Underground Railroad – Colson Whitehead

logoprixaudiolib20189782367624648-001-T 91WLQnlb5kL

Audiolib – novembre 2017 – 10h45 – Lu par Aïssa Maïga

Albin Michel – août 2017 – 416 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Serge Chauvin

Titre original : The Underground Railroad, 2016

Quatrième de couverture :
Cora, seize ans, est esclave sur une plantation de coton dans la Géorgie d’avant la guerre de Sécession. Abandonnée par sa mère lorsqu’elle était enfant, elle survit tant bien que mal à la violence de sa condition. Lorsque Caesar, un esclave récemment arrivé de Virginie, lui propose de s’enfuir, elle accepte et tente, au péril de sa vie, de gagner avec lui les États libres du Nord. De la Caroline du Sud à l’Indiana en passant par le Tennessee, Cora va vivre une incroyable odyssée. Traquée comme une bête par un impitoyable chasseur d’esclaves qui l’oblige à fuir, sans cesse, elle fera tout pour conquérir sa liberté. L’une des prouesses de Colson Whitehead est de matérialiser l’« Underground Railroad », le célèbre réseau clandestin d’aide aux esclaves en fuite qui devient ici une véritable voie ferrée souterraine, pour explorer, avec une originalité et une maîtrise époustouflantes, les fondements et la mécanique du racisme. À la fois récit d’un combat poignant et réflexion saisissante sur la lecture de l’Histoire, ce roman est une oeuvre politique aujourd’hui plus que jamais nécessaire.

Auteur : Né à New York en 1969, Colson Whitehead a été découvert en France avec la traduction de son premier roman, L’Intuitionniste. Ont suivi notamment Ballades pour John HenryLe Colosse de New York ou encore Apex ou le cache-blessure (publiés aux Éditions Gallimard), qui tous ont confirmé l’exceptionnel talent de Colson Whitehead à inventer de véritables machines romanesques, irriguées par une méditation sur les mythologies américaines, ainsi que par une réflexion très politique sur la question raciale. Avant d’être distingué par le prix Pulitzer, Underground Railroad avait déjà été récompensé par le National Book Award et élu « Meilleur roman de l’année 2016 » par la presse américaine. Salué par Barack Obama, le livre connaît depuis sa parution un succès phénoménal dans le monde entier comme en France.

Lecteur : Née à Dakar, Aïssa Maïga arrive en France à l’âge de quatre ans et demi. Elle s’intéresse très jeune au cinéma et fait ses premiers pas sur les planches à quinze ans. Après une formation théâtrale elle se distingue dans de nombreux films tels que Les Poupées russes de Cédric Klapisch, L’un reste, l’autre part de Claude Berri, ou Je vais bien, ne t’en fais pas. Son rôle dans Bamako d’Abderrahmane Sissako, lui permet de décrocher une nomination pour le Meilleur Espoir Féminin aux Césars 2007. Récemment, on a pu la voir dans des films d’auteurs (L’Écume des jours, de Michel Gondry ; Code inconnu de Michael Haneke) ou dans des comédies (Prêt à tout, Il a déjà tes yeux).

Mon avis : (écouté en février 2017)
J’ai trouvé cette lecture passionnante et palpitante. Elle raconte l’histoire de Cora, une jeune esclave que 16 ans, qui vit depuis sa naissance dans une plantation de coton propriété des frères Randall, des maître blancs cruels et brutaux. Alors qu’elle n’avait que 10 ans, sa mère, Mabel, s’est enfuie du domaine en la laissant seule. Mabel n’a jamais été retrouvée. Cora a la rage de vivre et finit par accepter de s’évader avec un autre esclave Caesar pour emprunter « l’Underground Railroad », espoir de liberté.
Le lecteur suit le périple de Cora de la Georgie en Caroline du Sud, puis en Caroline du Nord, puis le Tennessee et l’Indiana, fuyant un chasseur d’esclaves lancé à ses trousses…
L’auteur est très bien documenté : il est question des mauvais traitements fait aux esclaves, les divers châtiments et humiliations, le racisme, les campagnes de stérilisation ou expérimentations médicales sur la population noire, des chasseurs d’esclaves, des affranchis…
C’est avec l’écriture de ce billet et en allant me documenter sur internet à propos du « chemin de fer clandestin », que j’ai découvert que l’auteur m’avait mystifiée en imaginant dans son histoire un vrai réseau ferrée souterrain et ses trains…
En réalité, le « chemin de fer clandestin » est mis sur pied au début du XIXe siècle par une communauté d’abolitionnistes établis surtout à Philadelphie. En quelques décennies, il devient un réseau dynamique bien organisé. C’est un réseau clandestin complexe de personnes et de refuges visant à aider les esclaves des plantations du Sud à recouvrer leur liberté au Nord.
Encore une fois, j’aurai dû mieux lire la quatrième de couverture pour comprendre que ce réseau ferrée souterrain était comme une parabole sortie de l’imagination de l’auteur…
La lectrice a une voix douce et très agréable qui contraste avec la violence de cette histoire. Une belle histoire bien documentée qui donne à réfléchir et à ne pas oublier. Malheureusement, il y a également une résonance avec l’actualité puisque encore aujourd’hui il existe des esclaves…

Extrait : (début du livre)
La première fois que Caesar proposa à Cora de s’enfuir vers le Nord, elle dit non.

C’était sa grand-mère qui parlait à travers elle. La grand-mère de Cora n’avait jamais vu l’océan jusqu’à ce jour lumineux, dans le port de Ouidah, où l’eau l’avait éblouie après son séjour dans les cachots du fort. C’est là qu’ils avaient été parqués en attendant les navires. Des razzieurs dahoméens avaient d’abord kidnappé les hommes, puis étaient revenus au village à la lune suivante rafler les femmes et les enfants, qu’ils avaient fait marcher de force jusqu’à la mer, enchaînés deux par deux. En fixant le seuil noir, Ajarry crut qu’elle allait retrouver son père dans ce puits de ténèbres. Les survivants de son village lui expliquèrent que lorsque son père n’était plus parvenu à tenir le rythme, les marchands d’esclaves lui avaient défoncé la tête et avaient abandonné son corps sur le bord de la piste. Sa mère était morte bien des années plus tôt.
La grand-mère de Cora fut revendue plusieurs fois sur le chemin du fort, passant d’un marchand à un autre, troquée contre des cauris et de la verroterie. Impossible de dire combien on paya pour elle à Ouidah, car elle fit partie d’une vente en gros, quatre-vingt-huit âmes contre soixante caisses de rhum et de poudre, un prix arrêté après les marchandages habituels en sabir d’anglais. Les hommes valides et les femmes fertiles rapportaient plus que les juvéniles, ce qui rendait difficile une estimation individuelle.
La Nanny, en provenance de Liverpool, avait déjà fait deux escales sur la Côte-de-l’Or. Le capitaine échelonnait ses achats pour ne pas se retrouver confronté à une cargaison d’origine et de mentalité identiques. Dieu sait quelle mutinerie ses captifs risqueraient de concocter s’ils partageaient une langue commune. C’était la dernière escale du navire avant sa traversée de l’Atlantique. Les marins aux cheveux jaunes y conduisirent Ajarry à la rame en fredonnant. La peau blanche comme de l’os.

Petit bac 2018Moyen de Transport (2)

 

Publicité