

Mon avis : (lu en décembre 2018)
C’est après avoir vu le film My Lady, que j’ai beaucoup aimé que j’ai eu envie de découvrir le livre dont c’est l’adaptation. Le scénario a également été écrit par l’auteur.
Le titre du livre, fait référence à une loi datant de 1989, The Children Act, qui définit les modalités de protection des enfants.
Fiona Maye, juge des affaires familiales à la Haute Cour de Londres. Sa charge aussi passionnante lui demande beaucoup de travail et d’énormes responsabilités.
Toute à son travail, Fiona délaisse peu à peu sa vie personnelle et son mari.
Lorsque l’histoire commence, Jack, son mari, pour la faire réagir, provoque une crise conjugale en lui annonçant qu’il va avoir une liaison…
Elle n’a pas le temps de s’effondrer car au même moment, elle est appelée pour une urgence, le cas complexe d’un jeune garçon, mineur, âgé de 17 ans et 9 mois, atteint de leucémie. Pour son traitement, il aurait besoin d’une transfusion sanguine mais lui et ses parents le refusent car ils sont témoins de Jéhovah. Fiona doit prendre une décision juste et rapide car la vie d’Adam est en jeu. Après avoir entendus les différentes parties au tribunal, fait exceptionnel, Fiona décide de rendre visite à Adam à l’hôpital.
Fiona découvre un adolescent intelligent, malicieux, plein de fraîcheur et enthousiaste. Elle est touchée par sa poésie, ses projets de musique.
Adam a grandi dans un environnement fermé et strict, il est reconnaissant d’être consulté, écouté par cette juge qui connaît tellement de choses. Elle lui ouvre une porte vers la liberté, vers des perspectives d’avenir…
La visite se conclue par une mélodie mélancolique irlandaise jouée au violon par Adam et chantée par Fiona avec les paroles du poème de Yeats, « Down by the Salley Gardens ».
Cette rencontre va les lier à jamais.
Adam voudra garder contact avec Fiona, pour la remercier. Il voit en elle un exemple, un modèle, une personne qui pourrait répondre aux nombreuses questions qu’il se pose sur la vie…

Fiona est un très beau personnage de juge, forte dans son travail, qui cache aux autres toute sa sensibilité. Elle exprime ses sentiments profonds, toute sa fragilité, en jouant du piano et lorsqu’elle se retrouve seule avec elle-même.
J’ai autant aimé les deux personnages de Fiona et Adam dans le film comme dans le livre, leur humanité authentique. La fine description psychologique de cette juge aux affaires familiales qui doit prendre et argumenter des décisions aux enjeux importants, sans se laisser influencer par sa vie personnelle. Et le portrait magnifique de cet adolescent honnête, vulnérable, pleins de questionnements.
J’ai retrouvé beaucoup d’images du film dans les descriptions précises de Ian McEwan, une exception, il pleut beaucoup à Londres dans le livre contrairement au film !

Dans la version audio, Marie-Christine Barrault incarne avec justesse et sensibilité Fiona.

Film : sortie en août 2018
réalisé par Richard Eyre avec Emma Thompson, Stanley Tucci, Fionn Whitehead
avec un scénario de Ian McEwan

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Extrait : (début du livre)
Londres. Une semaine après la Pentecôte. Pluie implacable de juin. Fiona Maye, juge aux affaires familiales, un dimanche soir, chez elle, allongée sur une méridienne, regardant fixement, au-delà de ses pieds gainés par un collant, le fond de la pièce, un pan de la bibliothèque installée en retrait de la cheminée, et de l’autre côté, près d’une haute fenêtre, la minuscule lithographie de Renoir représentant une baigneuse, achetée trente ans plus tôt pour cinquante livres. Sans doute un faux. Dessous, au centre d’une table ronde en noyer, un vase bleu. Aucun souvenir des circonstances de son acquisition. Ni de la dernière fois où elle y a mis des fleurs. Pas de feu dans la cheminée depuis un an. Le tic-tac irrégulier des gouttes de pluie noirâtres tombant dans l’âtre sur des feuilles de papier journal jauni roulées en boule. Un tapis de Boukhara sur le parquet ciré à larges lames. En lisière de son champ de vision, un piano demi-queue avec plusieurs photos de famille à cadre d’argent posées sur sa laque d’un noir profond. Par terre, au pied de la méridienne et à portée de main, la copie d’un jugement. Et Fiona couchée sur le dos, rêvant de tout envoyer par dix mètres de fond.
Dans sa main droite, son deuxième scotch coupé d’eau. Elle était encore sous le choc, mal remise d’un moment difficile avec son mari. Elle buvait rarement, mais le Talisker à l’eau du robinet l’apaisait, et elle n’excluait pas de retraverser la pièce pour s’en servir un troisième. Moins de whisky, plus d’eau, car elle siégeait au tribunal le lendemain, et là elle était d’astreinte, à disposition en cas de requête urgente, alors même qu’elle essayait de récupérer. Il avait tenu des propos choquants et placé un fardeau insupportable sur ses épaules. Pour la première fois depuis des années, elle avait crié, et un vague écho résonnait encore à ses oreilles. « Quel con ! Quel pauvre con ! » Elle n’avait pas juré à voix haute depuis ses virées d’adolescente à Newcastle, même si un gros mot lui venait parfois à l’esprit lorsqu’elle entendait un témoignage complaisant ou un argument irrecevable.

Déjà lu du même auteur :

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