Lu en partenariat avec Albin Michel
Albin Michel – mars 2018 – 460 pages
traduit de l’anglais par Françoise du Sorbier
Titre original : The Chilbury ladies’ choir, 2018
Quatrième de couverture :
1940. Un paisible village anglais voit partir ses hommes au front. Restées seules, les femmes affrontent une autre bataille : sauver la chorale locale pour défier la guerre en chantant. Autour de Miss Primrose Trent, charismatique professeur de chant, se rassemble toute une communauté de femmes, saisie dans cet étrange moment de liberté : Mrs. Tilling, une veuve timide ; Venetia, la « tombeuse » du village ; Silvie, une jeune réfugiée juive; Edwina, une sage-femme qui cherche à fuir un passé sordide. Potins, jalousies, peurs, amours secrètes… Entre rires et larmes, Jennifer Ryan, s’inspirant des récits de sa grand-mère qui a vécu le conflit depuis un petit village du Kent, sonde les âmes de ce chœur que vous n’êtes pas près d’oublier.
Auteur : Née dans un petit village du Kent, Jennifer Ryan a été éditrice à Londres avant de partir à Washington avec sa famille. Plusieurs de ses nouvelles ont été publiées dans des revues littéraires. La Chorale des dames de Chilbury est son premier roman.
Mon avis : (lu en mars 2018)
J’ai dévoré ce livre lors du dernier week-end pluvieux… Ce livre m’a fait penser à un autre roman : Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates.
L’auteure s’est inspirée des histoires de sa propre grand-mère ainsi que d’extraits de journaux intimes tenus par des femmes de l’époque pour écrire ce beau roman plein de vie et de tendresse.
C’est une histoire typiquement britannique à propos d’une communauté de femmes qui contribuent à l’effort de guerre, essayant de survivre et de vivre leur vie pendant que le monde s’effondre autour d’elles. L’histoire est racontée au lecteur à travers de lettres échangées et d’extraits de journaux intimes de plusieurs personnages du petit village anglais de Chilbury de mars 1940 à août 1940.
Tout commence avec la décision du pasteur de dissoudre la chorale du village puisque tous les hommes ou presque sont partis à la guerre. Mais l’arrivée à Chilbury de miss Primerose Trent, dite Prim, professeur de chant, va permettre à la chorale de renaître avec uniquement des voix féminines. La chorale va fédérer les femmes. C’est l’occasion de se réunir pour se soutenir, pour rendre hommage aux disparus, pour se sentir vivantes, pour défier cette guerre et ses horreurs…
Avec les voix de Mrs Tilling, des sœurs Venetia et Kitty, de Silvie et d’Edwina, le quotidien de Chilbury est raconté avec ses joies et ses peines, ses bombardements et ses morts, ses naissances et ses amours… Selon leur âge, leur vie et leurs rêves elles partagent avec nous leurs préoccupations et leurs doutes durant cette période troublée. Les personnages sont le plus souvent attachants et j’ai passé un très bon moment en compagnie des Dames de la chorale de Chilbury !
Merci Claire et Albin Michel pour m’avoir permis de savourer ce premier roman choral.
Extrait : (début du livre)
Premier enterrement de la guerre, et notre petite chorale de village ne pouvait tout simplement pas chanter juste. « Saint, saint, saint » boitait comme si nous étions un brouhaha de moineaux bavards. Mais ce n’était pas à cause de la guerre, ou le jeune scélérat Edmund Winthrop torpillé dans son sous-marin, ou même la conduite abyssale du Vicaire. Non, c’était parce que c’était la dernière performance du Chilbury Choir. Notre chanson de cygne.
« Je ne vois pas pourquoi on devrait arrêter », a lancé sèchement Mrs. B. quand nous nous sommes assemblées ensuite dans le cimetière brumeux. « Ce n’est pas comme si nous étions une menace pour la sécurité nationale. »
– Tous les hommes sont partis, ai-je soufflé en retour, consciente que nos voix portaient de façon gênante dans la foule réunie pour l’enterrement. « Le pasteur dit qu’il ne peut pas y avoir de chœur sans hommes.
– Et pourquoi, sous prétexte que les hommes sont partis à la guerre, devrions-nous dissoudre la chorale ? Au moment précis où nous en avons le plus besoin ! Non mais, qu’est-ce qu’il va supprimer ensuite ? Ses carillonneurs bien-aimés ? Le culte du dimanche ? Noël ? Il y a des limites ! » Elle a croisé les bras exaspérée. « D’abord, on nous confisque nos hommes pour les envoyer combattre, ensuite on nous force à travailler, nous autres femmes, puis on rationne la nourriture et maintenant, on dissout notre chorale. D’ici à ce que les nazis arrivent, il ne restera plus rien, sauf une poignée de malheureuses prêtes à se rendre.
– Mais c’est la guerre, ai-je répliqué, essayant de tempérer ses récriminations. Nous autres femmes devons assumer une charge de travail supplémentaire pour la bonne cause. Cela ne me dérange pas de faire l’infirmière à l’hôpital, même si c’est assez lourd, en plus de mes tâches au dispensaire du village qu’il faut maintenir ouvert.
– La chorale fait partie de la vie de Chilbury depuis l’aube des temps. Il y a quelque chose de réconfortant à chanter ensemble. » Elle a bombé le torse, sa haute silhouette carrée évoquant celle d’un maréchal corpulent.
Le cortège a pris la direction du manoir de Chilbury pour le verre de sherry et le sandwich au concombre de rigueur.